Trash

1

La fille ouvrit les yeux. Elle essaya en vain de lever les bras. Elle était assise, les mains attachées par une grosse corde à une chaise en bois, pieds nus, et sa jupe blanche tachée de graisse ou d’huile. Elle ne savait pas. Son débardeur était déchiré et la fille avait mal à la tête, son bras la brûlait. Elle avait soif. Elle puait. Elle regarda le plafond et vit des poulies avec des crochets en fer que le vent faisait bouger. Elle essaya de se rappeler ce qu’il s’était passé. Elle avait froid et ses cheveux lui collaient au front. Elle ne savait pas où elle était. Certains murs étaient carrelés de blanc, d’autres s’étaient effondrés. Autour, tout était sombre, dehors, il commença à pleuvoir.

— Petite, entendit-elle.

Elle leva la tête et regarda devant d’un seul œil. Elle ne vit personne. La voix était lourde, pâteuse. Elle avait mal au cul et se mit à pleurer. Elle appela son père. Sa voix retomba et elle sentit quelque chose sur son pied. Un cafard marchait sur son cou-de-pied et la fille secoua la tête. Ses jambes étaient attachées. Elle se mit à pleurer en silence et à penser à Nicolás, à son père, à la copine de son père qui était peut-être celle qui la retenait prisonnière dans ce lieu sans autre chose que des fenêtres et des cafards et une voix qui ne cessait de l’appeler :

— Petite.

Mais elle ne voulait pas penser ainsi. Elle leva la tête et dans le fond, dans un recoin obscur, elle vit un homme gros assis sur une chaise, accoudé à une table en métal. La fille pensa au pire. Elle avait mal au cul. Elle se mit à pleurer et à gémir, ses larmes devenaient les mots qu’elle ne pouvait prononcer. Elle voulut se lever mais en vain. Elle ne pouvait rien faire. Elle pensa encore à Nicolás, pourquoi ne lui avait-il pas répondu quand elle l’avait appelé et lui avait-il dit de se calmer, qu’elle devait parler, dire quelque chose, n’importe quoi.

— Qui es-tu? dit-elle.

Raúl Matamoros se leva et se mit à marcher vers elle. Il se réjouit de la voir réveillée et qu’elle puisse parler. Il était gros. Il transpirait et avait une haleine de merde. La même odeur que la fille sentait sur elle-même. Peut-être l’avait-il embrassée partout, avait-il mis sa langue immonde dans sa bouche alors qu’elle était endormie ou pire, n’importe où ailleurs. La fille commença à trembler, à sentir un frisson tandis que l’homme approchait sa bouche de son oreille. Elle leva l’épaule gauche, si elle avait pu elle lui aurait dit de la laisser tranquille, elle lui aurait craché au visage, elle lui aurait donné un coup de pied dans les couilles, si elle avait pu, si elle avait eu les jambes libres, et lorsque la fille sentit le souffle de l’homme sur son visage, tout près, cette haleine de viande crue oubliée par terre, elle lui dit à voix basse : « S’il vous plaît, non ». Et elle ferma les yeux.

Matamoros s’éloigna.

— Je ne veux pas que tu pleures, lui dit-il.

Puis il lui raconta une histoire. Il y avait un certain temps, l’homme avait connu un garçon qui s’amusait dans un terrain vague à tirer sur les chats avec une carabine à air comprimé. Le garçon se mettait sur la terrasse où vivaient son père et sa copine. C’était une grande maison de Burzaco et de là, il choisissait ses cibles. Il visait. Feu. Les chats ne savaient pas vers où courir. Le garçon avait aussi des problèmes de discipline. Il tenait toujours tête aux professeurs et avait été dans trois écoles différentes. À l’école primaire, on l’avait renvoyé en CM2 pour mauvaise conduite, dit l’homme, ou plutôt parce qu’il avait voulu torturer un camarade pour qu’il lui donne quelques biscuits. À douze ou treize ans, il commença à tirer sur les chats. C’était une sorte de thérapie.

— Qu’est-ce que tu veux me dire avec cette histoire de chats ? demanda la fille.

Matamoros était toujours derrière la chaise.

— Laisse-moi finir.

Une fois, le garçon toucha le cul d’une enseignante et elle ne dit rien. Elle ne savait que dire. Elle avait peur que l’on parle mal d’elle ou que le garçon soit le fils de quelqu’un d’important du conseil d’administration. Elle était professeur d’anglais et avait besoin de ce travail, c’était l’une de ces jeunes profs qui viennent de commencer et ne savent pas comment gérer ce type de situations. Le garçon lui toucha d’abord le cul dans l’escalier et elle se retourna et l’injuria. Le garçon soutint son regard sans sourciller. L’enseignante continua comme si rien ne s’était passé. Puis le garçon lui toucha le cul alors qu’elle était au tableau, en train de faire cours, et là oui, elle le gifla. Le garçon lui rit au nez. Elle sortit de la classe sans dire un mot. Tous savaient qu’elle était allée se cacher aux toilettes pour pleurer. Alors, le garçon arriva aux toilettes, ouvrit la porte d’un des WC et la trouva assise sur la cuvette, les coudes appuyés sur les genoux, la tête plongée dans ses mains.

— Elle avait les yeux comme vous, dit Matamoros.

On entendit alors des applaudissements.

— Émouvante, la scène finale.

La fille regarda au fond et vit une femme assise sur la même chaise sur laquelle se trouvait auparavant l’homme. La femme avait le bras appuyé à un congélateur débranché. Elle s’appelait Margarita et on l’appelait Margot.

Assise, elle dit qu’elle était jalouse.

— À moi, on ne me raconte jamais d’histoires, dit Margot en faisant tourner sa jambe. D’un mouvement brusque, elle se l’enleva et la fille se mit à crier et garda les yeux ouverts jusqu’à se rendre compte qu’il s’agissait d’une prothèse. Du plastique. De la fibre de verre modulaire en acier. Pied Sach avec des orteils et une finition souple. Margot la laissa par terre de côté, se leva et commença à sautiller jusqu’à la chaise. Là, elle regarda la fille et leva les sourcils. Puis elle appuya le moignon sur la jambe de la fille et lui demanda de le caresser. La fille ne bougea pas les mains. Elle ne pouvait pas.

— Fais ce qu’elle te demande, dit Matamoros, ça l’excite.

La fille ne comprenait pas qu’on lui demande cela.

— Vous êtes fous.

— Ne crie pas, dit Margot.

— Qui êtes-vous ?

— Ne parle pas, dit Matamoros.

— Qui vous envoie ?

Aucun des deux ne répondit. Ils entendirent un bruit sur le toit et levèrent la tête. La fille leur demanda de la lâcher.

— Tu veux quelque chose à boire ?

— Quoi? demanda la fille.

— Je te demande pas à toi ma petite, mais à lui, dit Margot en s’éloignant. Je déteste les gamines qui se prennent pour le centre du monde.

Matamoros aussi s’éloigna.

— Je continue à te raconter… dit-il en sortant un paquet de cigarettes qu’il regardait avec attention. On aurait dit qu’il en manquait une, mais en les comptant, elles y étaient toutes. C’est alors qu’il entendit une détonation. Les murs tremblèrent. La fille trembla. Le toit trembla et des plaques tombèrent. Un bout de bois puis un autre, et le son était pareil à celui d’une poutre qui se dévissait. Matamoros se retourna, ouvrit la bouche et regarda en l’air. Il vit que le vent avait arraché l’une des poutres qui soutenait l’une de ces poulies à crochet qui étaient suspendues au toit. Elle tomba et vint s’incruster aussi sec dans la tête de la fille. Elle ne put même pas crier.

2

Jackson savait que ce ne serait pas facile. Pendant un moment, en silence, il regarda vers la fenêtre. La silhouette d’un homme lui rappela le visage d’un ami disparu. Un de ces amis d’enfance qu’il avait cessé de voir après cet après-midi-là. Il ne voulu plus jamais repenser à cet après-midi. À ces amis. Mais il ne savait pas pourquoi, le visage de cet homme qui passait la porte de la rue laissait filtrer les traits de son ami mort depuis des années, il ne savait pas combien, suicidé dans les WC, comme on le lui a dit, nu, comme on le lui a dit, avec un balai entre les jambes. Jackson s’était imaginé la scène un nombre infini de fois. Il avait imaginé la mère du garçon ouvrir la porte, voir le visage stupide de son fils nu et mort, crier et fermer les yeux, la porte, la bouche et se mettre à pleurer. Il avait imaginé la scène des centaines de fois.
Et maintenant de nouveau.

Le visage, la scène. Du septième étage, Jackson quitta la fenêtre, se retourna et regarda Paula allongée sur le matelas, le jeans ouvert, un t-shirt noir avec AC/DC écrit en lettres blanches. Elle n’aimait pas porter de soutien-gorge, alors elle était toujours comme ça. Les jambes étirées, Paula tirait une longue bouffée sur sa cigarette puis jetait les cendres sur le sol plein de magazines, de tapis et de tennis sales.

— Las Vegas, dit-elle.

Jackson acquiesça, il dit qu’il serait ravi, que c’était son rêve d’enfance, depuis la mort de Mariano, depuis qu’il avait lu une fois, il ne savait pas quand, un magazine où il avait vu des photos de la ville, des enseignes lumineuses et des imitateurs d’Elvis faisant la queue devant un hôtel cinq étoiles. Mais lui, il n’est pas Elvis.

— J’aime tes chaussettes, dit-elle et Jackson regarda ses chaussettes blanches, inévitablement noires aux talons. Il fallait qu’il s’en achète une nouvelle paire, dit-il, mais il n’avait pas d’argent, il faudrait qu’il retourne à l’agence et qu’il fasse des photocopies à l’angle de la maison, faire des démarches à la banque, passer midi au Microcentro. Il ne voulait pas. Il ne voulait pas non plus distribuer des prospectus dans la rue ni laver des voitures sur le parking du centre commercial ni répondre au téléphone à des clients indignés et leur dire : Je m’appelle Lucas, en quoi puis-je vous être utile ? Il avait toujours dit qu’à cela il perdait son temps, son énergie. Il ne voulait plus refaire ces choses-là.

Quelqu’un cria. Un bébé se mit à pleurer. On alluma la télévision et quelqu’un chercha parmi les chaînes jusqu’à trouver les informations. Le son resta un moment sur la voix d’une femme qui donnait les prévisions météorologiques pour le week-end. Puis un homme parla du supposé enlèvement de la fille d’un homme d’affaires et changea immédiatement de sujet pour parler d’un défilé qui avait eu lieu à Mar del Plata. Jackson arrêta d’écouter ces sons et demanda à Paula où était son père. Elle dit qu’elle ne savait pas, qu’il ne reviendrait peut-être pas avant le soir.

— Ma mère est dans la cuisine. Mon frère je ne sais pas.

Jackson revint à la fenêtre pour lui demander s’il en serait toujours ainsi. Paula ne savait pas comment lui dire qu’ils allaient gagner de l’argent, qu’ils allaient pouvoir partir quelque part ensemble.

— À Villa Gesell, il y a un concours de karaoké dans un bar, dit-elle. Rien. Des conneries. Peut-être que tu pourrais danser dans la rue piétonne pour les touristes.

Il la regarda et esquissa un sourire. Impossible que les touristes soient surpris de sa souplesse, de sa voix, de son moonwalk invraisemblable. Et passer le chapeau. Jackson s’imagina à dix-huit heures devant la Banque nationale, il s’imagina acclamé par des milliers de personnes, des gens accoudés à la fenêtre des immeubles qui jettent des papiers, applaudissent et crient, et parmi les employés de bureau, un homme en costume portant une sacoche, un type qui parle anglais et qui lui dit qu’il a aimé son numéro, qu’il devrait partir ailleurs, qu’il perd son temps dans ce pays. Jackson le savait. Il imagina que l’homme était représentant d’une agence internationale de chasseurs de talents ou peut-être seulement gérant en chef d’un hôtel à Las Vegas. Il lui donnerait un billet pour lui et sa copine, aller simple, les clefs d’une chambre au quinzième étage, un séjour de trois mois, le temps suffisant pour économiser un peu de thune, rencontrer des gens, peut-être quelque célébrité qui connaîtrait à son tour l’idole et après avoir gagné l’argent suffisant pour le voyage et les frais, s’échapper à Neverland, retrouver Michael sur l’un des manèges un lundi après-midi. Il ne savait pas pourquoi un lundi, mais il s’imaginait qu’il pouvait s’agir du jour où Mickaël avait du temps libre et ce serait l’après-midi car comme toute pop star qui se respecte, ses nuits sont longues. Il le trouverait donc assis sur le premier siège montagnes russes à couper le souffle, l’embrasserait et lui dirait qu’il l’admirait. Puis peut-être que quelques heures plus tard, Mickaël découvrira en lui un miroir et lui parlera comme à un frère. Le Latino-américain perdu des Jackson Five.

— Comment s’appelle cette tante folle qui habite chez toi? demanda Paula.
Jackson se réveilla. Dalinda Fernández Moreno. Mais il précisa qu’elle ne vivait pas chez lui, mais que c’était lui qui habitait chez elle. Et qu’il ne savait pas si elle était aussi folle qu’on le disait. Elle disait toujours qu’elle parlait avec les extraterrestres.

— Tu crois aux extraterrestres?

— Je ne sais pas, dit Paula. Ils auraient bien dû apparaître quelque part mais personne ne les a vus.

— On les a vus.

— Peut-être, je ne sais pas.

— Les pilotes d’avion ont vu quelque chose. C’est sorti dans la revue de sciences.

— Je ne sais pas si je dois les croire. Mais j’en sais rien, faut bien croire à quelque chose.

— Ma tante dit qu’ils sont parmi nous, que personne ne le sait mais qu’ils nous observent.

Jackson ouvrit les yeux. Paula se leva pour chercher dans la table de nuit le paquet de cigarettes et lui demanda s’il avait déjà fumé. Jackson haussa les épaules. Tu es végétarien, aussi ? lui demanda Paula et Jackson ne sut pas bien quoi répondre. Il aimait la viande mais n’en mangeait pas. Il pensait que de cette manière peut-être que son organisme se transformerait en quelque chose d’autre, il ne savait pas bien en quoi, mais une fois il l’avait lu dans une interview de Michael dans un magazine et la phrase était restée gravée dans sa tête. Purifier l’organisme. Devenir plus blanc. Jackson était convaincu que c’était pour cela que le nez du chanteur, la couleur de sa peau, évoluaient tellement. La voix plus douce. Il pensa que s’il arrivait à purifier son organisme, sa vie serait différente.

Paula lui demanda à quoi il pensait et Jackson ôta ses lunettes noires et vit que la chambre était sombre.

— À rien, dit-il.

Puis ils se turent. Ils écoutaient la pluie.

— Danse pour moi, dit-elle.

Jackson sourit, il lui dit qu’il n’avait pas de disque, mais Paula pensait que ce n’était pas un problème, qu’elle pouvait chanter et alors, de sa voix rauque, elle entonna : Billie Jean is not my lover/ She’s just a girl who/ says that I am the one/ But the kid is not my son. Sur « kid », elle faisait toujours le même fausset.

Jackson s’approcha d’elle et lui fit un baiser dans le cou, puis un autre, tandis qu’il répétait les paroles de la chanson.

— Mais tu ne parles pas anglais, dit Paula avec un sourire.

— Ça ne fait rien, dit Jackson et il se remit à chanter. Paula se laissa emporter, enleva ses chaussures, ses chaussettes, le pantalon. En dernier la culotte et elle la prit dans la bouche, elle aimait tenir entre ses dents cette culotte rose qu’elle avait portée pendant cinq jours, elle aimait sentir le parfum aigre et demander à Jackson s’il voulait qu’elle se mette à quatre pattes. Pendant ce temps, il chantait. Alors Paula roula du matelas par terre, les genoux sur le parquet sale, le bracelet de cuir attaché au bord de sa main. Jackson monta sur elle et lui attrapa les cheveux avec force : t’aimes ça ? demanda-t-il, et elle disait qu’elle avait toujours pensé que Michael Jackson était un pédophile homosexuel refoulé.

— Ça c’était pour vendre plus de disques, dit Jackson.

Paula dit dans un murmure :

— Je veux être ton esclave.

Puis elle demanda à Jackson d’enlever son pantalon, de la lui mettre maintenant et qu’il danse en baisant. Elle aimait le voir danser. Elle voulait qu’il l’oblige à faire des choses que jamais personne ne lui avait fait faire, des choses qui font mal, qui l’humilient, disait-elle. Alors le garçon commença à retirer avec difficulté son pantalon en cuir, sa veste à paillettes, le caleçon déchiré au cul.

— Non, les chaussettes garde-les.

Jackson accepta, il dit que ca ne posait pas de problème et qu’il pourrait chanter pour elle toute la nuit, il fit sa voix aigue et chanta, mais Paula lui demanda de lui susurrer des choses à l’oreille avec cette voix aigue, elle ne voulait pas que sa mère entende quoi que ce soit parce qu’après elle avait des problèmes, qu’il se couche, lui dit-elle, mais Jackson resta là à la regarder. Alors elle se leva d’un bond, le poussa violemment au sol et lui ordonna de se retourner.

— Je veux que tu prennes ton pied, lui dit-elle et elle sortit du placard un godemiché fluorescent.

3

C’était une sudestada. [1] L’endroit commença à s’emplir d’eau et le corps de la fille demeurait sur la chaise, les yeux ouverts, la bouche ouverte, le sang qui, comme l’eau, formait une flaque autour. Margot marcha avec les béquilles vers Matamoros, assis par terre, tel un cloporte blotti dans un coin. Elle lui toucha la tête et approcha une chaise. Elle laissa les béquilles de côté.

— Ne fais pas cette tête.

L’homme écarta les mains de son visage.

— Ce n’est pas ta faute.

La femme le regarda de nouveau et tira une cigarette du paquet qu’elle gardait dans son soutien-gorge. Elle lui dit que ces choses-là arrivaient. Que les accidents, ça arrive tout le temps. Que la terre continue de tourner grâce aux accidents, c’est une longue série de hasards du destin qui font que ce putain de monde continue son bonhomme de chemin, dit la femme d’une voix cassée, le visage maquillé comme si elle venait de se préparer dans une loge pour sortir sur scène.

— Mais il faut que tu te rendes compte que tu n’es plus fait pour ça. La femme cessa de le regarder. Tu es très sensible et je te comprends. Je me mets à ta place et je te laisserai pleurer allongé dans la rue si tu veux. Mais je n’écarterais pas l’idée de consulter un professionnel. Au moins pour qu’il te donne un autre traitement. Je ne sais pas, ça c’est à toi de le décider. Tu ne peux pas passer toute la journée à pleurer. Parce que tu ne trouves pas ta chaussure ou parce que tu n’as pas d’argent pour acheter des cigarettes. Je ne peux pas continuer ainsi. Ça me fait mal là.

Margot toucha un de ses seins. L’homme fut de nouveau secoué par les sanglots.

— Tu vois ce que je te dis.

La femme dit qu’ils devaient résoudre ce problème. Car c’était un problème comme un autre. Ils devaient faire disparaître le cadavre et ici il ne s’était rien passé.

— Qu’est-ce que tu vas lui dire ?

— Je ne sais pas.

— Il faut que tu lui dises quelque chose.

La femme prit les béquilles, se leva et dit qu’elle le savait bien, qu’elle n’avait besoin de personne pour le lui rappeler. Puis elle arriva dans une pièce au fond, alluma la lumière et chercha le téléphone.

— Elle avait vingt ans! cria l’homme.

— Ne crie pas, dit la femme comme si elle parlait à un enfant. Il ne faut pas non plus se noyer dans un verre d’eau. Maintenant on va laver tout ça et demain on s’en va, je meurs de froid.

La femme se mit à parler seule, elle se plaignait.

4

On frappa à la porte.

Paula fit signe à Jackson de se taire. Elle éteignit la cigarette et s’arrangea. Jackson se mit sous les draps et enlaça Paula. Elle sourit.

— Quoi?

Une voix d’homme dit que le repas était prêt.

— J’arrive.

Paula se découvrit et ramassa le mégot pour le jeter par la fenêtre. Puis elle chercha son jeans qui était juste à côté de l’enceinte.

— Tu m’avais pas dit que ton père ne rentrait que ce soir.

— J’en sais rien, il a dû revenir avant.

— Et maintenant, qu’est-ce que je fais?

— On dirait la gamine d’Hellman’s, idiot.

Jackson aussi se leva et chercha le pantalon. Il le mit en vitesse, sans caleçon et chercha la veste à paillettes et les chaussures noires.

— Mes lunettes?

— Je sais pas.

Jackson retourna les papiers que Paula avait sur la table de nuit. Rien. Puis il chercha dans les draps sens dessus dessous sur le matelas. Elles n’y étaient pas.

— Ça ne fait rien, vas-y, si je les trouve je te les ramène demain.

— Par où je sors?

— Par la porte de service.

— Et si ton père nous voit?

— Il n’y a pas de raison qu’il te voit.

— S’il m’attrape il me tue. Il me déteste.

— Il ne te déteste pas. Il ne te comprend pas.

— Je ne sais pas ce qu’il ne comprend pas.

— Il dit que tu es bizarre.

Jackson fit le moonwalk.

— Ça, ça lui semble bizarre?

— Va savoir.

5

Tandis qu’il s’éloignait de l’immeuble, Jackson pensait à Paula, à son père, au fait qu’il le trouvait bizarre. Jamais il ne pourrait le comprendre. Ni lui au père. Il ne pleuvait plus. Il regarda le ciel et attendit le bus à l’angle de Corrientes. Trente minutes de trajet. En arrivant, il prit les escaliers de l’immeuble car en réalité il n’avait pas envie d’arriver. Il sortit les clefs de sa poche et devant la porte, se dit qu’il préférait aller boire une bière au bar de l’autre pâté de maisons. Au kiosque. Dans la rue. Boire une bière dans un bus partant pour n’importe où, mais ne pas tourner la clef, entrer chez lui et se retrouver face à sa tante comme tous les soirs. Il ressentait comme un malaise, ne plus vouloir aller là-bas, ne plus sentir l’odeur de la naphtaline dans tous les coins de la maison. Pourtant il enfonça la clef et ouvrit la porte. Sa tante était assise devant la télévision. La chemise à fleurs imprimées, la cigarette éteinte à la bouche, des bas couleur chair qui recouvraient ses mollets. Elle ne parlait pas. Elle regardait une émission de questions-réponses. Elle bougeait ses doigts sur ses jambes. Nerveux. Elle jouait d’un piano imaginaire. Ses dents tremblaient. Sa tante prenait des cachets pour dormir mais il ne lui en restait plus. Jackson s’approcha pour lui dire bonjour et la tante tourna la tête : ils l’ont de nouveau appelée, dit-elle, elle a tout écrit dans un cahier, elle est fatiguée parce qu’elle est allée à Budapest.

— C’est joli, Budapest, dit la tante.

Jackson vit ses yeux rouge, perçu l’odeur d’eau de Cologne Johnson puis alla voir le cahier ouvert sur la table. Une écriture d’institutrice de CE2 au début, stylo bleu, points et virgules, voyelles rondes, parfaites, et à un moment, une rupture, le stylo qui semble ne plus arriver à écrire tout ce que la main lui demande ou que la tête demande à la main, et que cette dernière n’arrive pas à mettre les points sur les i, ni les virgules, des phrases qui n’ont pas de sens et une écriture presque indéchiffrable. Jackson finit par se lasser et lui demanda s’ils étaient revenus pour lui dire quelque chose d’important.

— Que ton père et ta mère vont bien. Ils m’ont dit qu’ils jouaient au billard.

— Tu as mangé? demanda Jackson sans y prêter attention.

Dalinda ne répondit pas.

Elle resta muette un certain temps, jusqu’à ce que Jackson entende :

— Alaska.

Jackson ne comprenait pas. Elle délire pensa-t-il et il lui reposa la question mais la tante avait toujours les yeux rivés sur la télévision. Le garçon alla à la cuisine, ouvrit le réfrigérateur, trois tomates coupées à moitié, de la mayonnaise dans une assiette en métal qui était en train de devenir verte, deux bouteilles d’eau du robinet. Il en prit une et but au goulot. Il la remit dans la porte du réfrigérateur, le referma et traversa de nouveau le salon tandis que le présentateur télévisé posait une question sur le lieu où était parti seul le jeune Chris McCandless, âgé de vingt-quatre ans à peine, en avril 1992.

6

Les nouilles étaient prêtes. Paula arriva à la cuisine, sortit du réfrigérateur la bouteille de soda et demanda à sa mère de lui servir son assiette avec peu de sauce. La mère sortait le pain d’un sac et le mettait sur la table de tous les jours. Quatre verres, quatre paires de couverts, les serviettes en papier.

— Il manque quelque chose?

— Appelle ton père.

Paula courut dans le couloir jusqu’à la salle de bain et passa devant la chambre de ses parents où Pablo regardait la télévision : à table, morveux. Elle arriva à la porte de la salle de bain et cria à son père que le dîner allait refroidir. Elle entendit le robinet du lavabo couler et revint à la cuisine. Assise à la même place que d’habitude, Paula mangeait la mie d’une tranche de pain et sa mère lui dit de ne pas manger autant de pain parce qu’elle était grosse.

— Tu ne te vois pas dans la glace?

Paula se plaint et voulu protester, mais elle laissa la mie de côté et demanda à sa mère s’ils pourraient lui donner de l’argent pour aller à Villa Gesell. Sa mère secoua la tête, lui demanda avec qui elle partait et se souvint qu’elle lui avait déjà dit que les choses n’allaient pas bien, qu’elle ne savait pas s’ils pourraient lui donner quelque chose et encore moins pour partir avec ce garçon que nous ne voulons même pas voir. Paula, écoute, je te comprends, mais mon rêve c’est de te voir avec quelque chose de mieux, quelqu’un qui travaille, un ingénieur ou ce que tu veux, je ne sais pas, Paulita, ces amourettes d’été prennent fin avec le temps, bon, comme tout par ailleurs. Paula râla. Sa mère se retourna et lui dit de ne même pas songer à demander cela à son père, que ce n’était pas le moment de demander quoi que ce soit. Pas aujourd’hui.

— Il est arrivé quelque chose?

— Comme d’habitude.

La casserole de la sauce commença à bouillir. La mère éteint le feu, versa les nouilles dans un plat et s’assit. Elle appuya sa tête sur son bras droit et demanda à sa fille de sortir du réfrigérateur le fromage et le jus d’orange car elle ne pouvait même pas bouger tellement elle avait mal aux os. Paula ne comprenait pas comment sa mère pouvait boire ce jus infect, mais elle lui expliqua que le médecin lui avait recommandé de manger des fruits.

— Mais c’est du jus concentré, maman, tu es bête ou quoi?

— Ne me parle pas comme ça, je suis ta mère. Un peu de respect, c’est tout ce que je te demande.

Paula sortait le jus lorsque son père arriva et embrassa sa femme et sa fille. Il demanda où était le plus jeune et s’assis en bout de table. Il coupa un morceau de pain.

— Comment ça s’est passé aujourd’hui?

Il parlait à Paula, qui lui répondit qu’il ne s’était rien passé d’exceptionnel. Comme d’habitude, dit-elle. Le père coupa un autre morceau de pain et dit que tous les jours semblaient être identiques et qu’il ne comprenait pas comment les jeunes pouvaient vivre dans une apathie absolue, sans que rien d’autre ne les intéresse que d’écouter de la musique, regarder la télévision, se prendre en photo et sortir.

— Pourquoi ne vous tuez-vous pas?

— Papa, ne commence pas.

— Je ne commence pas, je ne fais que parler, c’est ce que je pense et je le dis à voix haute. Pardon, je suis coupable de m’inquiéter pour ma fille.

Il ne dit rien sur le fait qu’à son époque les choses étaient différentes car son père détestait cette phrase. Il disait que c’était un truc de vieux gâteux et lui, Alberto Ruíz, avait l’esprit plus jeune que n’importe quel adolescent qui se croit écervelé. C’est pour cela qu’il portait des lunettes de soleil. Des polos qui, selon lui, avaient du style.

— Dans les années soixante-dix, c’était autre chose, dit Ruíz, et il changea immédiatement de sujet pour parler d’une histoire qui était arrivée cet après-midi au tribunal. Comme les choses qui arrivent tout le temps. Tous les jours. Il n’attendit pas que le plus jeune arrive pour commencer : qu’au ministère public, on avait prit la déclaration d’un type que personne, d’après ce qu’il disait, ne pouvait toucher.

— Ne me touchez pas, disait-il lorsqu’ils avaient voulu lui indiquer l’endroit où s’asseoir.

Ruíz se mit à rire seul. L’homme demandait qu’on ne lui fasse rien et montrait sa veste blanche, ses chaussures blanches, les chaînes en or. Ne me touchez pas, disait-il, je suis le fils de Dieu.

Les femmes aussi se mirent à rire.

— Le fils de pute croyait qu’il était Jésus-Christ, dit le père.

— Vous avez passé une mauvaise journée ? demanda la femme et Ruíz baissa la tête. Excepté quelques histoires, il n’aimait pas parler des affaires judiciaires à table et répondit seulement par une maxime et un enseignement pour les femmes de la maison qui devaient toujours l’écouter car lui savait cela : pour rendre justice, les journées sont toujours difficiles. Il coupa un autre morceau de pain, se servit du vin et alluma une cigarette.

— Ne fume pas quand nous sommes à table.

— Ne me dit pas ce que je dois faire, dit Ruíz.

Il fumait rapidement. Pablo arriva du couloir et en le voyant, son père lui demanda s’il avait joué au foot. Le garçon fit non de la tête. Le père lui demanda s’il s’était au moins lavé les mains et le garçon, avec une mine enfarinée, acquiesça. La femme servit l’entrée au père et lui tendit le fromage râpé. Paula dit que cet après-midi la porte de sa chambre s’était de nouveau bloquée.

— Ça c’est parce que tu t’enfermes dans ta chambre, dit Ruíz.

— C’est ma chambre.

— Je n’aime pas que vous fermiez à clef, c’est ma maison.

— Je n’ai rien à cacher.

— Non, je suppose que non, excepté ce gamin avec qui tu sors. C’est normal?

— Il est bien plus normal que beaucoup d’autres.

— Je ne sais pas avec qui tu traînes.

— Ah, non, ne me gronde pas papa, dit Paula et elle se leva pour l’embrasser.

C’est alors que le téléphone sonna. Paula sentit le frisson de son père. Pablo se leva et arriva d’un bond jusqu’à l’appareil. Dans la cuisine, personne n’entendit ce qu’il dit.

— Il doit avoir une copine qui l’appelle, dit la mère.

Ruíz sourit puis après avoir lâché la fourchette, saisit son paquet de cigarettes.

— Papa, c’est pour toi, cria le garçon.

Ruíz se leva, marcha lentement, et prit le combiné. Les femmes n’entendirent que « Allo ». Rien d’autre.

Il raccrocha.

Ruíz alla vers la chambre et revint à la cuisine avec l’imperméable.

— C’était qui? demanda la femme.

— Personne, dit Ruíz avant de fermer la porte.

Traduit par Aurélie Marcillac

1

La chica abrió los ojos. Intentó levantar los brazos pero no pudo. Se encontró sentada, maniatada con sogas gruesas a una silla de madera, descalza y con la pollera blanca con manchas de grasa o de aceite. No lo sabía. La musculosa estaba rota y a la chica le dolía la cabeza, le ardía el brazo. Tenía sed. Olía a mierda. Miró hacia el techo del lugar, vio unas roldanas con ganchos de hierro que se movían por el viento. Intentó recordar lo que había ocurrido. Sintió frío y tenía el pelo adherido a su frente. No sabía dónde estaba. Algunas paredes tenían azulejos blancos, y algunos habían caído al piso. Alrededor estaba oscuro, afuera empezó a llover.

— Rubia – escuchó.

Levantó la cabeza y miró con un solo ojo hacia adelante. No vio a nadie. La voz era gruesa, pastosa. Le dolía el culo y empezó a llorar. Empezó a llamar a su padre. Su voz retumbó y sintió un cosquilleo en el pie. Una cucaracha caminaba por su empeine y la chica movió la cabeza. También tenía las piernas atadas. Empezó a llorar en silencio y a pensar en Nicolás, en su padre, en la novia de su padre que quizás fuese quien la tenía presa en ese lugar sin nada más que ventanas y cucarachas y una voz que no deja de llamarla:

— Rubia.

Pero no quería pensar así. Levantó la cabeza y en el fondo, en un rincón oscuro, vio a un hombre gordo sentado en una silla, acodado a una mesa de metal. La chica pensó lo peor. Le dolía el culo. Empezó a llorar y a gemir, los mocos se convirtieron en las palabras que ella no podía pronunciar. Quiso levantarse pero no pudo. No podía hacer nada. Otra vez pensó en Nicolás, en por qué no había respondido sus llamadas y dijo que debía tranquilizarse, que debía hablar, decir algo, cualquier cosa.

— ¿Quién sos? – dijo.

Raúl Matamoros se incorporó y empezó a caminar hacia ella. Se alegró de verla despierta y de que pudiera hablar. Era gordo. Transpiraba y tenía aliento a mierda. El mismo olor que la chica percibió en ella misma. Quizás el hombre la había besado por todas partes, le había metido la lengua inmunda en su boca mientras ella estaba dormida o peor, en cualquier otra parte. La chica empezó a temblar, a sentir un escalofrío mientras la boca del hombre se le acercaba a la oreja. Levantó su hombro izquierdo, si pudiera le diría que la dejara en paz, si pudiera le escupiría en la cara, le daría una patada en las pelotas, si pudiera, si tuviese las piernas liberadas, y en cuanto la chica sintió el aliento del hombre en su rostro, bien cerca, ese aliento de carne cruda olvidada en el piso, le dijo en voz baja: «por favor, no». Y cerró los ojos.

Matamoros se alejó.

— No quiero que llores – le dijo.

Después le contó una historia. Hacía un tiempo, el hombre conoció a un chico que se entretenía disparando a los gatos de un baldío con un rifle de aire comprimido. El chico se ubicaba en la terraza donde vivía su padre con la novia. Era una casa grande de Burzaco y desde ahí elegía sus objetivos. Apuntaba. Fuego. Los gatos no sabían para dónde correr. El chico también tenía problemas de disciplina. Siempre discutía con los profesores y había estado en tres escuelas distintas. En la primaria lo habían echado en quinto grado por mala conducta, dijo el hombre, o más bien lo echaron porque quiso torturar a un compañero para que le diera un par de galletitas dulces. A los doce o trece años empezó a dispararles a los gatos. Fue una forma de hacer terapia.

— ¿Qué me querés decir con todo esto de los gatos? – preguntó la chica.

Matamoros seguía atrás de la silla.

— Dejame que termine.

Una vez, el chico le tocó el culo a una de las profesoras y la mina no dijo nada. No sabía qué decir. Tenía miedo de que alguien hablara mal de ella o que el chico fuese hijo de alguien importante en la comisión directiva. Era profesora de inglés y necesitaba el trabajo, era una de esas profesoras jovencitas que recién empiezan y no saben cómo manejar ese tipo de situaciones. El chico primero le tocó el culo en una escalera y ella se dio vuelta y lo increpó. El chico le sostuvo la mirada sin una mueca. La profesora siguió como si no pasara nada. Después el chico le tocó el culo mientras ella estaba en el pizarrón dando clase y ahí sí, le dio una cachetada. El chico se le rió en la cara. La profesora salió del aula sin decir una palabra. Todos sabían que se había escondido en el baño para llorar. Entonces el chico llegó al baño, abrió la puerta de uno de los box y la encontró sentada en el inodoro, los codos en las rodillas, las manos envueltas en la cara.

— Tenía los ojos como vos – dijo Matamoros.

Y se escucharon aplausos.

— Conmovedora la escena del final.

La chica miró hacia el fondo y vio a una mujer sentada en la misma silla en la que antes estaba sentado el hombre. La mujer estaba con el brazo apoyada en un freezer desenchufado. Se llamaba Margarita y le decían Margot.

Sentada, comentó que estaba celosa.

— A mí nunca me cuentan historias – dijo Margot mientras hacía girar su pierna. Se la sacó con un movimiento brusco y la chica empezó a gritar y abrió los ojos hasta darse cuenta de que la pierna era ortopédica. Plástico. Fibra de vidrio modular de acero. Pie Sach con dedos y terminación blanda. Margot la dejó en el suelo a un costado y se incorporó y comenzó a dar saltitos hasta llegar a la silla. Allí, miró a la chica y levantó las cejas. Después apoyó el muñón en la pierna de la chica y le dijo que se lo acaricie. La chica no movió las manos. No podía.

— Hacé lo que te pide – dijo Matamoros-. Así se excita.

La chica no entendía que le pidieran eso.

— Están locos.

— No grites - dijo Margot.

— ¿Quiénes son?

— No hables – dijo Matamoros.

— ¿Quién los manda?

Ninguno de los dos respondió. Escucharon un ruido en el techo y levantaron la cabeza. La chica les pidió que la soltaran.

— ¿Querés algo para tomar?

— ¿Qué? – preguntó la chica.

— No te pregunté a vos, nena, sino a él – dijo Margot mientras se alejaba-. Odio las pendejas que se creen el centro del mundo.

Matamoros también se alejó.

— Te sigo contando… – dijo mientras sacaba el paquete de cigarrillos y lo miraba con detenimiento. Parecía que le faltaba alguno, pero al contarlos estaban todos. Fue entonces que escuchó un trueno. Las paredes temblaron. La chica tembló. El techo tembló y se desprendieron unas chapas. Una madera y otra y el sonido fue como el de una viga zafando de sus tornillos. Matamoros se dio vuelta, abrió la boca y miró hacia arriba. Pudo ver que por el viento se había desgarrado una de las maderas que sostenía una de esas roldanas con gancho que estaban colgadas del techo. Cayó. Y se incrustó de seco en la cabeza de la chica. Ni siquiera pudo gritar.

2

Jackson sabía que no sería fácil. Durante un tiempo, en silencio, miró hacia la ventana. El perfil de un hombre le recordó el rostro de un amigo muerto. Uno de esos amigos de la infancia que dejó de ver después de aquella tarde. Nunca más quiso pensar en esa tarde. En esos amigos. Pero no sabe por qué, en la cara de ese hombre que cruzaba la puerta de calle se filtraron los rasgos de su amigo muerto años antes, no sabe cuántos, suicidado en el baño, como le contaron, desnudo, como le contaron, con una escoba entre las piernas. Jackson se imaginó la escena infinidad de veces. Imaginó a la madre del chico al abrir la puerta, al verle la cara estúpida al hijo desnudo y muerto, al gritar y cerrar los ojos, la puerta, la boca y empezar a llorar. Imaginó la escena cientos de veces. Y ahora de vuelta.

El rostro, la escena. Desde el séptimo piso, Jackson dejó la ventana, se dio vuelta y miró a Paula acostada en el colchón, el jean desabrochado, la remera negra con el nombre AC/DC en letras blancas. No le gustaba usar corpiño así que así andaba siempre. Con las piernas estiradas, Paula le daba una larga pitada a su cigarrillo y después tiraba las cenizas en el suelo lleno de revistas y carpetas y zapatillas sucias.

— Las Vegas - dijo ella.

Jackson asintió, dijo que le encantaría, que ese fue su sueño desde que era chico, desde que murió Mariano, desde que leyó una vez, no sabe cuándo, una revista en la que veía las fotografías de la ciudad y de los carteles de neón y de los imitadores de Elvis haciendo fila frente a un hotel cinco estrellas. Pero él no es Elvis.

— Me gustan tus medias – dijo ella y Jackson se miró las medias blancas de hilo, la inevitable negrura en los talones. Tenía que comprarse un par nuevo, se dijo, pero no tenía plata, para eso tendría que volver a la inmobiliaria y sacar fotocopias en la esquina de su casa, hacer trámites en el banco, pasarse los mediodías en el microcentro. No quería. Tampoco repartir volantes en la calle ni limpiar autos en el estacionamiento del shopping ni atender por teléfono a clientes indignados y decirles: mi nombre es Lucas, ¿en qué lo puedo ayudar? Siempre dijo que en eso perdía tiempo, perdía las ganas. No quería volver a hacer esas cosas.

Alguien gritó. Un bebé empezó a llorar. Alguien encendió la televisión y buscó en los canales hasta que encontró el noticiero. El sonido se quedó un rato en la voz de una mujer que daba el pronóstico del tiempo para el fin de semana. Después un hombre comentaba sobre el supuesto secuestro de la hija de un empresario y enseguida cambiaba de tema por un desfile que se había realizado en Mar del Plata. Jackson dejó de escuchar esos sonidos y le preguntó a Paula dónde estaba el padre. Ella respondió que no sabía, tal vez no volviese hasta la noche.

— Mamá está en la cocina. Mi hermano no sé.

Jackson volvió a la ventana para preguntarle si siempre sería así. Paula no encontraba la forma de decirle que ya iban a ganar plata, ya iban a poder irse juntos a alguna parte.

— En Villa Gesell hay un concurso de karaokes en un bar – dijo –. Nada. Boludeces. Capaz podrías bailar en la peatonal para los turistas.

Él la miró y ensayó una sonrisa. Que los turistas se quedaran sorprendidos por su flexibilidad, por su voz, por su moonwalk imposible. Y pasar la gorra. Jackson se imaginó a las seis de la tarde frente al Banco Nación, se imaginó siendo aplaudido por miles de personas, gente acodada en la ventana de los edificios tirando papeles y aplaudiendo y gritando, y entre los oficinistas un hombre de traje y portafolios, un tipo que habla inglés y que le dice que le gustó su performance, que debería irse a otro lugar, que en este país pierde el tiempo. Jackson lo sabía. Imaginó al sujeto como si fuera el representante de alguna agencia internacional de cazatalentos, o tal vez sólo el gerente general de un hotel en Las Vegas. Y que le diera un pasaje para él y para su novia, sólo de ida, las llaves de una habitación en el piso número quince, estadía para tres meses, el tiempo suficiente para ahorrar algo de guita, conocer gente, quizás algún famoso que conozca a su vez al ídolo y al haber ganado el dinero suficiente para el viaje y los gastos, escaparse a Neverland, encontrarlo a Michael en uno de los juegos un lunes a la tarde, no sabía por qué un lunes pero se imaginaba que podía ser el día en que Michael tendría tiempo libre y sería a la tarde porque como todo buen pop star las noches son largas. Por eso lo encontraría sentado en el primer asiento de alguna montaña rusa infartante y entonces le daría un beso y le diría que lo admira y, unas horas después, Michael tal vez descubriese en él un espejo y le hablara como si fuera un hermano. El latinoamericano perdido de los Jackson Five.

— ¿Cómo se llama esa tía loca que vive en tu casa? – le preguntó Paula.
Jackson se despertó. Dalinda Fernández Moreno. Pero le aclaró que ella no vive en la casa de él sino que él vive en casa de ella. Y que no sabe si es tan loca como dicen. Ella siempre dijo que hablaba con extraterrestres.

— ¿Creés en extraterrestres?

— No sé – dijo Paula -. Ya tendrían que haber aparecido y nadie los vio.

— Los vieron.

— Capaz, no sé.

— Los pilotos de avión vieron algo. Apareció en una revista de ciencia.

— No sé si les creo. Pero sí, qué se yo, en algo hay que creer.

— Mi tía dice que ellos están entre nosotros, que nadie sabe pero nos están estudiando.

Jackson abrió los ojos. Paula se incorporó para buscar de su mesa de luz el paquete de cigarrillos y le preguntó si nunca había fumado. Jackson levantó los hombros. ¿También sos vegetariano?, preguntó Paula y Jackson no supo muy bien qué responder. Le gustaba la carne pero no la comía. Pensaba que así tal vez su organismo se convirtiera en otra cosa, no sabe muy bien en qué pero una vez se lo había leído en una entrevista a Michael y se le había grabado esa frase. Limpiar el organismo. Hacerse más blanco. Jackson estaba convencido de que por eso cambiaba tanto la nariz del cantante, el color de su piel. La voz más suave. Pensó que si lograba limpiar su organismo su vida sería de otra manera.

Paula le preguntó en qué estaba pensando y Jackson se quitó los anteojos negros y comprobó la oscuridad de la habitación.

— Nada - dijo.

Después se quedaron callados. Escucharon la lluvia.

— Bailame – dijo ella.

Jackson empezó a sonreír, le dijo que no tenía el disco, pero Paula creía que eso no era problema, que ella le podía cantar y entonces, con su voz ronquilla, empezó: Billie Jean is not my lover/ She’s just a girl who/ says that I am the one/ But the kid is not my son. En «kid» ella hacía siempre el mismo falsete.

Jackson se acercó a ella y comenzó a darle un beso en el cuello y después otro mientras repetía la letra de la canción.

— Pero si vos no sabés inglés – dijo Paula con una sonrisa.

— No importa – dijo Jackson y volvió a cantarle. Paula se dejó llevar, se quitó las zapatillas, las medias, el pantalón. Por último la bombacha y se la llevó a la boca, le gustaba mantener entre sus dientes esa bombacha rosa que llevaba puesta más o menos cinco días, le gustaba sentir el aroma agrio y preguntarle a Jackson si quería que se pusiera en cuatro. Mientras tanto, él cantaba. Paula entonces se dio una vuelta por el colchón hasta el piso, las rodillas en el parqué sucio, la muñequera de cuero aferrada al borde de su mano, y Jackson se subió arriba de ella y le agarró los pelos con fuerza: ¿te gusta?, preguntó, y ella decía que siempre había creído que Michael Jackson era pedófilo homosexual reprimido.

— Eso era para vender más discos – dijo Jackson.

Paula habló en un susurró.

— Quiero ser tu esclava – dijo.

Después, le pidió a Jackson que se sacara el pantalón y que se la meta de una vez y que baile mientras cogen. Le gustaba verlo bailar. Quería que la obligara a hacer cosas que nunca nadie le hubiese hecho hacer, cosas que le duelan, que la humillen, dijo, y el chico entonces comenzó a sacarse con dificultad el pantalón de cuero, la campera con lentejuelas, el calzoncillo roto en el culo.

— No, las medias no te las saques.

Jackson asintió, dijo que no tenía problemas y que podría cantarle toda la noche, puso la voz finita y cantó pero Paula pidió que le susurre con esa voz finita cosas al oído, no quería que su madre escuchara nada porque después tenía problemas, que se acueste, le dijo pero Jackson se quedó mirándola y entonces ella se incorporó de un salto, lo empujó con violencia al suelo y le ordenó que se diera la vuelta.

— Quiero que disfrutes - dijo ella y del placard sacó un consolador fluorescente.

3

Era una sudestada. El lugar empezó a llenarse de agua y el cuerpo de la chica seguía en la silla, los ojos abiertos, la boca abierta, la sangre que formaba como el agua un charco alrededor. Margot caminó con muletas hasta Matamoros, sentado en el piso, un bicho bolita acurrucado en un rincón. Ella le tocó la cabeza y acercó una silla. Dejó las muletas a un costado.

— No te pongas así.

El hombre apartó las manos de su rostro.

— No fue tu culpa.

La mujer volvió a mirarlo y sacó un cigarrillo del paquete que guardaba en el corpiño. Le dijo que estas cosas pasan. Que los accidentes ocurren todo el tiempo. Que el mundo se mantiene porque hay accidentes, es una larga serie de casualidades del destino las que hacen que este puto mundo siga su camino, dijo la mujer con la voz cascada, la cara pintada como si recién hubiese estado en un camarín arreglándose para salir a escena.

— Pero te tenés que dar cuenta de que ya no estás para estas cosas – la mujer dejó de mirarlo -. Estás muy sensible y te entiendo. Me pongo en tu lugar y dejaría que llores tirado en la calle si querés. Pero no descartaría consultar algún profesional. Por lo menos para que te dé otra medicación. No sé, eso lo tenés que decidir vos. No puede ser que estés todo el día llorando. O porque no encontrás el zapato o porque no tenés plata para comprar cigarrillos. Yo así no puedo seguir. Me duele acá.

Margot se tocó uno de los pechos. El hombre volvió a sacudirse por el llanto.

— Ves lo que te digo.

La mujer dijo que debían resolver este problema. Porque era un problema como cualquier otro. Debían hacer desaparecer el cadáver y acá no pasó nada.

— ¿Qué le vas a decir?

— No sé.

— Algo le tenés que decir.

La mujer levantó las muletas, se incorporó y dijo que eso ya lo sabía, que no hacía falta que nadie se lo recordara. Luego llegó hasta un cuarto al fondo, encendió la luz y buscó el teléfono.

— ¡Tenía veinte años! – gritó el hombre.

— No grites – dijo la mujer como si le hablara a un chico-. Tampoco hay que ahogarse en un vaso de agua. Ahora limpiamos todo esto y mañana nos vamos de acá, que me estoy muriendo de frío.

La mujer empezó a hablar sola. Se quejaba.

4

Golpearon la puerta.

Paula le hizo señas a Jackson para que no hablara. Apagó el cigarrillo y se arregló. Jackson se metió bajo las sábanas y abrazó a Paula. Ella sonrió.

— ¿Qué?

La voz de un hombre dijo que ya estaba la comida.

— Ya voy.

Paula se destapó y levantó la colilla para tirarla por la ventana. Después buscó el pantalón de jean que había quedado junto al parlante del equipo de música.

— ¿No era que tu papá no volvía hasta la noche?

— Ni idea. Habrá vuelto antes.

— ¿Y ahora qué hago?

— Parecés la nena de Hellman’s, boludo.

Jackson también se levantó y buscó su pantalón. Se lo puso a las apuradas sin ropa interior y buscó la campera de lentejuelas y los zapatos negros.

— ¿Mis anteojos?

— No sé.

Jackson revolvió los papeles que Paula tenía en la mesa de luz. Nada. Después siguió con las sábanas revueltas del colchón. No estaban.

— No importa, andate, si te los encuentro los llevo mañana.

— ¿Por dónde salgo?

— Por la puerta de servicio.

— ¿Y si nos ve tu papá?

— No tiene por qué verte.

— Si me agarra me mata. Me odia.

— No te odia. No te entiende.

— No sé qué no entiende.

— Dice que sos raro.

Jackson hizo el moonwalk.

— ¿Esto le parece raro?

— Andá a saber.

5

Mientras se alejaba del edificio, Jackson pensó en Paula, en su padre, en eso de que lo considerara raro. Jamás podrá entenderlo. Ni él al padre. Ya no llovía. Miró el cielo y esperaba el colectivo en la esquina de Corrientes. Treinta minutos de viaje. Al llegar subió las escaleras del edificio porque en realidad no tenía ganas de llegar, sacó las llaves del bolsillo y frente a la puerta se dijo que prefería irse a tomar una cerveza al bar de la otra cuadra. Al kiosco. A la calle. Tomar una cerveza subido en un colectivo hacia cualquier otro lugar pero no meter la llave y entrar a la casa y encontrarse con su tía como cada noche. Tenía esa incomodidad de no querer estar más ahí, dejar de oler el perfume a naftalina que tenía cada rincón de la casa. Sin embargo metió la llave y abrió la puerta. La tía estaba sentada frente al televisor. El camisón con flores estampadas, el cigarrillo en la boca sin encender, medias color piel que le cubrían la pantorilla. No hablaba. Miraba un programa de juegos de preguntas y respuestas. Movía los dedos sobre sus piernas. Nerviosos. Tocaba un piano imaginario. Le temblaban los dientes. Su tía tomaba pastillas para dormir pero ya no le quedaban más. Jackson se acercó para saludarla y la tía giró la cabeza: que volvieron a llamarla, dijo, que tiene todo escrito en el cuaderno, que está cansada porque anduvo por Budapest.

— Lindo, Budapest – dijo la tía.

Jackson le miró los ojos rojos, le percibió el olor a colonia Johnson y después fue hasta el cuaderno abierto sobre la mesa. Una letra de maestra de tercer grado al principio, lapicera azul, puntos y comas, las vocales redondas, perfectas y, en un momento un quiebre, la lapicera que parece no alcanzar a escribir todo lo que la mano le pide o la cabeza le pide a la mano y ésta que no llega a poner los puntos sobre las íes, ni las comas ni los puntos en ninguna parte y todas las oraciones van seguidas, vocales sueltas, frases que no tienen sentido y una letra casi indescifrable. Jackson se aburrió y le preguntó si habían vuelto a decirle algo importante.

— Que tu papá y tu mamá están bien. Me dijeron que están jugando al billar.

— ¿Comiste? – preguntó Jackson sin darle importancia.

Dalinda no respondió.

Durante un tiempo se quedó callada hasta que Jackson escuchó:

— Alaska.

Jackson no entendía. Está delirando, pensó y volvió a preguntarle pero la tía seguía con los ojos en la televisión. El chico llegó hasta la cocina, abrió la heladera, tres tomates cortados en la mitad, mayonesa en un platito de metal que estaba poniéndose verde, dos botellas con agua de la canilla. Sacó una y tomó del pico. Volvió a dejarla en la puerta de la heladera y la cerró y atravesó otra vez la sala mientras el conductor del programa preguntaba algo sobre el lugar en el que se había internado solo el joven Chris McCandless, de sólo veinticuatro años, en abril de 1992.

6

Los tallarines estaban listos. Paula llegó a la cocina, sacó de la heladera la botella de gaseosa y le pidió a su madre que le sirviera su plato con poca salsa. La madre sacaba el pan de una bolsa y lo ponía en la mesa del comedor de diario. Cuatro vasos, cuatro pares de cubiertos, las servilletas de papel.

— ¿Falta algo más?

— Llamalo a tu papá.

Paula corrió por el pasillo hasta el baño y pasó por la habitación de sus padres, donde estaba Pablo mirando televisión: a comer, pendejo. Llegó hasta la puerta del baño y le gritó al padre que la cena se enfriaba. Escuchó abrir el grifo del lavatorio y volvió a la cocina. Sentada en el lugar de siempre, Paula comió la miga de un bollo de pan y la madre le dijo que no comiera tanto pan porque estaba gorda.

— ¿No te ves en el espejo?

Paula se quejó y quería discutirle pero dejó la miga a un lado y le preguntó a su madre si podrían darle plata para irse a Villa Gesell. La madre movió la cabeza, preguntó con quién se iba y se acordó que ya le había contado y que las cosas no estaban bien, que no sabía si podrían darle algo y menos para irse con ese chico al que no queremos ni ver, Paula, mirá, yo te entiendo pero mi sueño era verte con otra cosa, algún profesional, algún ingeniero o lo que quieras, no sé, Paulita, estos enamoramientos de verano se terminan con el tiempo, bueno, como todo. Paula se quejó. La madre se dio vuelta y le dijo que ni se le ocurriera pedirle esto al padre, que no estaba el ambiente para pedir nada. Ese día, no.

— ¿Pasó algo?

— Lo de siempre.

La cacerola con salsa empezó a hervir. La madre apagó la hornalla, volcó los tallarines en una fuente y se sentó. Apoyó la cabeza sobre el brazo derecho y le pidió a la hija que sacara de la heladera el queso y el juego de naranja que ella no podía ni moverse del dolor de huesos. Paula no entendía cómo podía tomar ese jugo horrible pero la madre le explicó que el médico le había recomendado consumir frutas.

— Eso es jugo concentrado, mamá, ¿sos tonta?

— No me hablés así que soy tu madre. Un poco de respeto es lo único que te pido.

Paula sacaba el jugó cuando llegó el padre y le dio un beso a la mujer y a su hija. Preguntó por el más chico y se sentó a la cabecera. Cortó un pedazo de pan.

— ¿Cómo te fue hoy?

Le hablaba a Paula, que respondió que no había pasado nada del otro mundo. Lo de siempre, dijo. El padre cortó otro pedazo de pan y dijo que todos los días parecían ser iguales y que no entendía cómo los jóvenes podían vivir en una apatía absoluta, sin que les importe nada más que escuchar música y ver televisión y sacarse fotos y salir.

— ¿Por qué no se matan?

— No empieces, papá.

— No empiezo, sólo digo, se me ocurren esas cosas y las digo en voz alta. Perdón, soy culpable por preocuparme en mi hija.

No dijo nada de que en su época las cosas eran distintas porque el padre odiaba esa frase. Decía que era de viejo choto y él, Alberto Ruíz, tenía un espíritu más juvenil que cualquier adolescente que se cree alocado. Y por eso usaba lentes oscuros. Chombas que, según él, tenían onda.

— En los setenta era otra cosa – dijo Ruíz y enseguida cambió de tema por una historia que había ocurrido esa tarde en Tribunales. Como las cosas que pasaban siempre. Todos los días. No esperó a que llegara el más chico para empezar: que en la fiscalía le habían tomado declaración a un tipo que, según decía, nadie podía tocar.

— No me toque, decía cuando le quisieron indicar el lugar donde sentarse.

Ruíz empezó a reírse solo. Que no le hicieran nada, decía el hombre y mostraba su saco blanco, los zapatos blancos, los collares de oro. No me toque, decía, soy el hijo de Dios.

Las mujeres también se empezaron a reír.

— El hijo de puta se creía Jesus-cristo, dijo el padre.

— ¿Tuvieron un mal día? preguntó la mujer y Ruíz bajó la cabeza. Salvo por las historias, le molestaba hablar de causas judiciales en la mesa y sólo respondió con una máxima y una enseñanza para las mujeres de la casa que siempre debían escucharlo porque él de esto sabía: para hacer justicia, los días siempre son difíciles. Cortó otro pedazo de pan. Se sirvió vino y encendió un cigarrillo.

— No fumes que estamos en la mesa.

— No me digas lo que tengo que hacer, dijo Ruíz.

Fumaba rápido. Pablo llegó del pasillo y su padre al verlo le preguntó si había jugado al fútbol. El chico negó con la cabeza. El padre preguntó si al menos se había lavado las manos y el chico, con cara de sueño, asintió. La mujer le sirvió el plato primero al padre y le acercó el queso rallado. Paula dijo que esa tarde se había vuelto a trabar la puerta de su cuarto.

— Eso es porque te encerrás en la habitación – dijo Ruíz.

— Es mi habitación.

— No me gusta que cierren con llave. Y es mi casa.

— No escondo nada.

— No, supongo que no, salvo ese pibe con el que salís. ¿Es normal?

— Es más normal que muchos otros.

No sé con quiénes te juntarás.

— Ay, no me pelees, papá – dijo Paula y se levantó para darle un beso.

Entonces empezó a sonar el teléfono. Paula sintió el estremecimiento de su padre. Pablo se levantó y llegó de una corrida hasta el aparato. En la cocina nadie escuchó lo que dijo.

— Debe tener alguna novia que lo llama – comentó la madre.

Ruíz sonrió y después de soltar el tenedor agarró el paquete de cigarrillos.

— Papá es para vos – gritó el chico.

Ruíz se levantó, caminó despacio y agarró el auricular. Las mujeres sólo escucharon «Hola». Nada más.

Colgó.

Ruíz caminó hacia la habitación y regresó a la cocina con el piloto de lluvia.

— ¿Quién era? – preguntó la mujer.

— Nadie – dijo Ruíz antes de cerrar la puerta.

Par Diego Erlán

Diego Erlan est diplômé en communication sociale, il coordonne la section Livres de Revista Ñ, supplément culturel du journal argentin Clarín.

Après avoir étudié les sciences politiques, Aurélie Marcillac a passé plusieurs années au Mexique et a collaboré à
la production de différents projets culturels, notamment de promotion
du cinéma latino-américain en France. Elle se consacre aujourd’hui à la
traduction française de textes en espagnol.

Illustrations d’Esteban De la Mata. Originaire de Mar del Plata, en 2002 il obtient un diplôme en communication sociale à l’Université nationale de La Plata. Il a travaillé comme journaliste à la radio et à la télévision, et comme attaché de presse dans le domaine politique. Il a aussi été professeur, facteur, barman et ouvrier agricole. Il a vécu dans de nombreux endroits (La Plata, Buenos Aires, Patagonie, Brésil, Espagne) et vit actuellement à Bordeaux.

[1La Sudestada es un phénomène météorologique présent tout au long d’une grande partie de l’estuaire du Río de la Plata. La Sudestada produit des fortes rafales de vent du Sud vers le Nord-ouest, ce qui occasionne des basses températures et des pluies de diverses intensités.