Héloïse attend

L’attente

Héloïse attend.

Un silence de quille de navire

fendant les eaux traverse chaque

tracé du temps,

là, en suspens, une goutte ne cesse

de s’étendre,

tandis que l’attente inachevée

pend

à une strie.

Ce peut être une branche

entourée de vide, de ce néant

qui reste prisonnier

et aspire à rouler dans quelque chose,

tomber enfin, se rompre.


Nature morte

La flamme brûle

sans rouges, dehors

elle titube.

Sa poudre — informe —

n’engendre ni n’explose,

creuse elle se balance

masquée d’une ardeur lente :

embryons

faillis du feu.

Il ne lui reste plus que

des lignes de lumière : un

brûler en simulacre.


Chants

De la pierre, Héloïse,

tu reviens incandescente, de chaque pierre

tu es extraite les années s’amoncelant :

rosettes de ce que fut ton corps.

Tu t’allèges, peut-être

tu t’allèges quand tu apparais sous le burin,

claire, chaude, d’un ocre matinal. De son prisme la lumière greffe ta

bouche trempée du soleil.

Mais la pierre t’exalte,

seules mes sensations te reconnaissent, des roues

entre les blocs extraits du sol, des chants

aigus et sculptés t’arrachent au détail

vers le temps tumultuaire et amorphe.

Traduit par François-Michel Durazzo

La espera

Eloísa espera.

Un silencio de quilla de barco

al romper las aguas atraviesa cada

trazo del tiempo,

allí suspendida una gota se alarga

se alarga,

la espera inconclusa

colgando

de cualquier veta.

Puede ser una rama

rodeada de vacío, de esa nada

que sigue detenida,

queriendo volcarse en algo,

caer por fin, romperse.


Naturaleza muerta

La llama arde

sin rojos, por fuera

titubea.

Su pólvora —informe¬—

no engendra ni estalla,

hueca se balancea

disfrazada de un ardor lento:

embriones

fallidos de lumbre.

No le quedan más que

unas líneas de luz: un

arder en simulacro.


Cantos

De la piedra, Eloísa,

vuelves incandescente, de cada piedra

eres extraída en un cúmulo de años:

rosetones de lo que fue tu cuerpo.

Te aligeras, tal vez

te aligeras cuando apareces bajo el cincel,

clara, cálida, de un ocre matutino. La luz

con su prisma insita tu boca impregnada de sol.

Pero la piedra te arrebata,

sólo mis sensaciones te reconocen, ruedas

entre los bloques extraídos del suelo, cantos

agudos y esculpidos te arrastran del detalle

hacia el tiempo tumultuario y amorfo.

Par Silvia Eugenia Castillero

Silvia Eugenia Castillero (Mexico, 1963). Poète, essayiste, traductrice et éditrice. Elle est directrice de la revue littéraire Luvina. Elle a fait des études de lettres à l’université de Guadalajara et un doctorat en lettres hispano-américaines à la Sorbonne Nouvelle. Elle a publié les essais suivants : Entre dos silencios, la poesía como experiencia (1992) et Aberraciones : el ocio de las formas (2008) ; les recueils de poèmes Como si despacio la noche (1993), Nudos de luz (1995) et Zooliloquios. Historia no natural (2004), partiellement traduit en français par Claude Couffon aux éditions Indigo en 1997. Elle est membre du système national de créateurs d’art (SNCA), et Rédactrice en chef de la revue de l’Université de Guadalajara Luvina

François-Michel Durazzo (1956) enseigne le latin et le grec en lettres supérieures à Angoulême. Poète de langue corse, il a traduit en français, en corse, en espagnol ou en italien une quarantaine de recueils et d’anthologies de poésie et plusieurs romanciers (Ramón Gómez de la Serna, Ricardo Piglia, Néstor Ponce), essentiellement de l’espagnol, mais aussi d’autres langues (catalan, corse, galicien, italien, latin, portugais…). Parmi ses derniers auteurs à paraître au 1er trimestre 2009 : le poète catalan Pere Gimferrer (L’Espace désert, Fédérop) ; trois Mexicains dont un romancier, David Toscana (El último lector, Zulma), un poète, José Luis Rivas (Pays natal, éd. du Noroît), un auteur d’aphorismes, Marco Antonio Campos (Arbres, éd. Fédérop) ; le poète colombien Juan Manuel Roca (Voleur de nuit, éd. Myriam Solal).

Les photographies appartiennent à la série Frontières
de Pia Elizondo.