L’attente
Héloïse attend.
Un silence de quille de navire
fendant les eaux traverse chaque
tracé du temps,
là, en suspens, une goutte ne cesse
de s’étendre,
tandis que l’attente inachevée
pend
à une strie.
Ce peut être une branche
entourée de vide, de ce néant
qui reste prisonnier
et aspire à rouler dans quelque chose,
tomber enfin, se rompre.
Nature morte
La flamme brûle
sans rouges, dehors
elle titube.
Sa poudre — informe —
n’engendre ni n’explose,
creuse elle se balance
masquée d’une ardeur lente :
embryons
faillis du feu.
Il ne lui reste plus que
des lignes de lumière : un
brûler en simulacre.
Chants
De la pierre, Héloïse,
tu reviens incandescente, de chaque pierre
tu es extraite les années s’amoncelant :
rosettes de ce que fut ton corps.
Tu t’allèges, peut-être
tu t’allèges quand tu apparais sous le burin,
claire, chaude, d’un ocre matinal. De son prisme la lumière greffe ta
bouche trempée du soleil.
Mais la pierre t’exalte,
seules mes sensations te reconnaissent, des roues
entre les blocs extraits du sol, des chants
aigus et sculptés t’arrachent au détail
vers le temps tumultuaire et amorphe.
La espera
Eloísa espera.
Un silencio de quilla de barco
al romper las aguas atraviesa cada
trazo del tiempo,
allí suspendida una gota se alarga
se alarga,
la espera inconclusa
colgando
de cualquier veta.
Puede ser una rama
rodeada de vacío, de esa nada
que sigue detenida,
queriendo volcarse en algo,
caer por fin, romperse.
Naturaleza muerta
La llama arde
sin rojos, por fuera
titubea.
Su pólvora —informe¬—
no engendra ni estalla,
hueca se balancea
disfrazada de un ardor lento:
embriones
fallidos de lumbre.
No le quedan más que
unas líneas de luz: un
arder en simulacro.
Cantos
De la piedra, Eloísa,
vuelves incandescente, de cada piedra
eres extraída en un cúmulo de años:
rosetones de lo que fue tu cuerpo.
Te aligeras, tal vez
te aligeras cuando apareces bajo el cincel,
clara, cálida, de un ocre matutino. La luz
con su prisma insita tu boca impregnada de sol.
Pero la piedra te arrebata,
sólo mis sensaciones te reconocen, ruedas
entre los bloques extraídos del suelo, cantos
agudos y esculpidos te arrastran del detalle
hacia el tiempo tumultuario y amorfo.
Silvia Eugenia Castillero (Mexico, 1963). Poète, essayiste, traductrice et éditrice. Elle est directrice de la revue littéraire Luvina. Elle a fait des études de lettres à l’université de Guadalajara et un doctorat en lettres hispano-américaines à la Sorbonne Nouvelle. Elle a publié les essais suivants : Entre dos silencios, la poesía como experiencia (1992) et Aberraciones : el ocio de las formas (2008) ; les recueils de poèmes Como si despacio la noche (1993), Nudos de luz (1995) et Zooliloquios. Historia no natural (2004), partiellement traduit en français par Claude Couffon aux éditions Indigo en 1997. Elle est membre du système national de créateurs d’art (SNCA), et Rédactrice en chef de la revue de l’Université de Guadalajara Luvina
François-Michel Durazzo (1956) enseigne le latin et le grec en lettres supérieures à Angoulême. Poète de langue corse, il a traduit en français, en corse, en espagnol ou en italien une quarantaine de recueils et d’anthologies de poésie et plusieurs romanciers (Ramón Gómez de la Serna, Ricardo Piglia, Néstor Ponce), essentiellement de l’espagnol, mais aussi d’autres langues (catalan, corse, galicien, italien, latin, portugais…). Parmi ses derniers auteurs à paraître au 1er trimestre 2009 : le poète catalan Pere Gimferrer (L’Espace désert, Fédérop) ; trois Mexicains dont un romancier, David Toscana (El último lector, Zulma), un poète, José Luis Rivas (Pays natal, éd. du Noroît), un auteur d’aphorismes, Marco Antonio Campos (Arbres, éd. Fédérop) ; le poète colombien Juan Manuel Roca (Voleur de nuit, éd. Myriam Solal).
Les photographies appartiennent à la série Frontières
de Pia Elizondo.