Le jardin japonais

À L.K.

Quand j’avais neuf ans, mon père me louait une pute. Une pute, naturellement, de neuf ans. J’ai oublié les vêtements, les jouets, la nourriture, tout ce qui faisait ma vie à neuf ans, mais je n’ai pas oublié la pute.

Fabiana ne couchait pas avec moi. Ou plus exactement, elle se couchait avec moi et c’était tout. Mon père insistait pour que nous dormions ensemble et il s’assurait que nous nous enlacions sous les couvertures. Nous n’avons jamais essayé d’enlever nos vêtements — ce qui m’angoissait à quatorze ans, au souvenir de Fabiana et de mon indifférence à son égard —, et à peine osâmes-nous une nuit joindre nos lèvres en un mouvement qu’il serait généreux de qualifier de baiser.

Fabiana arrivait à la maison les vendredis, à l’heure du dîner, un sac à dos sur l’épaule pour ses habits et un film à la main. Nous passions les week-ends chez moi, nous dormions et nous allions nager à la piscine, mais nous ne sommes jamais allés nous doucher ensemble — ce que je me rappelais, me torturant, à quatorze ans, tout en caressant chaque goutte des parois de la douche où je n’avais jamais été avec elle.

Mon père disait que je n’avais pas assez d’amis et il s’obstinait à vouloir que je passe du temps avec Fabiana. Pourtant j’en avais des amis, mais mon père ne pouvait pas se résigner à ce que je joue avec les enfants des domestiques, et il n’aurait jamais consenti à ce que je dorme avec l’un d’eux. « Je ne veux pas, Jacobo, que tu penses que les domestiques jouent avec toi par amitié », me disait-il. « Ils jouent avec toi parce que je les paie. »

J’ai appris que Fabiana était une pute par la bouche d’un camarade de classe. Mauricio avait fait pipi au lit tout au long de ses neuf ans, il avait mouillé les lits de cousins et de frères, des lits d’hôpitaux, de thérapeutes et d’amis, d’hôtels à Monaco aussi bien qu’à Tlaxcala. Si bien que ses parents décidèrent d’essayer Fabiana : ils étaient animés par l’espoir que leur fils, apeuré par une présence étrangère dans son lit, se retienne. Il n’en fut pas ainsi, du moins pas dès le début. Pendant leurs premières nuits ensemble, Fabiana se chargeait de le réveiller quand elle se sentait inondée et elle l’aidait à changer les draps. Jamais ne sortit de sa bouche un reproche ni une plainte. Pour cette raison peut-être, au bout de quelques mois, Mauricio arrêta de se mouiller. « Fabiana a quelque chose qui aide les gens », disait mon ami. « C’est pour ça que mes parents l’ont louée pour moi. » Mauricio avait demandé à un cousin adolescent comment on pouvait appeler une femme qui se met en location pour rendre service. Le cousin y réfléchit un moment, il regarda même dans le dictionnaire. « Une pute », conclua-t-il. Si bien que Fabiana était une pute.

Toujours est-il que si mon père avait eu recours aux services de Fabiana, c’était parce qu’il pensait que je souffrais d’un mal aussi grave, au moins, que l’incontinence de Mauricio. Le fait que j’aie ou non des amis ne pouvait pas être le sujet de ses inquiétudes : même lui devait admettre que de passer tout l’après-midi à jouer au football avec les enfants des domestiques faisait de moi un enfant normal. Même s’il avait à payer pour cela. Quel pouvait alors bien être le problème auquel il attendait que Fabiana remédie ?

Avant de pouvoir résoudre cette énigme, ou avant que l’influence bénéfique de Fabiana ne rendît sa résolution inutile, mon père fut pris par une attaque et mourut. « Continue à faire venir la fille », parvint-il à dire à mon oncle avant d’expirer. Mon oncle, dans une certaine mesure, a été exemplaire. Il a conservé honnêtement mon héritage et s’est chargé de faire fructifier mon solide patrimoine en faisant des placements prudents et sûrs. Quand j’ai atteint l’âge de gérer mon bien, il était clair que je n’aurais jamais besoin de faire des études productives ou de m’abaisser à chercher un emploi. Cependant, en me prenant sous sa tutelle, mon oncle décida qu’il était inadmissible que je dorme avec une fille — pire encore, avec une fille payée pour ça. Si bien que Fabiana cessa de venir à la maison. Parfois, je la voyais dans les jardins communs du lotissement — sa maison se situait à quelques mètres de la mienne —, toujours accompagnant quelque garçon qui affichait une mine de malade psychiatrique. Quand nos regards se croisaient, Fabiana souriait avec envie. Sans doute était-elle contrariée de ne pas avoir eu assez de temps pour venir à bout de mon problème, quel qu’il ait été.

Quelques années plus tard, la famille de Fabiana vendit la maison et le mobilier, et disparut. L’intendante expliqua que le père de la petite avait certainement commis quelque délit, parce que des dizaines d’agents de police étaient arrivés au lotissement après le déménagement précipité pour poser des questions sur la famille.

De Fabiana, je n’ai gardé qu’une trousse de toutes les couleurs qu’elle avait oubliée dans ma chambre lors de notre dernière nuit ensemble. Pendant des années, j’ai fantasmé à l’idée de la rechercher, de marcher vers elle et de la séparer un moment du paranoïaque, de l’hyperactif ou du schizoïde de service pour lui dire : « Voici ta trousse ». À quatorze ans, mon fantasme incluait un long baiser de réconciliation.

Lorsque j’ai atteint la majorité et que la tutelle de mon oncle est arrivée à terme, j’ai embauché un détective privé pour qu’il retrouve Fabiana. Le détective était un ancien policier graisseux, qui avait été garde du corps du père de Mauricio. Il sut avec talent faire alterner mon espoir et mon désespoir : au long de trois années, il m’a fait croire qu’il s’approchait chaque jour davantage de Fabiana, et que celle-ci, devenue une sorte d’espionne rusée et insaisissable, parvenait à lui échapper au dernier moment. Un jour, j’ai embauché un autre détective — un dénommé Santa Marina, choisi au hasard dans l’annuaire — pour flanquer une raclée au premier. Il s’est introduit de nuit dans son bureau, et l’a si bien tapé qu’il lui a provoqué une hémorragie cérébrale. Santa Marina m’a apporté le dossier correspondant à Fabiana que le premier détective avait rassemblé, quelques petites notes sur la disparition de la famille — une affaire que je connaissais mieux que lui — et une carte de visite où on lisait : « Revue Caras. Fabiana Urrutia, collaboratrice ». La carte était suffisamment claire pour que je puisse nourrir l’espoir que l’adresse et le téléphone étaient les bons.

J’ai mis quelques jours à me décider à composer le numéro de la carte. Je tremblais pendant le jour et frémissais pendant la nuit. Je rêvais de la scène où je rendais la trousse et je la modifiais en des dizaines de variantes épiques, sexuelles ou simplement sentimentales. Santa Marina prit l’initiative d’enquêter sur la famille de Fabiana et m’apporta un rapport : ses parents étaient morts par inhalation de gaz peu après qu’on avait su qu’un couple étranger les avait poursuivis, clamant leur avoir fait un prêt conséquent. « Ils allaient ouvrir une clinique. Mais l’argent a été retiré de la banque et la famille s’est échappée ». Les morts s’étaient produites quelques mois après le déménagement du lotissement.

Ce soir-là, j’ai dîné avec mon oncle dans son bureau, et j’ai mentionné le sujet. « C’était un couple étrange », a-t-il dit avec sa voix habituelle de baryton. « Ils louaient leur fille pour qu’elle fasse des choses bizarres avec les malades. Tu ne t’en souviens peut-être pas, mais à une époque ton père l’a louée et elle venait te voir tous les vendredis. »

« Mon père pensait donc que j’avais une maladie. »

Mon oncle m’a regardé sans alarme.

« Non : il pensait seulement que tu avais besoin d’amis. »

Lâchement, j’ai demandé à Santa Marina de l’appeler à ma place. À ses côtés, j’essayais de distinguer la voix de Fabiana dans le combiné. Caras était un magazine de société et Santa Marina, se faisant passer pour mon secrétaire, l’a invitée à venir voir le nouveau jardin japonais de ma maison, pour faire quelques clichés « et éventuellement discuter avec monsieur le docteur ». Ma maison n’avait pas de jardin japonais. Et moi je n’étais pas docteur en quoi que ce soit.

Nous avons perdu l’après-midi à chercher des plantes et des bambous, et nous avons terminé en achetant quelques kimonos pour les domestiques. Un peu honteux, Santa Marina a improvisé un hypothétique rendez-vous et s’est abstenu d’assister à la rencontre. « Je ferai en sorte d’arriver à la fin, et je la suivrai à son départ », a-t-il promis.

Fabiana était magnifique, bien plus encore que quand elle apparaissait dans mes nostalgies de douche et mes fantasmes de trousse. Je l’ai vue derrière le rideau du bureau, pendant que l’intendante — mal à l’aise et engoncée dans son kimono — l’invitait à entrer.

« Monsieur le docteur va vous recevoir dans son bureau quand vous aurez terminé de photographier le jardin », lui a dit la femme comme convenu. Fabiana a jeté un regard paresseux à la contrefaçon orientale — qui était une vraie horreur, malgré les efforts de Santa Marina pour lui donner un peu d’allure —, et elle s’est dirigée vers le bureau. J’ai respiré profondément et suis descendu à sa rencontre, en serrant la trousse dans ma main comme un crucifix.

« Fabiana. »

« Jacobo. C’est toi. Et ça c’est ma trousse. »

Je n’ai pas pu dire le contraire. Je la lui ai tendue avec un murmure. Les mots de mon fantasme me restaient coincés entre les dents.

« Voici ta trousse. »

« Jacobo. J’ai attendu ce jour depuis des années. »

« Voici ta trousse et… »

« J’ai attendu ce jour toute ma vie. »

« Voici ta trousse et… »

« Jacobo. »

Sa bouche était humide comme les parois de la douche.

L’image de mon père m’est passée à l’esprit, souriant, nous épiant comme il avait l’habitude de le faire sous la couverture pour s’assurer que nous nous enlacions.

« Tu aimes toujours que je te prenne dans mes bras ? »

« Toujours »

« Tu veux que je recommence ? »

« Je le veux. »

« Très bien. Ça fera cinq cents pesos. À moins que tu ne veuilles quelque chose de particulier ? »

« Qu’est-ce que tu sais faire ? »

« Tout ce que tu veux. Je sais aider les gens. »

« Tu pourrais… ? »

« Oui. »

Le lendemain matin, j’ai demandé à Santa Marina de démonter le jardin japonais. Il avait l’air irrité. Il m’a dit que le premier détective avait utilisé mon argent pour se payer des dizaines de nuits avec Fabiana. « Si mon argent a fini entre ses mains, il a été bien utilisé », ai-je rétorqué. « Et qu’est-ce que je peux lui faire de pire à ce type, puisque vous en avez déjà fait un légume ? »

Je lui ai proposé un salaire fixe pour qu’il suive Fabiana et qu’il m’informe de ses activités. Le détective a refusé mais il m’a recommandé un collègue compétent. Nous avons échangé une poignée de main en généraux victorieux et lui s’est dirigé vers la porte, chargé de pots de fleurs et de bambous.

Quant à moi, je suis monté dans le bureau et je me suis assis pour attendre l’arrivée du vendredi.

Traduit par Jeanne-Marie Hostiou

Para L.K.

A los nueve años, mi padre me rentaba una puta. Una puta, lógicamente, de nueve años. He olvidado la ropa, los juguetes, la comida, todo lo que era mi vida a los nueve años, pero no he olvidado a la puta.

Fabiana no se acostaba conmigo. O, mejor dicho, se acostaba conmigo y nada más. Mi padre insistía en que durmiéramos juntos y se aseguraba de que nos abrazáramos bajo las cobijas de la cama. Nunca probamos a desnudarnos –cómo me angustiaba a los catorce años, al recordar a Fabiana y mi indiferencia hacia ella–, y apenas si alguna noche nos atrevimos a juntar los labios en algo que sería generoso calificar como beso.

Fabiana llegaba a casa los viernes, a la hora de la cena, con una mochila de ropa en el hombro y una película en la mano. Pasábamos el fin de semana en mi casa y dormíamos y nos bañábamos en la alberca, pero nunca fuimos juntos a la ducha –cómo lo recordaba, torturándome, a los catorce, al acariciar cada gota de las paredes de la duchadonde nunca estuve con ella.

Mi padre decía que yo no tenía suficientes amigos y se afanaba por reunirme con Fabiana. Yo, de hecho, tenía amigos, pero mi padre no terminaba de resignarse a que jugara con los hijos de la servidumbre y jamás hubiera permitido que durmiera con uno de ellos. “No quiero, Jacobo, que te pienses que la servidumbre juega contigo por amistad”, me decía. “Juegan contigo porque les pago.”

Supe que Fabiana era una puta por boca de un compañero de la escuela. Mauricio había orinado las camas a lo largo de sus nueve años, había mojado camas de primos y hermanos, de hospitales, de terapeutas y de amigos, de hoteles en Mónaco lo mismo que en Tlaxcala. Así que sus padres decidieron probar con Fabiana: los movía la esperanza de que su hijo, atemorizado por una presencia extraña en la cama, se contuviera. No fue así, al menos de entrada. Durante sus primeras noches juntos, Fabiana se encargaba de despertarlo al sentirse inundada y lo ayudaba a cambiar las sábanas. Nunca salió de su boca un reproche o una queja. Quizá por ello, a la vuelta de unos meses Mauricio dejó de orinarse. “Fabiana tiene algo que ayuda a la gente”, decía mi amigo. “Por eso, mis padres la rentaron para mí.” Mauricio le había preguntado a un primo adolescente cómo podría llamarse a una mujer que se renta para ayudar. El primo lo pensó un momento, e incluso consultó un diccionario. “Una puta”, concluyó. Así que Fabiana era una puta.

Ahora bien, si mi padre había requerido los servicios de Fabiana, era porque pensaba que yo padecía algún mal tan serio, al menos, como la incontinencia de Mauricio. Que yo tuviera o no amigos no podía ser el asunto que lo preocupaba: incluso él debía aceptar que pasarse la tarde jugando al futbol con los hijos de la servidumbre hacía de mí un niño normal. Aunque tuviera que pagar por ello. ¿Cuál sería, entonces, el problema que se esperaba que Fabiana remediara?

Antes de que pudiera resolver el enigma, o antes de que el influjo benéfico de Fabiana hiciera inútil la resolución, mi padre sufrió un ataque y murió. “No dejes de traerle a la niña”, alcanzó a decirle a mi tío antes de expirar. Mi tío, en cierta medida, fue ejemplar. Custodió con honradez mi herencia y se encargó de aumentar mi robusto patrimonio con inversiones prudentes y certeras. Cuando estuve en edad de administrarlo, era claro que jamás tendría que estudiar ninguna carrera productiva o rebajarme a buscar un empleo. Sin embargo, al asumir mi tutela, mi tío decidió que el hecho de que yo durmiera con una niña –y más todavía, una niña rentada– resultaba inadmisible. Así que Fabiana dejó de ir a la casa. A veces la veía en los jardines comunes del fraccionamiento –su casa estaba a unos metros de la mía–, acompañando siempre a algún niño con pinta de muestrario de taras psiquiátricas. Cuando nuestras miradas se cruzaban, Fabiana sonreía con anhelo. Probablemente, estaba insatisfecha por no haber tenido suficiente tiempo para acabar con mi problema, cualquiera que fuese.

Un par de años después, la familia de Fabiana vendió la casa y los muebles y desapareció. El ama de llaves comentó que el padre de la niña seguramente había cometido algún delito, porque decenas de agentes policiacos llegaron al fraccionamiento después de la arrebatada mudanza para hacer preguntas sobre la familia.

De Fabiana sólo conservé una lapicera de colorines que había olvidado en mi recámara en nuestra última noche juntos. Durante años, fantaseé con la idea de buscarla, y caminar hasta ella y apartarla un momento del paranoico o hiperactivo o esquizoide de turno y decirle: “Esta es tu lapicera”. A los catorce años, mi fantasía incluía un largo beso de reconciliación.

Cuando fui mayor de edad y la custodia de mi tío llegó a su fin, contraté un detective para que localizara a Fabiana. El detective era un ex policía grasiento, que había sido guardaespaldas del padre de Mauricio. Administró con talento mi esperanza y mi desesperación: a lo largo de tres años, me hizo creer que se aproximaba cada día más a Fabiana, y que esta, convertida en alguna suerte de astuta y elusiva espía, lograba escapar en el último momento. Un día contraté a otro detective –un tal Santa Marina, a quien elegí al azar en la guía telefónica–, para apalear al primero. Se metió en su oficina una noche y le pegó tanto que le provocó un derrame cerebral. Santa Marina me trajo el archivo correspondiente a Fabiana que el primer detective había compilado, unos pocos apuntes sobre la desaparición de la familia –asunto que yo conocía mejor que él– y una tarjeta de presentación en la que se leía: “Revista Caras. Fabiana Urrutia, colaboradora”. La tarjeta era lo suficientemente lustrosa para permitirme albergar esperanzas de que esa dirección y ese teléfono fueran los adecuados.

Pasé unos días decidiéndome a marcar el número de la tarjeta. Temblaba durante el día y me estremecía durante la noche. Soñaba con la escena de la entrega de la lapicera y la modificaba en decenas de variantes épicas, sexuales o meramente sen- timentales. Santa Marina se tomó la libertad de investigar a la familia de Fabiana y me trajo un informe: sus padres habían muerto por inhalación de gas, poco después de que se supiera que habían sido demandados por una pareja extranjera que reclamaba haberles hecho un fuerte préstamo. “Iban a abrir una clínica. Pero el dinero fue retirado del banco y la familia escapó”. Las muertes se habían producido unos meses después de la mudanza del fraccionamiento.

Esa noche cené con mi tío en su estudio y le referí el asunto. “Eran una pareja peculiar”, dijo con su acostumbrada voz de barítono. “Rentaban a la hija para que hiciera cosas raras con los enfermos. Tú quizá no lo recordarás, pero durante un tiempo tu padre la rentó y ella iba a tu casa todos los viernes.”

“Así que mi padre pensaba que yo tenía alguna enfermedad.”

Mi tío me miró sin alarma.

“No: sólo pensaba que te hacían falta amigos.”

Cobardemente, le pedí a Santa Marina que la llamara por mí. A su lado, yo trataba de adivinar la voz de Fabiana en la bocina. Caras era una revista de sociales y Santa Marina, presentándose como mi secretario, la invitó a conocer el nuevo jardín japonés de mi casa, para hacer unas fotografías “y quizá platicar con el licenciado”. Mi casa no tenía un jardín japonés. Yo no tenía un título de licenciado.

Perdimos la tarde en buscar plantas y bambúes, y terminamos por comprar unos quimonos para la servidumbre. Un poco avergonzado, Santa Marina improvisó un hipotético compromiso y se abstuvo de asistir a la entrevista. “Trataré de llegar después, y la seguiré al irse”, prometió.

Fabiana estaba bellísima, mucho más de lo que aparecía en mis nostalgias de ducha y fantasías de lapicera. La vi detrás de la cortina del estudio, mientras el ama de llaves –incómoda y restirada dentro de su quimono–, la invitaba a pasar.

“El licenciado la recibirá en su estudio cuando usted termine de retratar el jardín”, le dijo la mujer, según lo convenido. Fabiana dio una mirada perezosa al remedo oriental –que había quedado espantoso, pese a los afanes de Santa Marina por darle alguna estética–, y emprendió el camino al estudio. Respiré profundamente y bajé a su encuentro, aferrando la lapicera en la mano como un crucifijo.

“Fabiana.”

“Jacobo. Eres tú. Y esa es mi lapicera.”

No pude negarlo. Se la acerqué con un murmullo. Las palabras de la fantasía se atoraban entre mis dientes.

“Esta es tu lapicera.”

“Jacobo. Llevo esperando este día hace años.”

“Esta es tu lapicera y...”

“Llevo esperando este día toda mi vida.”

“Esta es tu lapicera y...”

“Jacobo.”

Su boca era húmeda como las paredes de la ducha.

Por mi mente pasó la imagen de mi padre, sonriente, espiándonos como solía espiarnos bajo la manta para asegurarse de que estuviéramos abrazados.

“¿Todavía te gusta que te abrace?”

“Todavía.”

“¿Quieres hacerlo de nuevo?”

“Quiero.”

“Muy bien. Serán quinientos pesos. ¿O quieres algo especial?”

“¿Qué sabes hacer?”

“Lo que sea. Sé ayudar a la gente.”

“¿Podrías...?”

“Sí.”

Por la mañana, mandé que Santa Marina desmontara el jardín japonés. Parecía irritado. Me dijo que el primer detective usó mi dinero en pagarse decenas de noches con Fabiana. “Si mi dinero acabó en sus manos, estuvo bien empleado”, le argüí. “¿Y qué más puedo hacerle al tipo, si ya usted lo dejó en estado vegetal?”

Le ofrecí un sueldo fijo para que siguiera a Fabiana y me informara de sus actividades. El detective rehusó pero recomendó a un colega competente. Nos estrechamos las manos como generales victoriosos y él emprendió el camino a la puerta, cargado de macetas y bambúes.

Yo subí al estudio y me senté a esperar la llegada del viernes.

Par Antonio Ortuño

Antonio Ortuño (Guadalajara, 1976) a été, dans cet ordre, élève brillant puis buissonnier, employé dans une agence d’effets spéciaux et professeur particulier. Il a travaillé de 1999 à 2008 dans le groupe de presse Milenio comme reporter, éditeur et rédacteur en chef du quotidien Público-Milenio. Il est collaborateur régulier de revues comme Letras Libres et La Tempestad. Son premier roman, El Buscador de cabezas (2006, publié en français aux éditions du Rocher sous le titre du Chasseur de têtes en 2008), a reçu un éloge unanime de la critique de son pays et a été sélectionné par le journal Reforma comme meilleur premier livre de l’année. En 2007, il a été finaliste du prix Herralde de Novela avec son livre Recursos humanos. En 2006, est paru en Espagne son recueil de nouvelles El jardín japonés , publié aux éditions Páginas de Espuma.

Jeanne-Marie Hostiou est doctorante en littérature française à l’université de Paris3.Elle a traduit le recueil de poèmes de Mariano Peyrou La Voluntad de equilibrio (La Volonté d’équilibre), à paraître en édition bilingue aux éditions duPetit Véhicule.

Les photographies appartiennent à la série Frontières
de Pia Elizondo.