Voix du Mexique

LE VOYAGE, NON SEULEMENT EN TANT QUE POSSIBILITÉ DE DÉPLACEMENT PHYSIQUE mais aussi en tant que déplacement mental, spirituel et intellectuel vers d’autres pôles du monde, a intrigué les hommes de tout temps à jamais au point de les obséder. Recherche de la différence ou rejet de ce qui est à soi : quelle que soit la motivation qui pousse un être humain vers un style de vie, ou de pensée, différent, le résultat implique un nécessaire élargissement de sa façon de voir le monde et de concevoir les possibles relations avec ses semblables. La littérature est peut-être un des vecteurs privilégiés pour se projeter dans des lieux éloignés, car elle allie les mondes intérieurs et la recherche acharnée du monde « réel ».

La revue Retors, dans chacune de ses traductions, parie sur le voyage en tant que découverte et révélation. Moins une rupture des frontières que leur dissolution subtile, l’acte d’adapter et de transmettre la voix d’un auteur depuis un lieu distant — ou proche —, ouvre une nouvelle pièce où un dialogue nouveau et différent est possible. Traduire devient une double expérience, une richesse continue pour laquelle il suffit au lecteur de mettre les lunettes de l’extranéité. C’est avec cette idée que nous présentons le dossier « Voix du Mexique : 16 écrivains contemporains ».

Les textes que nous présentons ici appartiennent au monde flou de cette « autre » littérature, celle qui ne parvient pas au public francophone mais qui est aussi importante (ou plus) que la littérature traduite. Nous ne publions pas ces textes dans l’idée de les classifier tel un taxidermiste. Notre moteur est plutôt celui du collectionneur. Notre curiosité et notre manière de compiler les objets de notre collection n’obéissent qu’au plaisir d’avoir trouvé ici ou là des objets qui pouvaient amorcer un dialogue avec des lecteurs d’autres horizons, sans que cela n’obéisse à aucune loi du marché.

L’avantage, peut-être, des deux aventuriers de ce projet réside sans doute dans leur condition d’exilés en France car ils ne voient pas leur pays comme le lieu que l’on a perdu ni auquel on est lié de façon irrémédiable. Au contraire, la distance leur permet de l’observer d’un œil différent, distant, et de s’étonner autrement de choses qui passent peut-être inaperçues pour ceux qui y vivent.

C’est ainsi que nous avons ouvert ce Bureau des Merveilles pour laisser à portée de tous une œuvre littéraire vivante qui s’engage, avant tout par l’écriture, et qui souhaite servir de pont — et d’invitation à le traverser — entre les lecteurs francophones et le monde multi-facettes qu’est le Mexique, pays culturellement proche (l’« extrême » Occident) et exotique (en raison de son grand métissage avec des cultures du monde entier, sans oublier les cultures indigènes).

Le voyage cependant ne termine pas ici. Ceci est le port de sortie d’une nouvelle rubrique de la revue que nous appellerons « Hispanofonías/Hispanophonies », et qui sera consacrée à la découverte et à la diffusion en version française d’auteurs contemporains de l’Amérique hispanique et de l’Espagne, de grande qualité littéraire, et qui n’ont pas eu l’opportunité d’être connus par le public francophone. Nous avons la certitude qu’Internet est un véritable réseau qui permet aux auteurs et aux lecteurs de se rencontrer, n’importe où.

Afin de présenter ce numéro, commençons par le roman. C’est grâce à un long voyage d’apprentissage (et de décadence) que Matilde, le personnage principal de Nadie me verá llorar de Cristina Rivera Garza, nous permet de nous rapprocher d’un Mexique bigarré au moment du passage du XIXe au XXe siècle. De la jungle à la capitale, le personnage de Matilde passe par tous les états d’esprit et de chair que peut vivre une fille qui a grandi dans la boue et qui a fini ses jours dans un asile psychiatrique. Enchainée a un collier dont les perles de la famille, les femmes et les hommes défilent sans pouvoir s’arrêter, Nadie me verá llorar est l’histoire d’une profonde folie, d’un homme, d’une femme, d’un passé et de nombreux silences, qui le rendent indispensable dans le panorama de la littérature mexicaine actuelle.

Marquée par l’étonnement, par des lieux apparemment communs recouverts d’un subtil vernis d’ironie, Temporada de caza para el león negro de Tryno Maldonado inaugure une thématique contemporaine, actuelle, inquiétante, sous la plume de cet écrivain. Sous forme d’annotations marginales à une histoire d’amour et de mépris, menée par l’amant du personnage principal (dont le nom vraiment très étrange est Golo) le roman nous révèle un être dont la personnalité insupportable ne peut être pardonnée que pour deux raisons : c’est un génie de la peinture et le narrateur ne peut s’empêcher de l’aimer. Le récit, chaotique en apparence, s’abat sur le papier comme des coups de pinceau uniques sur la toile, mettant ainsi au jour un tableau irrévérencieux, provocateur, et pas moins achevé que ses livres précédents Viena Roja et Tema y variaciones.

Bien que la métamorphose humaine ne soit pas le thème original — il est difficile de ne pas penser à Kafka en lisant la première œuvre de Daniela Tarazona —, El animal en la piedra le fait de façon singulière. Peu après la mort de sa mère, le protagoniste souffre d’une transformation presque aussi brutale qu’insoupçonnable. Au cours d’un étrange voyage initiatique, presque un anti-roman d’apprentissage, l’itinéraire du personnage féminin principal invite le lecteur le long d’une spirale de mort, de maternité et de vie. Le roman, grâce à un style achevé, intelligent et animal, happe le lecteur par son lent mouvement de phrases presque minérales, ancestrales.

Dans El último lector, David Toscana (officiellement invité au Salon du Livre) relate l’histoire tourmentée d’un homme et de son fils échoués dans un village désert qui, ironiquement, fut une mer des siècles auparavant. Dans ce lieu où l’aridité de la terre se confond avec celle d’un ensemble de personnages qui se délitent dans les entrailles d’une vie anémique, Rémigio découvre un matin le cadavre d’une enfant ravissante dans le puits de sa maison. Son père, Lucio, un bibliophile aguerri et sélectif, mis au courant de l’infortune par son rejeton, se verra changé en une sorte d’oracle paysan ; il ne laissera pas passer l’opportunité de le conduire dans les chemins scabreux de ses passions déchainées (la culpabilité, le désir), en se servant de la littérature comme de la seule clé qui permet de vivre le mystère de la vie postérieur à la rencontre avec la fillette morte, sans qu’il n’ait ni le besoin ni l’obligation de raconter ce qui s’est passé en réalité ni pourquoi.

En passant du registre narratif au théâtre, le lecteur devra se divertir et s’émouvoir avec les scènes de Clipperton du dramaturge David Olguín. Bien qu’au Mexique le théâtre soit un genre qui a du mal à trouver sa place entre spectacle et littérature, Olguín est resté ferme et a réussi quelques-unes des œuvres les plus mémorables de la dramaturgie contemporaine. Son maniement de la langue et sa maitrise de la forme se conjuguent à une profonde connaissance de la nature humaine pour nous montrer dans Clipperton une série de personnages incroyables tels que Victoriano (version rocambolesque de Calibán), et le soldat homosexuel Margarito, dans une histoire passionnante de luttes de pouvoir, de pulsions incontrôlables et de mort.

Le genre de la poésie est représenté par quatre auteurs. Le premier d’entre eux, l’aîné, est David Huerta. Associé au voyage initiatique du long poème Incurable, Huerta est sans aucun doute une des absences les plus surprenantes — et inexplicables — du Salon du Livre de Paris, car il est considéré comme l’un des meilleurs poètes vivants de la génération née dans les années quarante. De son œuvre, nous offrons au lecteur peut-être un de ses poèmes les plus personnels : El fumador, dans lequel il relate son expérience du tabagisme et de l’alcoolisme. El fumador est une démonstration hors du commun de son style, alliance d’images surprenantes et d’une écriture agile ; elle s’éloigne en grande partie de ses vers denses, indociles, chargés de nœuds sémantiques qui éclatent dans l’esprit du lecteur, sans perdre pour autant sa force et son éclat poétiques.

En ce qui les concerne, Silvia Eugenia Castillero et Jose Luis Rivas entament un dialogue selon la plus grande tradition de la culture et de la littérature universelles. Dans ses poèmes courts, Castillero façonne une Eloisa qui dialogue avec le présent par le biais de l’étrange expérience de son apparition, laquelle se dévoile jusqu’à ce que son image s’écroule dans la création minérale de la statue. Rivas, au contraire, à travers la révision poétique des lectures disséminées suggérées dans Waste land de T.S. Eliot, se sert du souffle éliotien comme point de départ pour jeter aux quatre vents sa voix poétique et trouver à travers des vocables lointains et proches à la fois de l’horizon de la langue mexicaine, son moteur, son rythme propre, achevant ainsi la révélation d’un paysage original, vivant, enchanteur.

Enfin, on trouve le jeune Luis Felipe Fabre dont l’œuvre représente une note d’originalité remarquable dans le panorama « poétique » mexicain. Il se démarque par son ironie, son irrévérence, par la recherche du surprenant dans les thèmes qui constituent la trame de notre vie quotidienne au début du XXe siècle, à travers, par exemple, l’histoire type western d’un vendeur de bibles ou la patiente méditation d’une vache bouddhiste que nous publions ici. Comme les moines zen, Fabre atteint le lieu où l’ordinaire s’effondre et où se dresse la surprise de ce qui ce cache derrière les mots.

Vivian Abenshushan mérite une mention spéciale car elle est sans le moindre doute l’une des meilleures essayistes de notre pays. Avec El placer de rascarse la cabeza, Abenshushan nous rappelle que l’essai littéraire ne porte pas que sur la littérature et que n’importe quel thème, tout aussi insignifiant qu’il soit, répond à la curiosité du véritable essayiste. Moins avec l’intention de persuader que de séduire, ni d’argumenter pour convaincre que pour le simple plaisir de divaguer dans le flux de l’argumentation, sa plume nous entraine dans le microcosme de sa tête… littéralement.

Un nouveau saut dans la narration par le biais du récit et de la nouvelle nous permet de présenter avec plaisir Francisco Hinojosa. Dans ses textes, cet auteur multi-facettes parvient à ce qu’une histoire supposée « réaliste » débouche sur l’inhabituel, voire l’absurde, laissant à découvert toute la dérision, le mal-à-propos, le conventionnel-cliché, le violent, l’égocentrique et le basique qu’il y a dans nos gestes mondains, dans notre vie quotidienne. Parmi la sélection de textes présentée dans ce dossier, A los pinches chamacos de Francisco Hinojosa a un double impact sur le lecteur en relatant de la façon la plus désopilante qui soit l’histoire délirante de gamins hors pair dont la vision infantile dénonce les vices de la société telle qu’elle est ainsi que nos propres vices.

Dans son recueil de nouvelles, Cocaína. Manual de usuario, Julian Herbert assume la responsabilité d’une tradition cosmopolite et la soumet à la rigueur du langage de l’addiction, dans ce cas celui de la poudre blanche. Vive sin drogas est marginal étant donné la présence « matérielle » de la blanche dans le récit, et nous montre l’état de léthargie (peut-être de stupidité) dans lequel vit « sans drogues » le personnage principal à qui un étrange ange du matin rend visite. Surprise, désenchantement, indifférence sont quelques-uns des ingrédients de ce livre qui, constitué d’histoires dissemblables et de personnages dépendants de la drogue ayant l’air de n’être qu’un seul, est une dénonciation hilarante de la « fiction » dans laquelle vit une société, comme la société mexicaine, soucieuse jusqu’à l’obsession de respecter l’imposture du politiquement correct.

Avec la nouvelle Servicio público, Miguel Tapia Alcaraz s’éloigne du style et des thèmes qui contaminent la majeure partie du livre de Los caímanes et de ce qui a été appelé la « littérature du nord ». Moquerie et dénonciation de nos manies contemporaines, Tapia va au bout de l’absurde pour nous raconter l’histoire d’un homme affecté d’une maladie étrange. En voyage d’affaires, cet employé de bureau se voit contraint de chercher un téléphone comme le seul remède possible à son mal, au beau milieu d’un village où tout semble être un mirage. Phrase après phrase l’ironie du dénouement nous fera sans doute nous poser la question de savoir si nous ne sommes pas nous-mêmes contaminés par cette maladie — ou par d’autres manies pires encore.

Depuis qu’il a commencé à publier, il y a peu, Antonio Ortuño, n’a cessé de surprendre la critique mexicaine par la concision de sa prose, son humour noir et sa capacité à explorer la sordide contradiction de ses personnages, qui ont l’habitude de cacher au fond d’eux une fascinante dissociation de la perversité du désir incontrôlable et d’une conscience relative de l’autre. El jardín Japones, un récit qui apparait dans le livre éponyme, nous montre clairement la partie émergée de l’iceberg qui obsède Ortuño : le désir d’être heureux peu importe le temps consacré et les moyens pour y parvenir.

Alberto Chimal continue de montrer la versatilité de sa thématique et de son écriture. D’abord intéressé par l’exploration aussi bien des mondes limitrophes que des mondes extérieurs que nous avons coutume d’appeler réalité, Chimal vient de publier un roman à la tonalité plus « réaliste », Los esclavos, un peu plus proche de la thématique de la micro-fiction que nous publions ici, et dans laquelle on peut apprécier l’efficacité d’une langue qui raconte une histoire convaincante avec des phrases courtes, descriptives et narratives à la fois. Photo après photo, le lecteur est happé dans une spirale dont la fin sera, pour sa grande surprise, celle qu’il imagine.

Nous concluons avec un autre des auteurs invités au Salon du Livre, Álvaro Enrigue. Peut-être la plus grande force de ses textes réside-t-elle dans sa capacité d’évocation. Passionné par le récit d’histoires qui ont eu lieu il y a des décennies, des siècles ou des milliers d’années (comme c’est le cas dans son dernier roman, Vidas perpendiculares, publié récemment chez Gallimard), sa prose pose l’énigme de l’étonnement que l’on a face à la vie quotidienne dans n’importe quel lieu et à n’importe quelle époque mais racontée depuis notre présent. L’écriture agile, mordante parfois, de l’Álvaro Enrigue des derniers livres montre un narrateur qui commence à atteindre sa maturité stylistique et qui, confronté à une thématique importante, pourrait produire un des meilleurs livres de la décennie à venir.


En premier lieu, nous voulons remercier la grande disponibilité des auteurs qui dès le début se sont intéressés à ce projet et nous ont offert leur soutien pour reproduire ici leurs textes. En second lieu, les traducteurs : Gersende Canemen, François-Michel Durazzo, Alba Escalón, Philippe Eustachon, Laure Gauzé, Pauline Hachette, Jeanne-Marie Hostiou, Laure Labat, Guillaume Zambrano, qui nous ont offert leur temps, leur patience, leur enthousiasme et leur dévouement. Nous remercions aussi les éditions hispaniques Almadía, Anagrama, El equilibrista, ERA, FCE, Filo de caballos, Mondadori, Páginas de espuma, Tusquets, celles de la Universidad de Guanajuato, de la UNAM, les éditions françaises Zulma et canadiennes Le noroît, pour nous avoir permis de traduire et de reproduire ces textes, ainsi qu’aux agents des maisons d’éditions et des agences littéraires, Justyna Rzewuska (Random House Mondadori), Jacoba Casier (Guillermo Schavelzon) et Jordi Roca (Literarische Agentur Mertin), pour leur cordiale attitude et leur efficacité. Pía Elizondo, pour nous avoir permis de participer à ce voyage à la « frontière » avec sa série éponyme. Chacun de nos conseillers, pour la justesse de leurs commentaires et la façon dont ils ont enrichi l’horizon de ce numéro. Et bien sûr les éditrices de retors : Sarah Cillaire, Monika Prochniewicz et Karine Samardzija, qui ont accepté de nous accueillir au sein de ce projet. Lecteur, sans le foyer solide qu’est la revue, nous n’aurions pas pu t’offrir ces pages.

Traduit par Laure Labat

EL VIAJE, NO SÓLO COMO POSIBILIDAD DE DESPLAZAMIENTO FÍSICO, sino también del desplazamiento mental, espiritual e intelectual a otros polos del mundo, ha intrigado a los hombres desde épocas sin memoria hasta el grado de obsesionarlos. Búsqueda de lo diferente o rechazo de lo propio: cualquiera que sea la motivación que lleva a un ser humano a perseguir una forma de vida o de pensamiento diferente, el resultado implica una obligada ampliación de su forma de ver el mundo y de concebir las relaciones posibles con su semejante. La literatura es acaso uno de los medios más privilegiados para proyectarse hacia sitios distantes, pues en toda ella se condensan tanto los mundos internos como la búsqueda encarnizada del mundo “real”.

La revista Retors, en cada una de sus traducciones, apuesta al viaje como descubrimiento y revelación. Menos un quiebre de fronteras que su sutil disolución, el acto de adaptar y de transmitir la voz de un autor desde un lugar distante —o cercano—, abre un nuevo aposento en donde se vuelve posible un diálogo distinto. Traducir se vuelve entonces una experiencia doble, una riqueza continua para la que sólo basta ponerse como lector los lentes de la extranjería. Con esta idea en mente presentamos el dossier “Voix du Mexique: 16 écrivains contemporains”.

Los textos que aquí presentamos pertenecen al vago mundo de esa “otra” literatura, la que no llega al público francófono pero que es tan importante (o más) como la ya traducida. Al publicar estos textos, no lo hacemos con el afán del taxidermista que pretende clasificarlo todo. Nuestro motor es más bien el del coleccionista. Nuestra curiosidad y manera de recolectar los objetos de nuestra colección no obedece más que al placer de haber encontrado aquí y allá objetos que puedan entablar un diálogo con lectores de otros lindes, sin que obedezcan a ninguna ley de mercado.

Tal vez la ventaja de los dos aventureros de este proyecto radica sin duda en su condición de exiliados en Francia, pues no ven su país de origen como el lugar que se ha perdido, ni al que están apegados de forma irremisible. Al contrario, a la distancia pueden observarlo con una mirada distinta, distante, y asombrarse de otro modo por cosas que tal vez pasen desapercibidas para los que en él viven.

Así, abrimos este Gabinete de Maravillas para poner al alcance de todos una obra literaria viva que se compromete, antes que nada con la escritura, y que desea servir como el puente — y la invitación a cruzarlo — entre los lectores francófonos, y el mundo polifacético que es México, país que a la vez es culturalmente cercano (el “extremo” Occidente) y exótico (por su gran mestizaje con culturas de todo el globo, incluidas las indígenas).

El viaje, sin embargo, no termina aquí. Este es el puerto de salida para una nueva rúbrica de la revista, que llamaremos "Hispanofonías/Hispanophonies”, y que estará dedicada a descubrir y difundir en versión francesa a autores contemporáneos de Iberoamérica, de alta calidad literaria, y que no hayan tenido la oportunidad de ser conocidos por el público francófono. Tenemos la seguridad de que Internet sea una verdadera red que permita que los autores y los lectores se encuentren. En cualquier lugar.

Para presentar a este número, comencemos con la novela. En un largo viaje de formación (y de decadencia), Matilde, el personaje principal de la novela Nadie me verá llorar de Cristina Rivera Garza, nos permite acercarnos a un México variopinto en el paso del siglo XIX al XX. De la selva a la capital, el personaje de Matilde transita por todos los estados de ánimo y de la carne que puede vivir una niña crecida en medio del lodo y que acabó sus días en un asilo psiquiátrico. Engarzada en un collar en que las cuentas de la familia, las mujeres y los hombres desfilan sin poder detenerse, Nadie me verá llorar es la historia de una entrañable locura, un hombre, una mujer, un pasado y muchos silencios, que la vuelven indispensable en el panorama de la literatura mexicana de nuestros días.

Marcada por el asombro, por lugares aparentemente comunes recubiertos por un sutil barniz de gran ironía Temporada de caza para el león negro de Tryno Maldonado inaugura una temática contemporánea, actual, inquietante, en la pluma de este escritor. En forma de anotaciones marginales a una historia de amor y despecho, llevada a cabo por el amante del personaje principal (de nombre extrañísimo, Golo), la novela nos revela a un ser a quien sólo se le puede perdonar su insoportable personalidad por dos razones: se trata de un genio de la pintura y el narrador no puede evitar amarlo. El relato, en apariencia caótico, cae sobre el papel como pinceladas únicas sobre el lienzo, logrando un cuadro irreverente, provocativo y no menos logrado que sus libros anteriores Viena Roja y Tema y variaciones.

Aunque el de la metamorfosis humana no sea un tema original —es difícil no pensar en Kafka al leer la ópera prima de Daniela Tarazona—, El animal en la piedra lo hace de una manera original. Justo después de la muerte de su madre, la protagonista vive una transformación casi tan brutal como insospechada. En un raro viaje iniciático, casi como una anti-novela de (trans)formación, el recorrido del personaje principal femenino invita al lector a seguirla a lo largo de una espiral de muerte, maternidad y vida. La novela, gracias a un estilo pulido, inteligente y animal, atrapa al lector en su lento movimiento de frases casi pétreas, ancestrales.

En El último lector, David Toscana (invitado oficialmente al Salon du livre) relata la historia tormentosa de un hombre y su hijo, varados en un pueblo desértico que, irónicamente, hace siglos fue mar. En este lugar, donde la aridez del terreno se confunde con la de un conjunto de personajes que se hunde en las entrañas de una vida anémica, Remigio descubre una mañana el cadáver de una hermosa niña en el pozo de su casa. Su padre, Lucio, un bibliófilo aguerrido y selectivo puesto al tanto del infortunio de su vástago, se verá convertido en una suerte de oráculo campirano, y no desaprovechará la oportunidad para conducirlo por los vericuetos de sus pasiones desencadenadas (la culpa, el deseo), valiéndose de la literatura como la sola clave que permite vivir el misterio de la vida posterior al encuentro con la niña muerte, sin que tenga la necesidad u obligación de contar qué pasó en realidad, ni por qué.

Cambiando del registro narrativo al teatral, el lector habrá de divertirse y emocionarse con las escenas de Clipperton del dramaturgo David Olguín. A pesar de que en México el teatro sea un género al que le cuesta encontrar su lugar entre el espectáculo —no el de masas— y la literatura, Olguín se ha mantenido firme y ha logrado algunas de las obras más memorables de la dramaturgia contemporánea. Su manejo del lenguaje y dominio de la forma se conjugan con un profundo conocimiento de la naturaleza humana para mostrarnos en Clipperton una serie de increíbles personajes, como Victoriano (versión rocambolesca de Calibán), y el soldado gay Margarito, en una historia apasionante de lucha de poder, pulsiones incontrolables, y muerte.

El género de la poesía se encuentra representado por cuatro autores. El primero de ellos, el mayor, es David Huerta. Asociado al largo viaje iniciático registrado en el extenso poema Incurable, Huerta es sin lugar a dudas una de las ausencias más sorprendentes —e inexplicables— del Salon du Livre de Paris, pues es considerado como uno de los mejores poetas vivos nacidos en los años cuarenta. De su obra ofrecemos a los lectores acaso uno de sus poemas más personales: El fumador, en el que relata su experiencia con el tabaquismo —y también con el alcoholismo. El fumador es una muestra fuera de lo común de su estilo, compuesta por imágenes sorprendentes y una escritura ágil, pues se aleja en no poca medida de sus poemas densos, indóciles, cargados de nudos semánticos que estallan en la mente del lector, sin perder por lo tanto su fuerza y su eficacia poética.

Por su parte, Silvia Eugenia Castillero y José Luis Rivas entablan un diálogo con la tradición mayor de la cultura y la literatura universal. En sus cortos poemas, Castillero esculpe a una Eloísa que dialoga con el presente por medio de la extraña experiencia de su aparición, la cual se revela hasta que se desmorona su imagen en la creación pétrea de la estatua. Rivas, en cambio, mediante la revisión poética de las lecturas diseminadas y sugeridas en Waste land de T.S. Eliot, se sirve del aliento eliotano como punto de partida para lanzar al vuelo su voz poética y hallar, mediante vocablos lejanos y a la vez próximos al horizonte del habla mexicana, su motor y ritmo propio, logrando así la revelación de un paisaje original, vívido, encantador.

Por último, se encuentra el joven Luis Felipe Fabre, cuya obra representa un contrapunto notable al panorama “poético” mexicano, al desmarcarse por su ironía, su irreverencia en la búsqueda de lo sorprendente en los temas que constituyen el tramado de nuestra vida cotidiana a principios del siglo XX, por ejemplo, mediante la historia tipo western de un vendedor de biblias, o la paciente meditación de unas vacas budistas, que publicamos aquí. Como los monjes zen, Fabre atina ahí donde se colapsa lo ordinario y se erige el asombro de lo que se esconde detrás de las palabras.

Nota aparte merece Vivian Abenshushan quien es, sin duda, una de las mejores ensayistas de nuestro país. Con El placer de rascarse la cabeza, Abenshushan nos recuerda que el ensayo literario no versa sólo sobre “literatura”, porque cualquier tema –por nimio que parezca– sacia la curiosidad del verdadero ensayista. Menos con la intención de convencer que de seducir, ni de argumentar para persuadir, por el simple placer de divagar en las olas de la argumentación, su pluma nos envuelve en el microcosmos de su cabeza… literalmente.

En un nuevo salto a la narrativa, en este caso: cuentos y relatos, es un verdadero placer presentar a Francisco Hinojosa. En sus textos, este autor polifacético logra que una historia supuestamente "realista" dé paso a lo inusual, incluso al absurdo, dejando al descubierto todo lo irrisorio, fuera de lugar, convencional-cliché, violento, egocéntrico y básico que hay en nuestros gestos mundanos, en nuestra vida cotidiana. De la selección de cuentos presentada en este dossier, A los pinches chamacos de Francisco Hinojosa impacta al lector por partida doble al relatar la delirante historia de unos mocosos sin par, de la manera más deschavetada y desopilante posible, cuya visión infantil denuncia los vicios que constituyen a la sociedad como tal, y a nosotros en particular.

En su libro de cuentos Cocaína. Manual de usuario Julián Herbert asume una tradición cosmopolita y la somete al rigor del lenguaje de la adicción, en este caso el del polvo blanco. Vive sin drogas, marginal en cuanto a la presencia material de la blanca en el relato, nos muestra el estado de letargo (acaso de estupidez) en el que vive “sin drogas”el personaje principal, y es visitado por un curioso ángel de la mañana. Sorpresa, desencanto, indiferencia, son algunos ingredientes de este libro que, constituido por historias dispares y personajes dependientes a la droga que parecieran ser uno solo, es una denuncia hilarante de la ficción en la que vive una sociedad como la mexicana, obstinada en respetar la impostura de lo políticamente correcto.

Con el cuento Servicio público Miguel Tapia Alcaraz se aleja del estilo y temas que recorren la mayor parte del libro de Los Caimanes, y de lo que se ha dado por llamar la “Literatura del Norte”. Mofa y denuncia de nuestras manías contemporáneas, Tapia va hasta el fondo del absurdo para contarnos la historia de un hombre afectado por una enfermedad extraña. En viaje de trabajo, este oficinista se ve obligado a buscar un teléfono, en medio un pueblo en el que todo parece ser un espejismo, como la sola cura posible para su extraño mal. Frase tras frase, la ironía del desenlace tal vez nos haga interrogarnos si nosotros mismos no estamos también contagiados de esta enfermedad —u otras manías peores.

Desde que comenzó a publicar, no hace mucho tiempo, Antonio Ortuño no ha parado de sorprender a la crítica mexicana por la concisión de su prosa, su humor negro y su capacidad para explorar la sórdida contradicción de sus personajes, quienes suelen esconder en su interior una subyugante escisión entre la perversidad del deseo incontrolable y una relativa consciencia del otro. El jardín japonés, un relato que apareció en el libro homónimo, nos muestra con nitidez la punta del iceberg que obsesiona a Ortuño: el anhelo de ser feliz sin importar el tiempo y, menos aún, los medios para conseguirlo.

Alberto Chimal sigue mostrando la versatilidad de su temática y su escritura. Interesado en un principio por la exploración tanto de los mundos limítrofes como de los externos a lo que solemos llamar realidad, Chimal acaba de publicar una novela de tinte más “realista”, Los esclavos, un poco más cercana a la temática de la micro-ficción que publicamos aquí, y en la que se puede apreciar la eficacia de su lenguaje al contar una historia contundente con frases cortas, descriptivas y narrativas a la vez. Foto a foto, el lector se ve atrapado en una espiral cuyo fin será, para su asombro, aquel que se imagina.

Cerramos con otro de los autores invitados al Salon du livre, Álvaro Enrigue. Acaso la mayor fuerza de sus textos radique en su capacidad evocativa. Aficionado a contar historias sucedidas hace decenas, centenas o miles de años (como es el caso de su última novela Vidas perpendiculares recién publicada en francés por Gallimard), su prosa plantea el enigma del asombro que se tiene frente la vida cotidiana en cualquier lugar y época pero contada desde nuestro presente. Con una escritura ágil, mordaz a veces, el Álvaro Enrigue de los últimos libros señala a un narrador que comienza a alcanzar su madurez estilística y que enfrentado a una temática importante, podría producir alguno de los mejores libros de la década por venir.


En primer lugar, queremos agradecer la gran disposición de los autores, quienes desde un principio se interesaron en este proyecto y nos dieron su apoyo para reproducir aquí sus textos. En segundo lugar, a los traductores Gersende Canemen, François-Michel Durazzo, Alba Escalón, Philippe Eustachon, Laure Gauzé, Pauline Hachette, Jeanne-Marie Hostiou, Laure Labat, Guillaume Zambrano, quienes nos obsequiaron su tiempo, su paciencia, entusiasmo y dedicación. También, a las editoriales hispanas Almadía, Anagrama, El equilibrista, ERA, FCE, Mondadori, Páginas de espuma, Tusquets, de la Universidad de Guanajuato, de la UNAM, y a la francesa Zulma y la canadiense Le noroît, por habernos permitido traducir y reproducir los textos; así como a los agentes de las casas editoriales y agencias literarias, Justyna Rzewuska (Random House Mondadori), Jacoba Casier (Guillermo Schavelzon) y Jordi Roca (Literarische Agentur Mertin), por su amable actitud y su gran eficacia. A Pía Elizondo, por permitirnos acompañar este viaje de fronteras con su serie homónima. A cada uno de nuestros consejeros, por lo atinado de sus comentarios, y la forma en que enriquecieron el horizonte de este número. Y, por supuesto, a las editoras de retors: Sarah Cillaire, Monika Prochniewicz y Karine Samardzija, quienes aceptaron acogernos con este proyecto. Sin el hogar sólido que es la revista, no hubiéramos podido ofrecerte, lector, estas páginas.

Par Iván Salinas, Mariana Martínez Salgado

Photographies :
Pía Elizondo (Mexico, 1963). Photographe active depuis 1993, elle a prit part à de nombreuses expositions individuelles et collectives, en France, en Espagne, au Mexique, aux États-Unis, en Amerique du Sud (Brésil, Colombie, Puerto-Rico). Elle a publié le livre Primer cuadro, et participé à de nombreuses publications. Elle a merité par deux fois la Bourse du SNC (Sistema Nacional de Cradores) à Mexico. Elle a travaillé en tant que professeur de photographie au Mexique el dernièrement en Arles pour « Une rentrée en images » avec un atelier de sténopé. Elle habite actuallement en France et travaille sur un projet de long terme sur le thème de la frontière comme territoire, dont on présente ici une partie. La plus part de son œuvre se trouve dans son site : www.piaelizondo.com

Les photographies qui accompagnent les textes appartiennent à la série Frontières