Boîte Postale

À Daniel Mordzinski

— Je ne suis pas Ruth.

L’homme, qui jusqu’alors avait joué avec un sachet de sucre, le laissa tomber sur la table. Il leva à peine les yeux. Il ne dit rien.

Comme si elle avait su que la question était celle-là et pas une autre, tandis qu’elle regardait un chien gris traverser la rue, elle dit :

— Je ne sais pas pourquoi je suis venue.

Ils étaient, depuis quelques minutes, l’un en face de l’autre, assis à la table du bar qui était au carrefour de Tribunales.

Elle était arrivée la première. Elle s’était placée dans un coin. Toujours la même habitude de chercher les murs. Pour que des yeux on puisse savoir ce qui se passe dans la rue. Et sur la porte. Surtout sur la porte.

Il est arrivé un peu après. Il passa d’abord la tête, cherchant du regard. Il étira le cou. Comme si le reste du corps n’avait pas encore décidé s’il devait entrer ou pas. Il y avait trois femmes seules. L’une, toute proche, trop jeune. Presque une gamine, même si elle était proche de la trentaine. Une autre, à droite, jouait avec quelque chose entre les doigts. Il fixa là son regard, dans ce mouvement. La lumière qui entrait de la rue lui permit de voir une alliance. Une alliance en or sali qu’elle faisait tourner nerveusement. Ce serait un mauvais début si la femme qu’il cherchait était en train de frotter une bague de mariage.

Mais là-bas, à gauche, contre le mur. Une femme regarde par la fenêtre. Cela pourrait être elle.

Un portable sonne. La plus jeune répond. Le bar s’emplit de voix, même s’il n’y en a qu’une seule qui résonne. Des voix qui traversent les choses.

— Mais tu viens ou pas ? C’est toujours pareil... Mais elle ne se rend pas compte que tu n’es plus un gosse ? Marko a dit qu’il fallait que ce soit aujourd’hui... Mais ce n’est pas possible ! Moi je ne sais plus rien !

Le serveur nettoie une table. Derrière le comptoir, un homme avec des moustaches range quelques verres. Tout le monde entend ce que personne ne dit entendre.

Lui il se tient sur le seuil, la tête penchée. Un instant, à peine, s’est écoulé. Quelqu’un, derrière, lui tape sur l’épaule.

— Tu vas entrer ou pas ?

Il se décale et laisse passer un grand type qui va droit à la table à droite. La femme arrête de frotter l’alliance et lève des yeux troubles. L’homme, énorme, s’assied d’un coup.

La femme à gauche tourne la tête jusqu’à ce qu’elle découvre que le bruit de l’écroulement était celui d’un corps cherchant la chaise. Tandis qu’elle ramène ses yeux à leur place elle le voit, sur le seuil de la porte. Elle sourit.

Il ordonne à son corps d’avancer. Il arrive jusqu’à la table. Il tire une chaise. S’assied. Il peut à peine la regarder. Il saisit un sachet de sucre. Il y a un ou deux mots écrits. Permeke. Café.

Une minute s’écoule. Elle regarde de nouveau par la fenêtre. Un chien gris.

— Je ne suis pas Ruth.

Il laisse tomber le sachet de sucre.

— Je ne sais pas pourquoi je suis venue.

Il regarde les bords de la table en bois.

— J’ai fini par m’habituer. Ce n’était pas ce que je voulais. C’était une confusion. Vous comprenez ?

Elle attend qu’il fasse un geste, quelque chose qui indique qu’ils sont encore ensemble, qu’ils sont venus se rencontrer, qu’il a quelque chose à dire.

Il ne bouge pas.

— C’était une erreur. Je ne voulais pas. Cela durait.

Le chien gris traversait la rue en sens interdit.

— J’habite à Montecito, vous connaissez ?

Il voulait hausser les épaules, dire oui, dire non, qu’importe. Il voudrait faire que son corps dise quelque chose. Quelque chose comme Ruth. Mais il n’arrive pas à bouger.

Elle pense à ce qu’elle devra raconter pour que Montecito signifie ce qu’elle a besoin de dire. Elle cherche où poser son pied. Quelque chose de provisoire. Une pierre qu’on aperçoit au milieu du fleuve. Seulement une fois dessus, le poids du corps bien installé, elle saura dire si elle est solide.

Sur cette pierre elle dit :

— J’ai perdu un enfant. Littéralement. Je l’ai perdu.

Elle essaie de sourire mais il y a d’autres gestes qui arrivent avant. Il continue de fixer les bords de la table.

— Je l’ai perdu. À la gare d’autobus. Nous venions d’arriver à Córdoba. Pour la première fois. Nous marchions sur les quais et il a lâché ma main. Il était tout petit. Quatre ans. Il a lâché ma main et j’ai pris mon temps. Je suis restée devant une affiche proposant un hébergement, en train de regarder des noms de rues et des quartiers qui ne signifiaient rien pour moi. Et j’ai senti la petite main s’ouvrir et l’ai laissé partir. Je suis restée à regarder une affiche. Et quand je me suis tournée ici pour porter Tomás, il n’y était plus. Il n’y était pas.

Des gens. Beaucoup de gens. Je cours jusqu’à trouver les agents de sécurité, je m’approche du policier. Ils me disent tous de me calmer, qu’il va bientôt apparaître, ils me disent d’aller au guichet d’information, là ils vont diffuser le message par le haut-parleur.

Moi je sens que Tomás n’est plus dans l’enceinte de la gare. Je le sens. Ils veulent me donner une infusion de tilleul, un calmant, de la valériane. Pour que je me calme.

Le chien gris déchire un sac poubelle, là-bas, sur le trottoir d’en face.

— Je ne me suis pas calmée. Je me suis laissée vaincre. Ils n’allaient pas m’aider. Tomás ne revenait pas. Il n’apparaissait nulle part. J’ai fait ma déposition.

Je suis restée à Córdoba plus d’un mois. Je suis allée tous les jours à la gare. Pour regarder. Pour coller des affiches. Pour attendre.

J’ai dû rentrer dans mon village. La police a dit qu’ils allaient poursuivre les recherches, qu’ils allaient m’appeler, que tous les postes du pays avaient été prévenus, qu’il valait mieux rentrer.

Elle fait un bruit avec la bouche. Un claquement, une tentative de toux. Il bouge les pieds sous la table.

— Et de la même manière que le mois s’était écoulé à Córdoba, deux ans se sont passés dans mon village. Tomás n’a jamais réapparu. Je me suis rendu compte que tout ce que j’avais fait était de l’attendre. Comme s’il avait déjà été un homme, qui peut rentrer tout seul à la maison.

Je me suis rendu compte que j’attendais ce qui n’allait pas se passer.
Et c’est à cet instant que je me suis décidée à partir. À Montecito. Vous connaissez ?

Et maintenant oui, il baisse la tête comme s’il acquiesçait. Un tout petit geste.

— Je voulais vivre loin. De la ville, du travail, des rues connues. J’ai trouvé une petite maison, avec une seule pièce, en allant vers la colline.
Et c’est alors que l’histoire du courrier a eu lieu. Certaines factures n’arrivaient pas. À la fin je payais toujours plus, en allant directement au bureau après l’échéance. J’ai su que mon frère m’avait envoyé des papiers que je n’ai jamais reçus. Je suis allée au bureau de poste pour faire une réclamation.

À partir de ce jour, je n’ai plus rien eu.

Je soupçonnais que, dans un si petit village, le fait de réclamer était un motif suffisant pour que mon nom soit éliminé de la liste de ceux qui méritent de recevoir une lettre. Deux mois se sont passés. J’ai commencé à penser, de nouveau, à Tomás. Si la police voulait m’informer de quelque chose, s’ils avaient besoin de me contacter, comment allaient-ils le faire ?

En même temps, je savais que non. Que Tomás, simplement non.
Une collègue de travail m’a suggéré d’ouvrir une boîte postale. Tu paies quelques pesos par mois – m’a-t-elle dit. Une fois par semaine, à la sortie du travail, tu y vas et tu jettes un coup d’œil. Ton courrier y arrive, sûr.
C’est devenu une habitude. Les jeudis je passais à la poste, je parcourais les couloirs métalliques, j’insérais la clé, la tournais et fixais la boîte vide. Un mois s’était écoulé.

Un soir, j’ai trouvé deux enveloppes. Pressée, je les ai sorties comme si quelqu’un pouvait m’accuser. Mais non, m’accuser de quoi, c’était clairement écrit Boîte Postale 698, Bureau Central de la Poste, Córdoba. Elles étaient à moi.

Ce n’était pas des impôts. Elles n’avaient pas le cachet de la police.

Je suis sortie faire une promenade. En arrivant à la place je me suis assise, les deux enveloppes devant mes yeux.

J’ai ouvert la plus petite.

Ruth — ça commençait. Et ensuite, deux feuillets emplis d’une écriture pointue qui ne parlait que de sexe. J’ai atteint la moitié. J’ai plié la lettre. Je l’ai rangée.

Je suis revenue au bureau de la poste. Mais au milieu du chemin j’ai pensé qu’il fallait ouvrir l’autre enveloppe.

Voir si c’était pour moi ou pour cette Ruth mentionnée par la première lettre.
Je suis entrée dans un café. J’ai ouvert la plus grande enveloppe.

Mme Ruth — ça commençait.

Elle sourit. Il ne lève pas les yeux de la table.

—Luis ?

Maintenant il la regarde. Juste une seconde.

— Je suis donc allée au bureau de poste. Au guichet. Je leur ai expliqué la situation. Je voulais savoir qui avant moi avait loué la boîte postale. Ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient pas me donner cette information. Cette location s’était arrêtée en décembre 2008. Six mois avant. Tout ce qui arrive là est à vous — dit l’un des employés.

J’ai demandé s’il pouvait garder les enveloppes, au cas où cette femme viendrait les chercher.

Ils ont dit non.

J’ai demandé quoi faire.

Ils ont dit qu’ils ne savaient pas.

Je suis rentrée chez moi. Deux heures de route, en transport en commun, jusqu’à Montecito.

La lettre de la petite enveloppe, je l’ai jetée. Je n’ai pas fini de la lire.
Celle de la grande enveloppe, je l’ai gardée.

Elle était très belle, cette lettre. En réponse à une annonce du journal. À Ruth qui cherchait un compagnon. J’ai aimé que vous me disiez que vous étiez veuf. J’ai aimé que vous me disiez que vous aviez une petite voiture. Pas pour la voiture. Pour l’idée qu’on pouvait se promener. Que je n’avais rien cherché mais que vous m’étiez apparu. Que nous pouvions aller, en voiture, à Montecito. Aller boire du maté au jardin de la maison.

Mais je ne suis pas Ruth.

Dehors il va pleuvoir. Lui regarde la cuillère du café. Une partie de son visage à elle s’y reflète.

— Voilà pourquoi j’ai envoyé cette photo, celle des arbres.

Que faire ? Elle voulait lui dire quelque chose. Quelque chose comme me voici, ce silence n’est pas vide, regardez, il y a une photo avec des arbres.

Et je n’ai pas signé. Vous vous êtes rendu compte que je n’ai jamais signé ? Je ne voulais pas vous mentir. Je ne voulais pas vous faire croire ce que je n’étais pas. Mais comment vous le dire.

Vous avez répondu.

Voilà pourquoi je vous ai envoyé l’autre photo, celle où on voit la colline, et la croix.

Je ne savais pas comment vous le dire. Vous disiez Ruth. Je n’ai jamais rien dit. Je ne suis pas elle. Mais je voulais l’être, pour vous. Vous comprenez ?

Il baisse la tête. Il remue les lèvres en disant oui, mais personne ne peut l’entendre. Si bas. Si doux.

Elle regarde à nouveau par la fenêtre. Un chien, un autre, passe à toute vitesse, à la recherche d’un refuge contre la pluie.

Traduit par Iván Salinas

A Daniel Mordzinski

–Yo no soy Ruth.

El hombre, que hasta ese momento había estado jugando con un sobre de azúcar, lo dejó caer sobre la mesa. Apenas levantó los ojos. No dijo nada.

Como si ella hubiera sabido que la pregunta era esa y no otra, mirando a un perro gris que cruzaba por la calle, dijo

– No sé por qué vine.

Hacía un par de minutos que estaban sentados, uno frente al otro, en una mesa del bar que está en la esquina de Tribunales.

Ella había llegado primero. Se había ubicado en una esquina. Siempre la costumbre heredada de buscar el muro. Que con los ojos uno pueda alcanzar lo que pasa en la calle. Y la puerta. Sobre todo la puerta.

Él llegó un rato después. Asomó primero la cabeza, buscando con la vista. Estiraba el cuello. Como si el resto del cuerpo todavía no hubiera decidido si entrar o no. Había tres mujeres solas. Una, adelante, demasiado joven. Casi una nena, aunque estuviera cerca de los treinta. Otra, a la derecha, jugaba con algo entre los dedos. Él fijó la vista ahí, en ese movimiento. La luz que llegaba desde la calle le permitió ver una alianza. Una alianza de oro sucio que ella hacía girar nerviosamente. Sería un mal comienzo que la mujer que buscaba estuviera frotando un anillo de casamiento.

Pero allá, a la izquierda, contra la pared. Una mujer mira por la ventana. Podría ser ella.

Suena un celular. La más joven atiende. El bar se llena de voces, aunque suena una sola. Voces que atraviesan las cosas.

– ¿Pero vas a venir? Siempre lo mismo... ¿Y ella no se da cuenta de que ya no sos un chico? Marco dijo que tenía que ser hoy... ¡No puede ser! Yo ya no sé!

El mozo limpia una mesa. Detrás de la barra un hombre de bigotes acomoda unos pocillos. Todos oyen lo que nadie dice oír.

Él sigue asomado a la puerta. Apenas ha pasado un instante. Alguien, desde atrás, le empuja un hombro.

– ¿Vas a entrar o no?

Él se corre y deja pasar a un tipo grandote que va directo a la mesa de la derecha. La mujer deja de frotar la alianza y levanta unos ojos turbios. El hombre, enorme, se sienta de un golpe.

La mujer de la izquierda gira la cabeza hasta descubrir que ese ruido a derrumbe ha sido un cuerpo buscando la silla. Mientras trae los ojos de vuelta lo ve, en el umbral de la puerta. Sonríe.

Él le ordena a su cuerpo avanzar. Llega hasta la mesa. Retira una silla. Se sienta. Apenas puede mirarla. Agarra uno de los sobres de azúcar. Tiene dos palabras escritas. Permeke. Café.

Pasa un minuto. Ella vuelve a mirar por la ventana. Un perro gris.

– Yo no soy Ruth.

Él deja caer el sobre de azúcar.

– No sé por qué vine.

Él mira los vértices de la mesa de madera.

– Me fui acostumbrando. No es que quisiera. Fue una confusión. ¿Me entiende?

Ella espera que él haga un gesto, algo que demarque que todavía están juntos, que han venido a encontrarse, que tiene algo por decir.

Él no se mueve.

– Fue un error. Yo no quería. Fue pasando.

El perro gris cruza la calle en sentido contrario.

– Vivo en Montecito ¿conoce?

Él quisiera alzar los hombros, decir que sí, que no, qué importa. Quisiera hacerle decir algo a su cuerpo. Algo como Ruth. Pero no logra moverse.

Ella piensa en qué deberá contar para que Montecito signifique lo que necesita decir. Busca dónde hacer pie. Algo provisorio. Una piedra que se ve a mitad del río. Sólo dirá si es firme cuando todo el peso del cuerpo se haya arriesgado.

Sobre esa piedra ella dice:

– Yo perdí un hijo. Literalmente. Lo perdí.

Trata de sonreír pero hay otros gestos que llegan antes. Él sigue mirando los bordes de la mesa.

– Lo perdí. En la estación de ómnibus. Acabábamos de llegar a Córdoba. Por primera vez. Caminábamos por las plataformas y él se soltó. Era chiquito. Cuatro años. Se soltó y yo me demoré. Me quedé mirando un cartel de hospedaje, mirando nombres de calles y barrios que no significaban nada para mí. Y sentí la manito que se abría y lo dejé. Y me quedé mirando un cartel. Y cuando me di vuelta para alzar a Tomás, él ya no estaba. No estaba.

Gente. Mucha gente. Corro hasta alcanzar a los de seguridad, me acerco al policía. Todos me dicen que me calme, que ya va a aparecer, que vaya a informes, que ahí van a pasar el mensaje por el altavoz.

Yo siento que Tomás ya no está en la terminal. Lo siento. Me quieren dar un té de tilo, un calmante, una valeriana. Que me calme.

El perro gris rompe una bolsa de basura, allá, en la vereda de enfrente.

– No me calmé. Pero me vencí. No iban a ayudarme. No volvía Tomás. No aparecía. Hice la denuncia.

Me quedé en Córdoba más de un mes. Fui todos los días a la estación. A mirar. A pegar carteles. A esperar.

Tuve que volver a mi pueblo. La policía dijo que iban a seguir buscando, que me iban a llamar, que todos los destacamentos del país estaban comunicados, que me fuera a casa.

Ella hace un ruido con la boca. Un chasquido, el intento de una tos. Él mueve los pies bajo la mesa.

– Así como pasó un mes en Córdoba, pasaron dos años en mi pueblo. Tomás no apareció. Me di cuenta de que lo único que yo había hecho era esperarlo. Como si él ya fuera un hombre, uno que puede volver a casa solo.

Me di cuenta de que esperaba lo que no iba a pasar. Ahí fue cuando decidí irme. A Montecito. ¿Conoce?

Ahora sí, él baja la cabeza como asintiendo. Un gesto mínimo.

– Quería vivir lejos. De la ciudad, del trabajo, de las calles conocidas. Conseguí una casita chica, de una sola habitación, camino al cerro. Y entonces pasó lo del correo. Algunas cuentas no llegaban. Siempre terminaba pagando de más, yendo a las oficinas después del vencimiento. Supe que mi hermano me había enviado unos papeles que nunca recibí. Fui a la estación de correo y presenté un reclamo.

A partir de ese día ya no llegó nada.

Supuse que en un pueblo tan chico haberme quejado era razón suficiente para ser eliminada de la lista de quienes se merecen recibir una carta.
Pasaron meses. Empecé a pensar, otra vez, en Tomás. Si la policía quería avisarme algo, si necesitaban contactarme ¿cómo iban a hacerlo?

A la vez, yo sabía que no. Tomás, ya no. ¿Pero y si necesitaban decirme algo?
Una compañera de trabajo me sugirió lo de la casilla de correo. Pagás unos pesos por mes – me dijo –. Una vez a la semana, al salir del trabajo, vas y te fijás. Ahí llega seguro. Se me hizo costumbre. Los jueves pasaba por el correo, recorría los pasillos de metal, metía la llave, giraba, y me quedaba mirando el casillero vacío. Pasó un mes.

Una tarde encontré dos sobres. Los saqué apurada, como si alguien pudiera acusarme. Pero no, acusarme de qué, decían claramente Casilla de Correo 698, Correo Central, Córdoba. Eran míos.

No eran impuestos. No tenían el membrete de la policía.

Salí a caminar. Al llegar a la plaza me senté, los dos sobres ante mis ojos.

Abrí el más chico.

Ruth –decía. Y después, dos hojas llenas de una letra puntiaguda que sólo hablaba de sexo. Llegué a la mitad. La doblé. La guardé.

Volví al correo. Pero a mitad de camino pensé que era necesario abrir el otro sobre.

Ver si era para mí o para esa Ruth que mencionaba la primera carta.
Entré a un café. Abrí el sobre más grande.

Señora Ruth –decía.

Ella sonríe. Él no levanta los ojos de la mesa.

– ¿Luis?

Ahora él mira. Es sólo un segundo.

– Fui al correo. Me presenté en el mostrador. Les expliqué la situación. Quise saber quién había alquilado la casilla antes que yo. Dijeron que no podían darme esa información. Ese alquiler había caducado en diciembre de 2008. Seis meses atrás. Todo lo que llegue ahí, es suyo –dijo uno de los empleados.

Pregunté si ellos podían guardar los sobres por si esta mujer venía a buscarlos.

Dijeron que no.

Pregunté qué hacer.

Dijeron que no sabían.

Volví a casa. Dos horas de viaje, en colectivo, hasta Montecito.

La del sobre chico, la tiré. No terminé de leerla. La del sobre grande, la guardé.

Era muy hermosa su carta. Respondiendo a un aviso del diario. Ruth buscando un compañero. Me gustó que usted dijera que era viudo. Me gustó que dijera que tenía un autito. No por el auto. Me gustó porque pensé que podíamos salir a pasear. Que yo no había buscado nada pero usted se me aparecía. Que podíamos ir, en el auto, a Montecito. A tomar mate en el jardín de casa.

Pero no soy Ruth.

Afuera está por llover. Él mira la cuchara del café. Ahí se refleja parte de la cara de ella.

– Por eso le mandé esa foto, la de los árboles.

¿Qué hacer? Quería decirle algo. Algo como aquí estoy, no está vacío este silencio, mire, hay una foto con árboles.

Y no firmé. ¿Usted se dio cuenta de que nunca firmé? Yo no quería mentirle. No quería hacerle creer lo que no era. Pero cómo decirle.

Y usted contestó.

Por eso le mandé la otra foto, donde se ve el cerro, y la cruz.

No sabía cómo decirle. Usted decía Ruth. Yo nunca dije nada. No soy ella. Pero quería ser eso, para usted. ¿Entiende?

Él baja la cabeza. Mueve los labios diciendo sí, pero nadie puede oírlo. Tan bajo. Tan suave.

Ella mira otra vez por la ventana. Un perro, otro perro, pasa corriendo, refugiándose de la lluvia.

Par Eugenia Almeida

Eugenia ALMEIDA est née en 1972 à Cordoba, en Argentine, où elle enseigne la littérature et la communication. En 1997 elle a été primée lors du Concurso literario de poesía para autores inéditos, organisé par l’UFR de littérature et théâtre de la Direction de Culture de la Municipalité de Córdoba. Elle écrit de la poésie et a déjà publié deux romans en français aux éditions Métailié. Le premier, L’Autobus (2007), qui obtint le prix Literastur, fut publié et traduit en même temps en Espagne, en Italie, en Grèce et au Portugal. Il paraîtra en septembre en allemand aux éditions Stockmann.

Le deuxième, qui sera publié par Edhasa courant 2010, parut au mois de mars de cette année sous le titre La pièce du fond.

Elle a été en résidence à la Villa Marguerite Yourcenar (France) de mai à juin 2010. La nouvelle « Boîte postale » sera publiée dans l’anthologie Autopista (Autoroute) aux éditions Raíz de dos, Córdoba.

Ivan Salinas réalise actuellement un doctorat en littérature comparée à la Sorbonne nouvelle - Paris III, où il collabore à la revue Trans— de Littérature Générale et Comparée.

Il a été photographe (Harmonies primaires) et éditeur (Punto de Partida N° 147).

Dans le domaine de la traduction, il a traduit de nombreux poètes et romanciers francophones, notamment Henri Michaux, Antoine Volodine, Ivan Alechine (dont il a traduit le livre Tapies et Caries), Jean Echenoz, Jean Rollin, Patrick Deville et Jean-Philippe Toussaint (ces quatre derniers pour l’Anthologie Más allá de la sospecha), et J-M. G. Le Clézio, dont le livre La fiebre, est sorti en août.

Il a préparé et traduit l’anthologie poétique El sendero frugal de Jacques Dupin, qui paraîtra le mois de septembre dans la collection Hotel Ambosmundos, en coédition avec la Sec. Cul. de Puebla.

Il est aussi l’un des coordinateurs de l’atelier d’écriture en espagnol du « Taller de París » qui a lieu à l’Institut Cervantes depuis plusieurs années.

Illustrations d’Esteban De la Mata. Originaire de Mar del Plata, en 2002 il obtient un diplôme en communication sociale à l’Université nationale de La Plata. Il a travaillé comme journaliste à la radio et à la télévision, et comme attaché de presse dans le domaine politique. Il a aussi été professeur, facteur, barman et ouvrier agricole. Il a vécu dans de nombreux endroits (La Plata, Buenos Aires, Patagonie, Brésil, Espagne) et vit actuellement à Bordeaux.