Poemas (vo)

AUNT

La ciudad aluvional

a la que llegan viejos de todas partes,

olor a pelo quemado, aparatos

para respirar.

¡La música del ocaso

en discos compactos y cassettes !

“Cuando eras chico

yo te sacaba desnudo a pasear”.

Ahora presenciamos el triunfo del tiempo,

subimos escaleras de mármol

y ya no estamos seguros de ser el centro del mundo

sino inquilinos de un barrio periférico :

“tengo miedo, no quiero dormir acá”.

El doctor aparece, impasible

su pelo negro brilloso peinado hacia atrás,

masticando chicle y tomándote el pulso.

La vida, a veces, tiene un humor de mierda.

Y dice : “podrías salir un momento

que voy a revisarla”.

Cuatro paredes, un botiquín

y tu cuerpo presocrático sobre la camilla

se cierran tras la hoja de la puerta.

DESPERTARTE

Despertarte a mitad de la noche

y ver en el otro lado de tu cama

a tu mujer llorando

es una experiencia importante.

Quiere decir, entre otras cosas,

que mientras paseabas por los cuartos

iluminados de tu cerebro

algo se estaba gestando cerca tuyo.

Un error con el cual mantenés

una particular relación de intimidad.

Porque aunque no firmemos nada,

ni corramos apurados bajo la lluvia de arroz

pensamos que es para toda la vida

y así seguimos.

Botes, que durante la noche,

quedan amarrados al muelle,

golpeándose entre sí,

según el viento.


POGO

Sentados los cuatro, frente a platos calientes,

necesitamos avanzar. ¿Es esto

lo que quería decir ?

El balcón, a tus espaldas

da sobre un corazón de manzana

donde la luna ilumina techos y cables.

Sacudida por el viento,

la ropa colgada produce aplausos secos

para nadie.

¡Los pensamientos brotan de mi cabeza

como el sudor !

Bajo el cálido cono de luz,

el brillo de los cubiertos

y el tintinear de vasos y botellas

cometimos la estupidez

de recurrir al mito para ordenar el mundo.

“Lo único que podemos hacer

— dice él — es superar a nuestros padres”.

Y yo digo "Sí, sí" y mastico

un pedazo de carne seca.

Nos ponemos tensos. ¿Y ella ?

Devorada por el perro de la maternidad

ya no puede articular palabra.

Deberíamos irnos, pero no podemos.

Pienso en la rutina de los parques,

los besos, los paseos al aire libre,

la oscuridad del cuarto

en el que mis viejos se convirtieron en hermanos.

Los días se apilaron entre algodones

como pastillas en un frasco.

¿Nos van a venir a visitar más seguido ?

¿La pasaron bien ? ¿No te molestó

que te dijera esas cosas ?

"No", digo. El violín finísimo

de un mosquito orbita mi cabeza.

¿Cómo pudo escapar del invierno ?

¿Cómo podremos alguna vez

escapar de este cuadro ?

Distribuimos nuestro tiempo

entre el miedo a la muerte y el miedo

a los demás ; la gramática

incomprensible de una reunión de amigos.

Pongámonos los sacos,

saludémonos, deseémonos suerte

y salgamos a la calle

bajo el abrigo confortable de la psicología.



MIENTRAS ME LAVO LA CARA

Darío, parado, grita y gesticula.

Bajo una frazada marrón

Daniel se ríe y habla de sus novias.

Están borrachos y los que gritan en la cocina,

como diputados, también.

Mi vieja, resucitada,

golpea las ventanas, pidiendo entrar.

Al amanecer, bajo una claridad despiadada ;

cigarrillos, libros desperdigados,

platos con comida.

Camino, despacio, hasta el baño ;

sé que la desgracia está sobre nosotros,

no ahora, tampoco el año próximo,

todavía somos jóvenes, pero eso

se pierde enseguida.

No tenemos nada, pienso,

mientras me lavo la cara,

ni un oficio, ni una herencia,

ni una casa de sólida piedra.

EL PARQUE, A DIFERENTES HORAS

Oscurece, y en el centro del parque se prende

el esqueleto luminoso de la feria.

Días cortos, con un fondo de viento y lluvia

no paran a los visitantes

que estacionan sus autos

sobre las calles laterales.

Como las amistades en cautiverio

de los tours, la gente pasea, habla y se enoja

porque el lago está repleto

de sus propios excrementos

y los patos parecen

sachets a la deriva...

Un sacón negro, 50 pesos.

Camisa floreada, psicodélica, 25.

La prole corre con su nieve artificial

mientras los padres añoran

el verano pasado en el corazón del bronceador.

Recién salidos de la bailanta,

la colonia de jóvenes

se arrastra y se aparea sobre el césped...

“Soy negro -dijiste- soy de raza inferior

para toda la eternidad”.

“vidas insulares”, escribí.

Y todo el tiempo

que tardan las mujeres en vestirse

no fue suficiente para nuestro proyecto :

comer cuando se tiene hambre,

dormir cuando se tiene sueño.

“Recemos — dijiste —

a millones de kilómetros

un salvaje toca su tambor ritual”.

Traduit par Fabian Casas

AUNT

La ville torrentielle

dans laquelle arrivent des vieux de toutes parts

odeur de cheveux brûlés, appareils

respiratoires

La musique du crépuscule

en disques compacts et cassettes !

« Quand tu étais petit,

je t’emmenais te promener tout nu. »

Maintenant nous assistons au triomphe du temps,

nous montons les escaliers de marbre

et nous ne sommes plus sûrs d’être le centre du monde

ou les locataires d’un quartier en périphérie :

« J’ai peur je ne veux pas dormir ici »

Le docteur apparaît, impassible,

ses cheveux noirs brillants peignés en arrière,

mâchant un chewing-gum et te prenant le pouls.

La vie, parfois, a un humour de merde.

Et il dit : « tu pourrais sortir un moment,

je vais l’ausculter »

Quatre murs, une trousse de premiers secours

et ton corps présocratique sur le brancard

se ferment derrière la feuille de la porte.

TE RÉVEILLER

Te réveiller au milieu de la nuit

et voir de l’autre côté du lit

ta femme pleurant

est une expérience importante.

Cela veut dire, entre autres choses

que pendant que tu te promenais dans les pièces

illuminées de ton cerveau

quelque chose était en gestation près de toi.

Une erreur avec laquelle tu entretiens

une relation d’intimité particulière.

Parce que bien que l’on n’ait rien signé

et que l’on n’ait pas couru pressés sous la pluie de riz

on pense que c’est pour toute la vie

et on continue comme ça.

Des barques qui, pendant la nuit,

restent amarrées au quai,

s’entrechoquant,

au gré du vent.


POGO

Assis, tous les quatre, en face d’assiettes chaudes,

nous devons avancer. C’est cela

que tu voulais dire ?

Le balcon, dans ton dos

donne sur le cœur d’un pâté de maisons

où la lune illumine des toits et des câbles.

Secoué par le vent,

le linge étendu fait entendre des applaudissements secs

pour personne.

Les pensées jaillissent de ma tête

comme la sueur !

Sous le chaud cône de lumière,

l’éclat des couverts

et le tintement des verres et des bouteilles,

nous avons commis la bêtise

de recourir au mythe pour ordonner le monde.

« La seule chose que l’on puisse faire

—  dit-il — c’est dépasser nos parents ».

Et moi je dis « Oui, oui » et je mâche

un morceau de viande sèche.

On se raidit. Et elle ?

Dévorée par le chien de la maternité

elle ne peut plus articuler un mot.

On devrait s’en aller, mais on ne peut pas.

Je pense à la routine des parcs,

les baisers, les promenades à l’air libre,

l’obscurité de la chambre

dans laquelle mes parents devinrent des frères.

Les jours s’empilèrent entre des cotons

comme des comprimés dans un flacon.

Vous allez nous rendre visite plus régulièrement ?

Vous vous êtes bien amusés ? Ça ne t’a pas dérangé

que je te dise ces choses ?

« Non », dis-je. Le violon ténu

d’un moustique est en orbite autour de ma tête.

Comment a-t-il pu échapper à l’hiver ?

Comment pourrons-nous un jour

nous échapper de ce tableau ?

Nous partageons notre temps

entre la peur de la mort et la peur

des autres ; la grammaire

incompréhensible d’une réunion d’amis.

Mettons nos vestes

saluons-nous, souhaitons-nous bonne chance

et sortons dans la rue

sous le manteau confortable de la psychologie.



EN ME LAVANT LA FIGURE

Darío, debout, crie et gesticule.

Sous une couverture marron

Daniel rit et parle de ses petites amies.

Ils sont ivres et ceux qui crient dans la cuisine,

comme des députés, aussi.

Ma mère, ressuscitée,

frappe à la fenêtre, demandant à entrer

À l’aube, sous une clarté impitoyable ;

des cigarettes, des livres éparpillés,

des assiettes avec de la nourriture.

Je marche, doucement, jusqu’à la salle de bains ;

je sais que le malheur est sur nous,

pas maintenant, ni l’année prochaine,

nous sommes encore jeunes, mais cela

se perd tout de suite

Nous n’avons rien, je pense,

pendant que je me lave la figure,

pas de métier, ni d’héritage,

pas une maison de pierre solide.

LE PARC, À DES HEURES DIFFÉRENTES

La nuit tombe, et au centre du parc s’allume

le squelette lumineux de la fête foraine.

Des jours courts, sur fond de vent et de pluie

n’arrêtent pas les visiteurs

qui garent leurs voitures

dans les rues latérales.

Comme les amitiés de captivité

des voyages organisés, les gens se promènent, parlent et se mettent en colère

parce que le lac est rempli

de leurs propres excréments

et que les canards ressemblent

à des sacs en plastique à la dérive…

Une grosse veste noire, 50 pesos.

Chemise à fleur, psychédélique, 25.

La marmaille court sous sa neige artificielle

pendant que les parents regrettent

l’été passé à baigner dans l’huile de bronzage.

Tout juste sortie de la discothèque,

la bande de jeunes

rampe et s’apparie sur le gazon…

« Je suis noir — as-tu dit — je suis d’une race inférieure

pour toute l’éternité ».

« Des vies insulaires », ai-je écrit.

Et tout le temps

que les femmes mettent à s’habiller

n’a pas suffit à notre projet :

manger quand on a faim,

dormir quand on a sommeil

« Prions — dis-tu —

à des millions de kilomètres

un sauvage joue sur son tambour rituel ».

Par Pauline Hachette