Remous

Un appel en pleine nuit n’augure jamais rien de bon. Et moins encore lorsqu’en toile de fond on entend des sirènes d’ambulance. Cristobal avait eu un accident de voiture. On l’emmenait à l’hôpital. Je m’habillai rapidement. Les mêmes vêtements posés sur le dossier de la chaise quelques heures auparavant. Je dis au revoir à mon mari en l’embrassant sur le front. Assis dans notre lit, il s’excusait bêtement de ne pouvoir quitter la maison avec nos deux petites filles endormies. Je lui promis d’appeler dès que j’aurais des nouvelles.

La ville silencieuse, les rues qui s’ouvraient comme autant de points de fuite et de lignes obliques. Écouter le ronflement du moteur à chaque feu jusqu’au moment d’arriver à destination. À l’entrée du bâtiment se tenait Javier. Cela faisait des années que nous ne nous étions pas vus. Je n’avais jamais vraiment su pour quelle raison nous avions divorcé. Un médecin calme et impeccable nous attendait. À peine nous étions-nous installés dans l’étroite salle d’attente qu’il nous annonça une fracture de la clavicule et une perforation du foie. Il resta silencieux quelques secondes, le temps de disposer un jeu de radiographies sous une lumière clignotante. Les organes comme de minuscules torches, un monticule fumant de cellules. Le ton de sa voix changea lorsqu’il nous montra le scanner : « Cet épanchement cérébral, c’est ce que nous devons stabiliser de toute urgence ». L’image montrait une énorme tache. « Sous le coup, un vaisseau sanguin de l’encéphale a explosé, et à présent le sang s’épanche dangereusement dans les tissus à l’entour ». Une marée de sang qui assombrissait hémisphères et cavités. J’avais les yeux rivés sur la tache tandis qu’il expliquait le détail des procédures et des scénarios possibles. Les paroles qu’il prononçait au sujet de flux et de caillots sanguins n’étaient qu’un lointain murmure. Lorsqu’il s’arrêta de parler, je continuai de mon côté à fixer les plaques de l’examen, cette ombre opaque, sur le lobe droit. Son regard plein de compassion me dit qu’il devait être père lui aussi et qu’il comprenait notre mutisme. Il nous demanda quelques renseignements importants sur la santé de Cristobal. Maladies graves, confirmation du groupe sanguin, traitements médicaux en cours.

Je demandai à le voir. Il accepta que nous le regardions pendant quelques instants depuis les boxes de l’unité de soins intensifs. Je fus impressionnée par son visage contusionné, son corps traversé de sondes et d’aiguilles, près d’un moniteur plein de chiffres. Je perçus un léger tremblement parcourir ses cils épais et cela suffit à me réconforter quelque peu. Dans le couloir, le médecin nous recommanda, malgré les circonstances, d’essayer de rentrer chez nous. Nous ne pouvions pas rester dans l’unité. La nuit serait longue et l’évolution incertaine et personne ne pourrait s’occuper de nous. Le ronflement des machines, le carrelage froid composaient un paysage désolant. Une femme vêtue d’un gilet rose dormait, épuisée, la bouche ouverte et la nuque appuyée contre le mur en azulejos. J’étais en train de chercher mes clefs de voiture quand Javier me proposa d’aller chez lui, à seulement quelques rues de là. Nous marchâmes en silence à travers une ville déserte.

C’était un petit appartement, chaleureux, bien décoré, dans lequel il devait certainement vivre seul. Tandis qu’il préparait du café, j’éteignis mon téléphone portable. Des piles de disques, des livres rangés au hasard sur des étagères. Sur l’unique console, une vieille photo de Cristobal et Javier sur la plage, tous deux souriants. Un épais tapis me donna envie de rester pieds nus. Je me mis à jouer avec les peluches d’alpaca. Javier tambourinait du bout de ses doigts contre la table basse. Nous ne pouvions pas parler de Cristobal. Nous ne prononcions pas son nom, comme si nous n’étions pas ses parents. Comme si nous étions deux étrangers cherchant à se distraire.

La présence sur la table basse d’un livre que nous avions tous les deux lu fut le point de départ d’une conversation décousue. Chacun de nous se souvenait d’un passage où le personnage principal se déplace seul dans Mexico, cette ville construite sur un lac. Une ville que nous avions parcourue ensemble avant notre mariage et qui maintenant affleurait d’une façon tout à fait inattendue : une tache de terre posée sur une base aqueuse qui menaçait à tout moment de se craqueler. Sans que nous puissions imaginer qu’un jour les vagues de ce lac réduit au silence nous forceraient à prononcer à voix haute ce nom inspiré d’un peuple colonial. À présent le nom désiré n’était qu’une suite de syllabes entrecoupées.

Cristobal ressemblait trop à son père : les pupilles sombres, le visage anguleux, la façon d’arquer les sourcils et le sourire en biais. Nous échangeâmes encore quelques paroles et je ressentis le besoin de l’enlacer. L’entourer avec force, caresser ses cheveux, son visage. Javier était immobile. Et je continuai à voir en lui mon fils, plus âgé, la peau flétrie, comme il serait dans plus de vingt ans s’il survivait à cet accident. J’eus besoin d’embrasser ses lèvres et d’approcher mon corps contre le sien. Troublé, Javier ne bougeait pas, inerte, les bras ballants. Javier, sur le point de prononcer un mot que je fis taire à temps. Je dégrafai un à un les boutons de sa chemise et sentis ses mains entourer ma taille sous ma blouse. Il s’allongea sur le sofa et j’enfouis ma tête dans sa poitrine nue. Ma peau et la sienne se réchauffaient, recréant une époque antérieure, lorsque tout était calme et doux, lorsque nous étions du côté de la vie et pas à sa frontière. Et je me souvins alors de son odeur de bois, je sentis ses muscles fermes et veloutés, je vis ses paupières entrouvertes, ses lèvres brillantes. Il était déjà trop tard, il y avait la salive de l’autre au fond de la gorge, les sueurs s’étaient mélangées et les bouches offertes.

Il parcourait minutieusement mon corps étendu sur le sofa. Je voulais imaginer que la bouche affamée de Javier était celle, enfantine, de Cristobal suçant mes tétons. Des tétons dressés, des seins enflammés pour un nouveau-né qui électrisait veines et auréoles. Un bébé qui avait besoin pour se nourrir des seins gonflés de lait de sa mère. Et sa langue léchait avec urgence, sa bouche se remplissait d’un liquide épais. Mange, dévore l’écume, dis-moi des cochonneries, j’ai besoin que tu te nourrisses de moi, seulement de moi. Je peux te donner toutes les protéines, tous les minéraux, tous les anticorps pour te défendre contre le monde. L’homme, l’enfant, tétant les pointes dressées et se recroquevillant sur le tapis. Tu es le petit veau, qui mord fort, qui comprime les tétines en rythme. Ses yeux sont fermés, son cordon ombilical ouvert. Le long de son menton coule un filet de salive. Les mamelles blanches et rondes veillant sur cette bouche entrouverte. L’enfant est un petit animal sous le thorax de sa mère, qui s’agrippe au creux de sa poitrine lorsque le petit lait gargouille dans son ventre. Rassasié, il passe ses doigts fibreux le long de mon cou, et le regard méditatif se dilue dans un doux et familier massage d’épaules, comme si nous ne nous étions séparés que la veille.

Il arrête, éteint la lumière et se couche nu contre moi, tout naturellement. Nous parlons dans l’obscurité de la pièce en prenant soin d’éviter le nom aux syllabes entrecoupées. En projetant sur le plafond la carte de cette tache de sang qui ravageait continents et tissus. Il me demande si je suis heureuse de ma vie. Je ne réponds pas. Un léger frôlement suffit à mettre en contact d’infimes poils, à ouvrir des pores. Le sang bat dans nos hanches, contre nos tempes. Je sens la douceur de sa peau contre mes cuisses. J’essaie de m’écarter mais il m’enlace avec force. Mon corps se réveille et je me redresse. Trois gouttes de sueurs perlent sur son front. Je me tourne vers la chaîne hi-fi. Il maudit mes bas et remonte ma jupe jusqu’à mes hanches. Je pense aux trous de serrure de ces portes qui ne doivent pas se croiser. Son abdomen contre le mien. Il frictionne, écarte mes genoux et je sens le poids de son sexe. Un courant d’air se faufile et révèle l’infime distance qui nous sépare. « Je ne peux pas, je ne peux pas » dit-il en me tournant le dos, étouffant un sanglot. J’arrête mon regard sur la courbe de sa colonne. La même ride dans son dos.

Qu’est-ce que c’est tout cela. Une antichambre d’émotions, de conversations fébriles dans une serre. « Viens-là mon chéri, avec maman, ce n’est pas encore l’heure de sortir, reste ici, bien au chaud, il n’y a rien qui presse, rien du tout. Reste là où je garde tous mes secrets. Sème de nouvelles graines dans mes entrailles. Laisse-moi sentir ton haleine de tout petit ». Javier frappe à nouveau à l’intérieur de mon ventre. Je ne me lasse pas de le toucher, de m’assurer qu’il est bien là et que rien ne pourrait lui arriver. Je caresse un à un ses cils sombres et recourbés. Et j’entends enfin l’agaçante mélodie du disque qui a tourné toute la nuit.

À présent je fouille ton sexe et tu gémis en attisant une petite étincelle de feu. Le plaisir comme une grande vague grande vague qui emporte rochers et coraux, s’infiltre dans des récifs désolés. Un tourbillon qui étreint mains, jambes et lèvres. Il introduit lentement sa main dans le sillon de mes fesses. Je n’ai plus de culotte, je n’ai plus de honte, je n’ai plus de peine. J’écarte mes jambes et sa langue passe. Et reconnaît le point, la valve du désir. Il n’y a rien comme un amant qui connaît ton corps, qui fraye son chemin sans trébucher ni demander d’autorisation. Qui écrit sur ton sexe un message lisible au lieu de passer son temps à essayer un répertoire de positions. Ne pleure pas, continue, dis-moi que mon sexe a la forme d’une fleur que tu effeuilles. Je veux que tu entres tout entier en moi, pour te garder dans mon utérus, pour que tu puisses naître à nouveau. Et ensuite, t’expulser seulement quand tu n’auras plus ni d’air ni d’espace. J’ouvre la bouche, j’explore intensément avec ma langue joueuse pour renverser l’homme, l’adolescent, l’enfant qui serre son poing et l’écrase contre l’oreiller. Le petit enfant qui va se blottir au centre du lit pour ensuite émettre de légers ronflements. L’enfant bercé par la houle qui le conduit vers les brisants partageant les eaux vives des eaux mortes. Qui lutte contre le ressac tout en remplissant ses poches de calamars, de méduses et d’étoiles de mer.

Lorsque l’ombre du châssis de la fenêtre se dessina sur les rideaux, nous comprîmes que le jour était en train de se lever. Je sortis en courant pour me voir dans la glace de la salle de bain. Je me sentis vieillie, amaigrie. Je ne parvins pas à pleurer, pas même contre le châssis de la porte et je me recroquevillai entre les murs ondulés. Quelque chose, comme un souffle d’air, me murmura des paroles depuis des étagères poussiéreuses, depuis des certitudes bien rangées. Non, tu verras bientôt que cela n’a pas d’importance. Qu’ai-je fait, mais qu’ai-je fait. Oui, mais plein de fois avec plein d’hommes. Je retournai alors vers le lit et il se remit à me toucher, mais d’une main crispée. Il s’était en partie rhabillé. Je sanglotai sur sa chemise humide. Il faut que tu serres plus fort. Ne pleure pas. Je ne pleure pas. Serre ma main. Ne pleure pas. Mais je ne pouvais m’en empêcher en appuyant ma tête contre sa poitrine et en entendant les faibles battements de son cœur. Rien ne t’oblige si tu n’en as pas envie. Fais-moi un autre enfant, s’il te plaît. Tu ne vois pas que la tache avance sur la carte du cerveau. Un visage flou appuyé sur l’oreiller. Oui, je le sais, la marée monte et inonde cavités et tissus. C’est une mer de vaisseaux sanguins éclatés qui ne recule pas. Oui, une marée qui monte, monte et recouvre la plage. C’est à peine si nous pouvons fouler le rivage de sable pour le recueillir. Nous lui faisons des signes depuis la côte mais tu entends tes sentiments résonner comme des coups de tonnerre et passer comme un train à grande vitesse. Mon ombre contre la sienne, une seule ombre. Ma respiration plus lente. Tu penses à lui. Je le sais. C’est de l’eau et du sang, seulement de l’eau qui avance avec la force d’un courant marin. Je regarde du coin de l’œil la photo de Javier et Cristobal et je caresse à distance les grains de sable dorés qui à présent sont des particules s’évanouissant entre les doigts.

Fais-moi un enfant, ordonnai-je. Fais-moi un enfant, insistai-je au cas où tu n’aurais pas entendu la phrase à cause du bruit de la circulation. Sans oser le haïr, mais sans pouvoir lui dire je t’aime. Allons sur la place, il y a quelques balançoires. Tes lèvres tremblent. Tu ne réagis pas. Je fais un rêve, ne te contente pas de le palper, je veux rester tranquille dans ce nid. Tu me regardes avec un air orphelin. Approprie-toi chacun de mes orifices, scelle chacun de mes trous, mais fais-moi un enfant s’il te plaît. Un autre, le même, n’importe lequel, pour me rendre éternelle. Un premier né. Tu l’as déjà fait une fois et ça a été si facile, pourquoi ne pourrais-tu pas le faire à nouveau. Un garçon, fort, tendre, qui aura de bonnes notes, aimera la musique et le sport. Tu vois la tache de sang qui continue à avancer sur le fond abyssal ? Tu entends les faibles battements, l’os qui vient de se rompre en mille éclats ? La clavicule est la poutre transversale qui soutient les muscles supérieurs. Tu as entendu le docteur ? Une hémorragie causée par un traumatisme, un épanchement qui avance dans tout le cerveau, un flux s’interrompt et un groupe de cellules meurt. La rupture d’une artère qui recouvre tout de sang en tuant cellules et tissus.

Nous ne pouvons pas attendre davantage. La tache pourpre, bleutée nous fait naviguer à la dérive dans l’océan de notre fils. C’est pour cette raison que tu soulèves ta jambe et que tu te traînes jusqu’à mon corps et que tu t’enfonces, et que tu t’ouvres un passage jusqu’au pli de mon aine, et que de la buée recouvre les miroirs. Et je te dis viens, plus profond, mon tendre, ne bouge pas, attends, ta bouche aspirant mon nombril, peignant ma colonne duveteuse, ta salive se dessinant un chemin. Colle-toi à moi comme un poulpe résistant au naufrage. Le bourdonnement des corps, les pulsations martelant un bassin sourd à la rumeur des crustacés. Des cellules et des tissus enchevêtrés comme des algues vertes flottant dans l’eau. Le réseau de veines et d’artères secouées par des ondes ascendantes et descendantes dans cette mer de liquide amniotique. Écris la phrase, c’est tout ce que je te demande. Et lui se décide à vider sa peine dans un archipel rempli de cristaux de sel. Pendant un instant, je crois t’aimer, mais c’est une sensation éphémère comme une vague. Une masse d’eau qui croît puissamment mais qui ensuite se rétrécit, explose et cesse d’exister. Une barque expulsée vers les origines. Une couche de placenta dont la superficie bat. Javier gémissait sans verser de larme. La misère muette existant sous le soleil. Tes cheveux sont trempés, tes doigts mouillés, tes joues humides, tes lèvres gonflées de sang et tu as des yeux de tempête. Et tu me donnes la tétée avec tes petits mamelons d’homme. D’infimes boutons, durcis ; pauvre de moi, chiot, escargot enfermé dans sa coquille pour ne pas entendre le rugissement de la mer.

Derrière la vitre, je regardais les dernières lueurs de l’éclairage public. De gauche à droite coulaient corniche et façade. Derrière, l’immeuble en briques. La tyrannie des lignes droites imposée par les urbanistes commençait à se détacher. Les bulldozers des chantiers de construction se réveillaient en émettant de monotones vibrations. La ville nous renvoyait à la réalité : un fils de dix-huit ans en danger de mort. Deux parents entrant dans un hôpital à la première heure du jour comme prêts à l’abordage d’une embarcation. L’édifice blanc comme une porte en marbre. Mais il n’y a pas de capitaine, à la place, un médecin portant un tablier vert vient à notre rencontre. Un poumon qui se réveille, un faible souffle et aucun nom. Nous amène-t-il notre fils qui vient de naître ? Ce petit poisson espiègle qui flottait dans mon ventre ? Docteur, l’accouchement a-t-il été normal ou par césarienne ? L’enfant s’est-il présenté par la tête ou par le siège ? Qui a coupé le cordon ombilical ? Combien pèse-t-il ? Combien mesure-t-il ? Quel est son score d’Apgar ? Un petit garçon aux jambes potelées et aux larmes sèches. Mais non. Un médecin qui s’approche les mains vides. Un médecin qui enlève son bonnet chirurgical. Un médecin qui passe sa main sur son front en sueur. Un médecin la tête basse et les cheveux en bataille. Un long couloir qui se resserre comme l’artère du cerveau.

Et la femme au gilet rose est réveillée et elle veille comme un caillot qui s’élance pour bloquer le flot sanguin. Un caillot qui était accroché à l’utérus et qui maintenant se détache et roule sur le carrelage. Une femme vêtue d’un gilet rose se lève brusquement de son siège et nous intercepte. Elle nous parle depuis son encéphale, oxygénant sa requête à partir de sa nuque pour nous demander si Cristobal est donneur. La bulle qui éclate et laisse le cerveau dans une triple obscurité. Et une gigantesque vague, crête, lame, coup de mer et ressac recouvre d’écume le bout de nos chaussures.

Traduit par Gersende Camenen

Nada bueno puede augurar un llamado a medianoche. Y que de fondo se escuchen sirenas de ambulancia. Cristóbal había tenido un accidente automovilístico. Lo llevaban al hospital. Me vestí rápido. La misma ropa tendida en el respaldo de la silla dejada hace unas horas atrás. Me despedí de mi marido con un beso en la frente. Sentado en la cama se disculpaba absurdamente por no poder dejar la casa con nuestras dos hijas pequeñas dormidas. Prometí llamar en cuanto tuviera novedades.

La ciudad silenciosa, las calles que se abrían como puntos de fugas y líneas oblicuas. Escuchar el rumor del auto en cada semáforo hasta llegar a destino. A la entrada del recinto estaba Javier. No nos veíamos hace años. Nunca supe bien por qué nos divorciamos. Un médico pulcro y pausado nos esperaba. Apenas nos sentamos en el estrecho cubículo nos informó acerca de una fractura de clavícula, una perforación al hígado. Calló unos segundos mientras colocaba un par de radiografías bajo una luz titilante. Los órganos como diminutas antorchas, un monte humeante de células. Cambió el tono de su voz cuando exhibió el escáner: «Este derrame cerebral es lo que debemos estabilizar en forma urgente». La imagen proyectaba una enorme mancha. “Con el golpe un vaso sanguíneo del encéfalo se reventó, y la sangre críticamente se derrama en los tejidos circundantes Una marea de sangre que oscurecía hemisferios y cavidades. Yo sólo miraba la mancha mientras él detallaba procedimientos y posibles escenarios. Sus palabras en torno a flujos y coágulos eran un murmullo lejano. Cuando dejó de hablar yo seguía detenida en las placas del examen, en esa sombra oscura en su cráneo, sobre el lóbulo derecho. Por su mirada compasiva imaginé que también era padre y entendía nuestro mutismo. Nos pidió algunas informaciones sobre la salud de Cristóbal. Enfermedades importantes, confirmar el grupo sanguíneo, uso de medicamentos.

Le pedí verlo. Accedió a que lo contempláramos unos instantes desde los box de la unidad de cuidados intensivos. Me impactó su rostro magullado, el cuerpo intervenido por sondas, agujas y un monitor lleno de números. Distinguí un leve temblor en sus tupidas pestañas y eso me reconfortó un poco. En el pasillo, el médico nos pidió que pese a lo angustiante de las circunstancias intentáramos ir a casa. No podíamos estar en el piso. La noche sería crítica en su evolución y nadie podría atendernos. El zumbido de las máquinas, la frialdad de las baldosas eran un paisaje desolador. Una mujer de chaleco rosado dormía exhausta con la boca abierta y la nuca apoyada en la pared de azulejos. Cuando estaba sacando las llaves del auto Javier me sugirió ir a su casa a sólo un par de cuadras. Caminamos en silencio por una ciudad vacía.

Era un apartamento pequeño, cálido, bien decorado, en el que sin duda vivía solo. Mientras preparaba café apagué el celular. Discos apilados, libros irregularmente dispuestos en estantes. En la única repisa, una foto antigua de Cristóbal y Javier en la playa, ambos sonriendo. Una tupida alfombra me hizo sentir ganas de quedar descalza. Yo jugaba con las pelusas de alpaca. Javier tamborileaba sus dedos contra la mesa de centro. No podíamos hablar de Cristóbal. No pronunciábamos su nombre, como si no fuéramos sus padres. Como si fuéramos dos extraños intentando distraernos.

La lectura de un libro común que estaba sobre la mesa fue el punto de partida de una deshilvanada conversación. Ambos recordábamos con fascinación un pasaje del protagonista viajando solo por Ciudad de México, esa ciudad construida sobre un lago. Una ciudad que habíamos recorrido de novios y que ahora afloraba de modo inesperado: una mancha de tierra sobre una base acuosa que en cualquier momento se resquebrajaba. No creyendo que alguna vez las olas de ese lago silenciado nos amenazarían con pronunciar letra a letra ese nombre sugerido por un pueblo colonial. Ahora el nombre anhelado era un conjunto de sílabas entrecortadas.

Cristóbal se parecía demasiado a su padre: las pupilas oscuras, el rostro anguloso, la forma de arquear las cejas y la sonrisa ladeada. Hablamos un par más de cosas y necesité abrazarlo. Rodearlo con fuerza, acariciar su cabello, su cara. Javier estaba inmóvil. Y yo seguí viendo en él a mi hijo, más anciano, con la piel ajada, como sería en veinte años más si lograba sobrevivir a este accidente. Necesité besar sus labios y acercar mi cuerpo al suyo. Javier confundido seguía inerte con sus brazos caídos. Javier a punto de decir una palabra que acallé a tiempo. Desabroché uno a uno los botones de su camisa y sentí sus manos rodeando mi cintura debajo de la blusa. Se recostó sobre el sofá y hundí mi cabeza en su pecho desnudo. Mi piel y la suya se entibiaban, recreaban un tiempo anterior, cuando todo era calmado y dulce, cuando estábamos del lado de la vida y no en su frontera. Y recordé su olor a madera, y sentí su musculatura firme y aterciopelada, y vi sus párpados entre abiertos, sus labios brillantes. Ya era tarde para cuando había saliva ajena en la garganta, sudores mezclados y bocas entregadas.

En forma minuciosa recorría mi cuerpo extendido sobre el sofá cama. Quería pensar que la boca hambrienta de Javier era la boca infantil de Cristóbal succionando mis pezones. Pezones erectos, pechos inflamados para un neonato que electrizaba aureolas y venas. Un bebé que necesitaba alimentarse de los senos colmados de leche de su madre. Y su lengua lamía azuzante y su boca se llenaba de un líquido espeso. Come, devora la espuma, dime sucias palabras, necesito que te alimentes de mí, sólo de mí. Te puedo dar todas las proteínas, todos los minerales, todos los anticuerpos para defenderte del mundo. El hombre, el niño, sorbiendo las puntas y arremolinándose en la alfombra. Eres el pequeño ternero, que muerde fuerte, que comprime las tetillas con ritmo. Sus ojos están cerrados, su cordón umbilical abierto. Por la barbilla le corre un hilo de saliva. Las ubres blancas y redondas atentas a esa boca semiabierta. El niño es un pequeño animal bajo el tórax de su madre, que se aferra al hueco de sus axilas mientras gorgotea crema. Ha saciado el apetito y pasa sus fibrosos dedos por mi cuello, y la mirada cabizbaja se diluye en un dulce y familiar masaje de hombros como si nos hubiésemos separado la víspera.

Se para y apaga la luz y se acuesta desnudo junto a mí con naturalidad. Hablamos en la oscuridad de la habitación evitando el nombre de sílabas entrecortadas. Proyectando en el techo el mapa de esa mancha de sangre que arrasaba con continentes y tejidos. Me pregunta si llevo una vida feliz. No contesto. Basta un mínimo roce para conectar delgados vellos, abrir poros. Laten las caderas, laten las sienes. Siento la suavidad de su piel en mis muslos. Intento separarme pero me abraza con fuerza. Mi cuerpo despierta y me incorporo. Él tiene tres gotas de sudor en la frente. Giro en torno a la música del equipo. Maldice las medias y sube la falda hasta las caderas. Pienso en los agujeros de las cerraduras de esas puertas que no deben cruzarse. Su abdomen sobre el mío. Fricciona, separa mis rodillas y siento el peso de sus genitales. Una corriente de aire se cuela y evidencia la ínfima distancia que hay entre ambos. «No puedo, no puedo» dice dándome la espalda, ahogando un suspiro. Me detengo en el repliegue de su columna. Y es la misma arruga en la espalda.

Qué es todo esto. Un vestíbulo de emociones, conversaciones febriles dentro de un invernadero. «Ven aquí chiquitito, con mamá, no es momento de salir todavía, está calientito acá, no hay prisa, no hay. Quédate donde guardo todos mis secretos. Siembra nuevas semillas en mis entrañas. Déjame oler tu aliento de cría». Javier golpea otra vez contra mi vientre. No me canso de tocarlo, de cerciorarme que está aquí y que nada podría pasarle. Acaricio una a una sus oscuras y onduladas pestañas. Y me doy cuenta de la enervante melodía del disco que ha sonado repetidamente toda la noche.

Ahora yo hurgo en tu sexo y gimes atizando una pequeña chispa de fuego. El placer como un gran oleaje que arrasa con rocas y corales, que se infiltra por desesperanzados arrecifes. Un remolino que estremece manos, piernas y labios. Introduce suave su mano en el surco de las nalgas. Ya no tengo bragas, ya no tengo vergüenza, ya no tengo pena. Abro las piernas y su lengua pasa. Reconoce el punto, la válvula del deseo. Nada como un amante que conoce tu cuerpo, que no anda a tropezones y pidiendo permiso. Que escribe en tu sexo un mensaje con letra legible y no se dedica a un ensayo de posiciones. No sollozes, sigue, dí que mi sexo tiene la forma de una flor que ahora deshojas. Quiero que entres completo en mí, para albergarte en mi útero, para que nazcas de nuevo. Y luego, expulsarte sólo cuando ya no tengas espacio ni aire. Abro la boca, exploro a fondo con la juguetona lengua para derribar al hombre, al joven, al infante que aprieta su puño contra la almohada. Al pequeño niño que se va a acurrucar en medio de la cama para luego emitir leves ronquidos. El niño que se mece en la marejada que lo lleva a la rompiente que separa las aguas vivas de las aguas muertas. Que lucha contra la resaca mientras se llena los bolsillos de calamares, medusas y estrellas.

Cuando la sombra del marco de la ventana se proyecta sobre las cortinas, sabemos que está amaneciendo. Salí corriendo a verme en el espejo del baño. Me sentí envejecida, demacrada. No pude llorar ni siguiera en el marco de la puerta y me encogí entre las paredes onduladas. Algo como un hálito de aire me susurró palabras desde polvorientos estantes, desde ordenadas certidumbres. No, ya verás como no importa. Qué he hecho qué. Sí, pero muchísimas veces con muchísimos hombres. Entonces regresé a la cama y volvió a tocarme, pero con la mano crispada. Estaba a medio vestir. Yo sollozaba sobre su camisa húmeda. Tendrás que apretar más fuerte. No llores. No estoy llorando. Aprieta mi mano. No llores. Pero no podía evitarlo al apoyar mi cabeza sobre su pecho y escuchar los débiles latidos de su corazón. No tienes por qué si no quieres. Hazme otro hijo, por favor. No vez cómo avanza la mancha en el mapa cerebral. Un rostro difuso apoyado sobre la almohada. Sí, lo sé, sube la marea e inunda cavidades y tejidos. Es un mar de vasos sanguíneos estallados que no retrocede. Sí, una marea que sube y sube y reviste la playa. Apenas podemos pisar la orilla de la arena para recogerlo. Le hacemos señas desde la costa pero oyes tus sentimientos retumbar como truenos y pasar como un tren expreso. Mi sombra contra la sombra de él, una sola sombra. Mi respiración más lenta. Estás pensando en él. Lo sé. Es agua y sangre, sólo agua que avanza con la fuerza de la corriente oceánica. Miro de reojo la foto de Javier y Cristóbal y acaricio a la distancia los dorados granos de arena que ahora son partículas que se desvanecen entre los dedos.

Hazme un hijo, sentencié. Hazme un hijo, insistí en el caso que no hubieses escuchado la frase a causa del sonido del tráfico. Sin atreverme a odiarlo, pero sin poder decir te amo. Salgamos a la plaza, hay un par de columpios. Tus labios tiemblan. No reaccionas. Tengo un sueño, no sólo lo palpes, quiero quedarme detenida en este nido. Me miras huérfano. Aprópiate de cada orificio, sella cada agujero, pero hazme un hijo por favor. Otro, el mismo, cualquiera, para eternizarme. Un primogénito. Ya lo hiciste una vez y fue tan fácil, cómo no vas a poder de nuevo. Un hijo varoncito, fuerte, tierno, que saque buenas notas, que le guste la música y el deporte. ¿Ves la mancha de sangre que sigue avanzando por el fondo abisal? ¿Escuchas los débiles latidos, cómo se termina de trizar el hueso en miles de astillas? La clavícula es la viga transversal que sostiene los músculos superiores. ¿Escuchaste al doctor? Una hemorragia por traumatismo, un derrame que avanza por el cerebro, un flujo se interrumpe y un grupo de células se muere. La ruptura de una arteria que cubre todo de sangre matando células y tejidos.

No podemos esperar más. La mancha purpúrea, azulada nos hace navegar extraviados en el mismo océano de nuestro hijo. Por eso levantas la pierna y te arrastras hacia mi cuerpo y te hundes, y te abres paso hasta la ingle y los espejos se empañan. Y te digo ven, más adentro precioso, no te muevas, espera, la boca aspirando el ombligo, peinando la columna de vellos, la saliva dibujando un camino. Fíjate en mí como un pulpo soportando el naufragio. El zumbido de los cuerpos, las pulsaciones enclavadas en una pelvis sorda al rumor de los crustáceos. Células y tejidos entrelazados como algas verdes que flotan en el agua. La red de arterias y venas estremecidas en ondas ascendentes y descendentes en este mar de líquido amniótico. Escribe la frase, sólo eso te pido. Y él se anima a vaciar su pena en un archipiélago atiborrado de cristales de sal. Por un instante pienso que te amo, pero es una sensación efímera como una ola. Una masa de agua que crece con fuerza pero luego se recoge, estalla y ya no existe. Una barca expulsada a los orígenes. Una capa de placenta latiendo desde su primera superficie. Javier gemía sin lágrimas. La muda miseria existente bajo el sol. Tienes el pelo empapado, los dedos mojados, las mejillas húmedas, los labios inflamados, ojos de tormenta. Y me das de mamar desde tus pequeños pezones de hombre. Botones mínimos, endurecidos; pobre cachorra de mí, caracol encerrado en su concha para no oír el rugido del mar.

Desde la ventana veía los fuegos fatuos del alumbrado público. De izquierda a derecha fluían cornisa y fachada. Atrás quedaba el edificio de ladrillos. Asomaba la tiranía de la línea recta de los urbanistas. Las máquinas bulldozers de las construcciones despertando en monótonas vibraciones. La ciudad nos devolvía a la realidad: un hijo de dieciocho años en peligro de muerte. Dos padres entrando a un hospital a primera hora de la mañana como si fuéramos a abordar una embarcación. El edificio blanco como un puerto de mármol. Pero no hay capitán sino un doctor con delantal verde caminando hacia nosotros. Un pulmón despertando, un débil aliento y ningún nombre. ¿Trae a nuestro hijo recién nacido en brazos? ¿A ese travieso pececito que flotaba en mi vientre? ¿Doctor, fue parto normal o cesárea? ¿Venía de cabeza o de nalgas? ¿Quién cortó el hilo umbilical?, ¿Cuánto pesó? ¿Cuánto midió? ¿Qué nota obtuvo en la escala Apgar? Un varoncito de piernas rollizas y lágrimas secas. Pero no. Un médico con las manos vacías. Un médico que se desanuda la gorra quirúrgica. Un médico que se pasa la mano por la frente sudada. Un médico con la cabeza gacha y el pelo desordenado. Un largo pasillo que se estrecha como una arteria del cerebro.

Y la mujer del chaleco rosado está despierta y vigilante como un coágulo que se lanza a obstruir el torrente sanguíneo. Un coágulo que colgaba del útero y ahora se desliza y rueda por las baldosas. Una mujer de chaleco rosado se levanta brusco del asiento y nos intercepta. Nos habla desde el encéfalo, oxigenando su petición desde la nuca para preguntar si Cristóbal es donante. La burbuja que estalla y deja el cerebro en una oscuridad triple. Y una ola gigante, cresta, onda rompiente, embate y resaca nos cubre con espuma la punta de los zapatos.

Par Andrea Jeftanovic

Andrea Jeftanovic (Santiago de Chile, 1970), a étudié la sociologie à la P. Universidad Católica du Chili et obtenu le diplôme de docteur en Littérature hispanique à l’Université de Californie, Berkeley. Elle a publié les romans Escenario de guerra, (Scénario de guerre), Alfaguara, 2000 et Geografía de la Lengua (Géographie de la Langue), Uqbar, 2007, ainsi que le livre de mémoires et entretiens Conversaciones con Isidora Aguirre, Southern Frontier, 2008. Son premier livre, Escenario de guerra, qui sera réédité en 2010 en Espagne par les Ediciones Baladí, a remporté le premier prix du concours Gabriela Mistral ainsi que le prix du meilleur roman publié en 2001, octroyé par le Consejo Nacional de la Cultura y de las Artes [Conseil National pour la Culture et les Arts] du Chili.

Ses nouvelles ont été éditées dans des publications diverses, au Chili ou à l’étranger, comme El futuro no es nuestro (L’avenir ne nous appartient pas), Cuentos urbanos (Récits urbains), En Español (En espagnol). Elle publié aussi des essais, notamment sur le théâtre et la forme narrative dans des revues spécialisées.

En tant qu’auteur elle a bénéficié de bourses à la création et de séjours de création, et a été invitée à des rencontres littéraires en Amérique-Latine, aux États-Unis et en Europe.

Actuellement elle termine un recueil de nouvelles Piezas en fuga (Pièces de fuite), et un livre de chroniques de voyage.

Son site

Gersende Camenen : Titulaire d’un doctorat en littérature latino-américaine (Université Paris VIII) , elle enseigne à l’Université de Paris XII et a traduit des essais et des nouvelles publiées dans la NRF.

Les illustrations de l’atelier Hispanophonie sont de Jerónimo López Ramírez, dit “Dr. Lakra”, Mexico, 1972. Il vit et travaille entre Mexico et la ville d’Oaxaca, au Mexique.

Performance en ligne, septembre 2008

Il est représenté par la Galerie Mexicaine Kurimanzutto