Le pain de la mélancolie

Je le vois nettement. Un garçon de trois ans. Il s’est endormi sur un sac de farine vide, dans la cour du moulin. Un lourd scarabée bourdonnant vole bas au-dessus de lui et lui dérobe son sommeil.

Le garçon se contente d’entrouvrir légèrement les yeux, il a encore envie de dormir, il ne sait pas où il est...

J’entrouvre légèrement les yeux, j’ai encore envie de dormir, je ne sais pas où je suis. Quelque part dans le no man’s land entre le sommeil et le jour. C’est l’après-midi, cette intemporalité, justement, de fin d’après-midi. Fracas régulier du moulin. L’air est saturé de fines poussières de farine, légère démangeaison de la peau, bâillement, étirement. On entend la voix de gens qui parlent, paisible, monotone, soporifique. Quelques charrettes sont àl’arrêt, dételées, àmoitié remplies de sacs, tout est recouvert de cette poussière blanche. Un âne paît non loin de là, la patte attachée àune chaîne.

Peu àpeu, le sommeil s’est retiré totalement. Ils sont arrivés au moulin ce matin, alors qu’il faisait encore nuit, avec sa mère et trois de ses sÅ“urs. Il voulait aider avec les sacs, mais on ne le lui a pas permis. Ensuite, il s’est endormi. Elles sont sûrement prêtes, maintenant, elles auront tout fait sans lui. Il se lève et regarde autour de lui. On ne les voit pas. Ce sont les premiers pas de la peur, encore imperceptibles, tranquilles, une supposition seulement, immédiatement rejetée. Il ne les voit pas, mais elles sont sûrement àl’intérieur, ou de l’autre côté du moulin, ou bien encore elles dorment sous la charrette, àl’ombre.

La charrette n’est pas lànon plus. Cette charrette peinte en bleu ciel avec son coq dessiné àl’arrière.

C’est alors que la peur déferle et le remplit, comme lorsqu’ils vont remplir la petite cruche àla fontaine, l’eau s’élève, chasse l’air et déborde. Le jet de la peur est bien trop fort pour son corps de trois ans qui se remplit très vite et qui manque bientôt d’air. Il ne peut même pas éclater en sanglots. Pour pleurer, il faut de l’air, pleurer, c’est expirer longuement et bruyamment la peur. Mais il y a encore de l’espoir. J’entre en courant dans le moulin, le bruit est très fort, les mouvements saccadés, deux géants blancs versent du grain dans la gueule du moulin, tout est enveloppé d’un brouillard blanc, les énormes toiles d’araignée dans les coins sont lourdes de farine, un rayon de soleil se faufile àtravers les hautes fenêtres brisées et, tout le long de ce rayon, on peut voir les particules de poussière mener un combat de Titans. La mère n’est pas là. Ni aucune des sÅ“urs. Un homme costaud, plié sous le poids du sac, manque de le renverser. On le réprimande et lui demande de sortir, il gêne.

Maman ?

Le premier cri, qui n’en est même pas un, se termine par un point d’interrogation.

Mamaan ?

Le dernier « an » est allongé avec le désespoir qui croît.

Mamaaan... Mamaaaaaaaan...

La question a disparu. Désespérance et fureur, une miette de fureur. Qu’y a-t-il encore dedans. L’incrédulité. Comment ça ? Les mères n’abandonnent pas leurs enfants. Ce n’est pas juste. Ça n’arrive pas. « Abandonné » est le mot qu’il ne connaît pas encore. Que je ne connais pas. L’absence de mot n’enlève pas la peur, au contraire, elle en accumule davantage, la rend encore plus intolérable, écrasante. Les larmes viennent, c’est leur tour maintenant, l’unique réconfort. Au moins, il peut pleurer, la peur s’est libérée, la cruche de la peur a débordé. Les larmes jaillissent sur ses joues, sur mes joues, elles se mêlent àla poussière de farine sur le visage, eau, sel et farine, et pétrissent le premier pain de la douleur. Le pain qui ne finit jamais. Le pain de la mélancolie, qui nous nourrira durant toutes les années àvenir. Son goût salé sur les lèvres. Grand-père déglutit. Je déglutis moi aussi. Nous avons trois ans.

Au même moment, une charrette bleu clair avec un coq àl’arrière soulève de la poussière en s’éloignant du moulin.

On est en 1917. La femme qui conduit la charrette bleu clair a vingt-huit ans. Huit enfants. Tous affirment qu’elle était grande, blanche de peau et belle. Son prénom le confirme aussi. Kala. Même si, àcette époque, il est peu probable que l’on ait tiré son sens du grec : belle. Kala et c’est tout. Un nom. C’est la guerre. La Grande Guerre, comme on dit, touche àsa fin. Et, comme toujours, nous sommes du côté des perdants. Le père de mon grand-père de trois ans est quelque part au front. Il fait la guerre depuis 1912 . Depuis quelques mois, on est sans nouvelles de lui. Il rentre pour quelques jours, fait un enfant et repart. N’ont-ils pas obéi àun ordre durant ces permissions. La guerre se durcit, il faudra des soldats. Il n’a guère de succès avec les futurs soldats, il ne naît que des filles : pas moins de sept. Lorsqu’il revient dans sa division, on doit sûrement le mettre aux arrêts pour chacune d’elles.
Il ne reste plus rien des quelques pièces d’argent cachées en cas de besoin, la grange a été vidée, la femme a vendu ce qui pouvait l’être : le lit àressort et àtête en métal, rare en ces temps, ses deux tresses, les pendars de ses noces. Les enfants hurlent, affamés. Il ne reste qu’un veau et un âne qui tire la charrette en ce moment. Avec le veau, elle s’efforce de labourer. L’automne va vers l’hiver. Elle a réussi àquémander quelques ballots de grain et maintenant, elle rentre du moulin avec trois sacs de farine. Ses filles dorment dans la charrette, entre les sacs. Elles s’arrêtent au milieu du chemin pour que l’âne puisse se reposer.

— Maman, on a oublié Guéorgui.

La voix effrayée provient de derrière son dos – Dana, l’aînée.

Silence.

Silence.

Silence.

Un silence épais et pesant. Un silence et un secret qui se transmettra plus tard, année après année. Que fait la mère, pourquoi se tait-elle, pourquoi ne force-t-elle pas la charrette àfaire immédiatement demi-tour et àgaloper vers le moulin.

C’est la guerre, les gens sont des êtres humains, ils ne laisseront pas un enfant de trois ans tout seul. C’est un garçon, quelqu’un le prendra, s’en occupera, il y a des femmes stériles avides d’enfants, il aura plus de chance. Ce sont des mots que j’essaie de trouver dans ses pensées. Mais là, il n’y a qu’un silence.

On l’a oublié, on l’a oublié, répète la fille dans son dos àtravers ses larmes. Peu importe si le mot est différent : on l’a abandonné.

Encore une longue minute qui passe. J’imagine le visage de ceux qui ne sont pas encore nés, de cette minute ils jettent un regard furtif et retiennent leur souffle. Les voici, qui se montrent àtravers la palissade du temps, mon père, ma tante, l’autre tante, voici mon frère, me voici moi aussi, voici ma fille qui se hausse sur la pointe des pieds. C’est de cette minute et du silence de la jeune femme que dépend leur, notre, apparition au fil des ans. La femme soupçonne-t-elle tout ce qui est en train de se résoudre en ce moment. Enfin, elle lève la tête, comme si elle se réveillait, revient làoù elle est et regarde autour d’elle. La plaine de Thrace infinie, des chaumes brûlés, la lumière changeante du couchant, l’âne qui broute des herbes desséchées, indifférent àtout, les trois sacs qui finiront au beau milieu de l’hiver, trois de ses six filles qui attendent ce qu’elle va dire.

Le péché est déjàaccompli, elle a hésité un instant.

Elle a pensé, ne serait-ce qu’une minute, l’abandonner. Elle a la voix sèche. Si tu veux, tu peux y retourner. C’est adressé àDana, la plus grande, qui a treize ans. La décision est rejetée sur un autre. Elle ne dit pas « on va retourner », elle ne dit pas « retourne là-bas », elle ne bouge pas. Et pourtant, mon grand-père de trois ans a encore une chance. Dana saute de la charrette et court sur le chemin noir.

Nous, qui regardons àtravers la palissade de cette minute, encore pas nés, nous rentrons la tête et poussons un soupir de soulagement.

Le soir tombe, le moulin est demeuré des kilomètres en arrière. Une fillette de treize ans court sur le chemin noir, pieds nus, la brise vespérale déploie sa robe. Tout est vide alentour, elle court pour épuiser sa propre peur, la prendre àla gorge. Elle ne regarde pas sur les côtés, chaque buisson ressemble àun homme tapi, toutes les histoires terribles qu’elle a écoutées le soir, de bandits, loups-garous, dragons, mauvais génies et loups courent par meutes entières sur ses talons. Si elle se retourne, ils vont lui sauter sur le dos.

Je cours, je cours, je cours en ce soir de septembre encore tiède, seul au beau milieu d’un champ, sur la boue séchée du chemin, que je sens de plus en plus fortement sous mes pas, mon cÅ“ur cogne dans ma poitrine, là-bas, quelqu’un est accroupi au bord du chemin, mais pourquoi il a le bras bizarrement tordu vers le haut, ah, c’est un buisson... Voici, au loin, les premières lumières du moulin... C’est làque doit être mon frère... grand-père... moi âgé de trois ans.

La mère, qui est aussi mon arrière-grand-mère, a vécu quatre vingt treize ans, passant de la fin d’un siècle àcelle d’un autre, elle faisait partie de mon enfance. Ses enfants ont grandi, ils se sont dispersés, l’ont quittée, ont vieilli. Seul l’un d’entre eux ne s’est jamais séparé d’elle et a continué às’occuper d’elle jusqu’àsa mort. Le garçon oublié. L’histoire du moulin était entrée dans les secrets de la chronique familiale, tous la chuchotaient, qui avec compassion àl’égard de grand-mère Kala et en témoignage de ces temps terribles, qui pour plaisanter, qui d’un ton ouvertement accusateur, comme ma grand-mère. Mais personne ne la racontait devant grand-père. Lui non plus n’y a jamais fait allusion. Et il ne s’est pas séparé de sa mère.

Ironie tragique comme on n’en trouve habituellement que dans les mythes. Lorsque l’histoire est parvenue jusqu’àmoi, cet après-midi-là, l’héroïne principale n’était plus là. Je me rappelle avoir tout d’abord éprouvé de la fureur et de l’incrédulité, comme si c’était moi que l’on avait abandonné. Pour la énième fois j’ai douté de la justice universelle. Cette femme a vécu jusqu’àun âge très avancé entourée des soins de ce garçon de trois ans naguère abandonné. Mais peut-être est-ce justement cela le châtiment. Vivre aussi longtemps et avoir chaque jour àses côtés cet enfant. L’abandonné.

Traduit par Marie Vrinat-Nikolov

Виждам го Ñ Ñ Ð½Ð¾. Едно момче на три. Ð—Ð°Ñ Ð¿Ð°Ð»Ð¾ е върху празен чувал от брашно, в двора на мелницата. Ð Ñ ÐºÐ°ÐºÑŠÐ² тежък бръмчащ бръмбар минава Ð½Ð¸Ñ ÐºÐ¾ над него и му открадва Ñ ÑŠÐ½Ñ .

Момчето Ñ Ð°Ð¼Ð¾ открехва леко очите Ñ Ð¸, Ñ Ð¿Ð¸ му Ñ Ðµ още, не знае къде е...

Само открехвам леко очите Ñ Ð¸, Ñ Ð¿Ð¸ ми Ñ Ðµ още, не знам къде Ñ ÑŠÐ¼. Ð Ñ ÐºÑŠÐ´Ðµ в Ð½Ð¸Ñ‡Ð¸Ñ Ñ‚Ð° Ð·ÐµÐ¼Ñ Ð¼ÐµÐ¶Ð´Ñƒ Ñ ÑŠÐ½Ñ Ð¸ Ð´ÐµÐ½Ñ . Следобед е, точно онова безвремие на ÐºÑŠÑ Ð½Ð¸Ñ Ñ Ð»ÐµÐ´Ð¾Ð±ÐµÐ´. Равномерното бумтене на мелницата. Въздухът е пълен Ñ Ð¼Ð°Ð»ÐºÐ¸ прашинки брашно, лек Ñ ÑŠÑ€Ð±ÐµÐ¶ по кожата, Ð¿Ñ€Ð¾Ð·Ñ Ð²ÐºÐ°, Ð¿Ñ€Ð¾Ñ‚Ñ Ð³Ð°Ð½Ðµ. Чува Ñ Ðµ говор на хора, Ñ Ð¿Ð¾ÐºÐ¾ÐµÐ½, монотонен, ÑƒÐ½Ð°Ñ Ñ Ñ‰. Ð Ñ ÐºÐ¾Ð»ÐºÐ¾ каруци Ñ Ñ‚Ð¾Ñ Ñ‚ разпрегнати, до половината Ñ Ð° пълни Ñ Ñ‡ÑƒÐ²Ð°Ð»Ð¸, Ð²Ñ Ð¸Ñ‡ÐºÐ¾ е Ð¿Ð¾Ñ Ð¸Ð¿Ð°Ð½Ð¾ Ñ Ñ‚Ð¾Ð·Ð¸ Ð±Ñ Ð» прах. Едно магаре Ð¿Ð°Ñ Ðµ наблизо, кракът му е вързан Ñ ÑŠÑ Ñ Ð¸Ð½Ð´Ð¶Ð¸Ñ€.

ÐŸÐ¾Ñ Ñ‚ÐµÐ¿ÐµÐ½Ð½Ð¾ Ñ ÑŠÐ½Ñ Ñ‚ Ñ Ðµ е оттеглил напълно. Ð”Ð½ÐµÑ Ð¿Ð¾ тъмно Ñ ÑƒÑ‚Ñ€Ð¸Ð½Ñ‚Ð° дойдоха на мелницата Ñ Ð¼Ð°Ð¹ÐºÐ° му и три от Ñ ÐµÑ Ñ‚Ñ€Ð¸Ñ‚Ðµ му. Той Ð¸Ñ ÐºÐ°ÑˆÐµ да помага Ñ Ñ‡ÑƒÐ²Ð°Ð»Ð¸Ñ‚Ðµ, но не му дадоха. ÐŸÐ¾Ñ Ð»Ðµ е Ð·Ð°Ñ Ð¿Ð°Ð». Те Ñ Ð¸Ð³ÑƒÑ€Ð½Ð¾ Ñ Ð° готови вече, Ñ Ð²ÑŠÑ€ÑˆÐ¸Ð»Ð¸ Ñ Ð° Ð²Ñ Ð¸Ñ‡ÐºÐ¾ без него. Става и Ñ Ðµ оглежда. Ре Ñ Ðµ виждат наоколо. Ето първите Ñ Ñ‚ÑŠÐ¿ÐºÐ¸ на Ñ Ñ‚Ñ€Ð°Ñ…Ð°, Ð²Ñ Ðµ още незабележими, тихи, Ñ Ð°Ð¼Ð¾ предположение, което е отхвърлено веднага. Ð Ñ Ð¼Ð° ги, но Ñ Ð¸Ð³ÑƒÑ€Ð½Ð¾ Ñ Ð° вътре или от другата Ñ Ñ‚Ñ€Ð°Ð½Ð° на мелницата, или Ñ Ð¿Ñ Ñ‚ под каруцата на Ñ Ñ Ð½ÐºÐ°.

Ð Ñ Ð¼Ð° Ñ Ð¸ каруцата. Онази Ð±Ð¾Ñ Ð´Ð¸Ñ Ð°Ð½Ð° в Ñ Ð²ÐµÑ‚Ð»Ð¾Ñ Ð¸Ð½ÑŒÐ¾ каруца Ñ Ð½Ð°Ñ€Ð¸Ñ ÑƒÐ²Ð°Ð½Ð¸Ñ Ð¾Ñ‚Ð·Ð°Ð´ петел.

И тогава Ñ Ñ‚Ñ€Ð°Ñ…ÑŠÑ‚ приижда, изпълва го, както когато Ð¿ÑŠÐ»Ð½Ñ Ñ‚ на чешмата малката Ñ Ñ‚Ð¾Ð¼Ð½Ð°, водата Ñ Ðµ вдига, избутва въздуха навън и прелива. Ð¡Ñ‚Ñ€ÑƒÑ Ñ‚Ð° на Ñ Ñ‚Ñ€Ð°Ñ…Ð° е твърде Ñ Ð¸Ð»Ð½Ð° за тригодишното му Ñ‚Ñ Ð»Ð¾ и то Ñ Ðµ пълни бързо, Ñ ÐºÐ¾Ñ€Ð¾ не му Ð¾Ñ Ñ‚Ð°Ð²Ð° въздух. Ре може дори да Ñ Ðµ разреве. Плачът Ð¸Ð·Ð¸Ñ ÐºÐ²Ð° въздух, плачът е едно дълго озвучено издишване на Ñ Ñ‚Ñ€Ð°Ñ…. Ро Ð²Ñ Ðµ още има надежда. Изтичвам навътре в мелницата, тук шумът е много Ñ Ð¸Ð»ÐµÐ½, Ð´Ð²Ð¸Ð¶ÐµÐ½Ð¸Ñ Ñ‚Ð° припрени, двама бели великани Ð¸Ð·Ñ Ð¸Ð¿Ð²Ð°Ñ‚ зърно в ÑƒÑ Ñ‚Ð°Ñ‚Ð° на воденицата, Ð²Ñ Ð¸Ñ‡ÐºÐ¾ е в Ð±Ñ Ð»Ð° мъгла, огромните Ð¿Ð°Ñ Ð¶Ð¸Ð½Ð¸ по ъглите Ñ Ð° натежали от брашното, един Ñ Ð»ÑŠÐ½Ñ‡ÐµÐ² лъч минава през Ñ Ñ‡ÑƒÐ¿ÐµÐ½Ð¸Ñ‚Ðµ Ð²Ð¸Ñ Ð¾ÐºÐ¸ прозорци и в дължината на този лъч може да Ñ Ðµ види титаничната битка на прашинките. Майката Ñ Ð½Ñ Ð¼Ð° тук. Рито Ð½Ñ ÐºÐ¾Ñ Ð¾Ñ‚ Ñ ÐµÑ Ñ‚Ñ€Ð¸Ñ‚Ðµ. Един едър мъж превит под чувала едва не го Ð¾Ñ‚Ð½Ð°Ñ Ñ . Скарват му Ñ Ðµ да излезе, че пречи.

Мамо?

ÐŸÑŠÑ€Ð²Ð¸Ñ Ñ‚ вик, дори не е вик, е Ñ Ð²ÑŠÐ¿Ñ€Ð¾Ñ Ð¸Ñ‚ÐµÐ»Ð½Ð° Ð½Ð°ÐºÑ€Ð°Ñ .

Мамоо?

ÐŸÐ¾Ñ Ð»ÐµÐ´Ð½Ð¾Ñ‚Ð¾ «о» Ñ Ðµ удължава, защото и Ð¾Ñ‚Ñ‡Ð°Ñ Ð½Ð¸ÐµÑ‚Ð¾ Ñ€Ð°Ñ Ñ‚Ðµ.

Мамооо... Мамооооооо...

Ð’ÑŠÐ¿Ñ€Ð¾Ñ ÑŠÑ‚ е изчезнал. Ð‘ÐµÐ·Ð½Ð°Ð´ÐµÐ¶Ð´Ð½Ð¾Ñ Ñ‚ и Ð³Ð½Ñ Ð², една троха Ð³Ð½Ñ Ð². Какво още има вътре. Редоумение. Как така? Майките не Ð¸Ð·Ð¾Ñ Ñ‚Ð°Ð²Ñ Ñ‚ децата Ñ Ð¸. Ре е Ñ‡ÐµÑ Ñ‚Ð½Ð¾. Това не Ñ Ðµ Ñ Ð»ÑƒÑ‡Ð²Ð°. Â«Ð˜Ð·Ð¾Ñ Ñ‚Ð°Ð²ÐµÐ½Â» е думата, ÐºÐ¾Ñ Ñ‚Ð¾ още не знае. Ре Ð·Ð½Ð°Ñ . ÐžÑ‚Ñ ÑŠÑ Ñ‚Ð²Ð¸ÐµÑ‚Ð¾ на думата не Ð¾Ñ‚Ð¼ÐµÐ½Ñ Ñ Ñ‚Ñ€Ð°Ñ…Ð°, напротив, натрупва още повече, прави го още по-Ð½ÐµÐ¿Ð¾Ð½Ð¾Ñ Ð¸Ð¼, премазващ. Сълзите тръгват, Ñ ÐµÐ³Ð° е Ñ‚ÐµÑ…Ð½Ð¸Ñ Ñ‚ ред, ÐµÐ´Ð¸Ð½Ñ Ñ‚Ð²ÐµÐ½Ð¸Ñ‚Ðµ утешители. Поне може да плаче, Ñ Ñ‚Ñ€Ð°Ñ…ÑŠÑ‚ Ñ Ðµ е отпушил, Ñ Ñ‚Ð¾Ð¼Ð½Ð°Ñ‚Ð° на Ñ Ñ‚Ñ€Ð°Ñ…Ð° е Ð¿Ñ€ÐµÐ»Ñ Ð»Ð°. Сълзите рукват по бузите му, по бузите ми, Ñ Ð¼ÐµÑ Ð²Ð°Ñ‚ Ñ Ðµ Ñ Ð±Ñ€Ð°ÑˆÐ½ÐµÐ½Ð¸Ñ Ð¿Ñ€Ð°Ñ… по лицето, вода, Ñ Ð¾Ð» и брашно, и Ð¾Ð¼ÐµÑ Ð²Ð°Ñ‚ Ð¿ÑŠÑ€Ð²Ð¸Ñ Ñ‚ Ñ…Ð»Ñ Ð± на Ñ ÐºÑ€ÑŠÐ±Ñ‚Ð°. Ð¥Ð»Ñ Ð±ÑŠÑ‚, който никога не Ñ Ð²ÑŠÑ€ÑˆÐ²Ð°. Ð¥Ð»Ñ Ð±ÑŠÑ‚ на тъгата, който ще ни храни през Ð²Ñ Ð¸Ñ‡ÐºÐ¸ Ñ Ð»ÐµÐ´Ð²Ð°Ñ‰Ð¸ години. Ð¡Ð¾Ð»ÐµÐ½Ð¸Ñ Ð¼Ñƒ Ð²ÐºÑƒÑ Ð¿Ð¾ ÑƒÑ Ñ‚Ð½Ð¸Ñ‚Ðµ. Ð”Ñ Ð´Ð¾ ми преглъща. Преглъщам и аз. Ра три Ñ Ð¼Ðµ.

По Ñ ÑŠÑ‰Ð¾Ñ‚Ð¾ време една Ñ Ð²ÐµÑ‚Ð»Ð¾Ñ Ð¸Ð½Ñ ÐºÐ°Ñ€ÑƒÑ†Ð° Ñ Ð¿ÐµÑ‚ÐµÐ» отзад вдига прах, отдалечавайки Ñ Ðµ от мелницата.

Годината е 1917. Жената, ÐºÐ¾Ñ Ñ‚Ð¾ кара Ñ Ð²ÐµÑ‚Ð»Ð¾Ñ Ð¸Ð½Ñ Ñ‚Ð° каруца, е на 28. Има Ð¾Ñ ÐµÐ¼ деца. Ð’Ñ Ð¸Ñ‡ÐºÐ¸ Ñ‚Ð²ÑŠÑ€Ð´Ñ Ñ‚, че била едра, Ð±Ñ Ð»Ð° и ÐºÑ€Ð°Ñ Ð¸Ð²Ð°. Името й Ñ ÑŠÑ‰Ð¾ го потвърждава. Кала. Макар по онова време едва ли Ð½Ñ ÐºÐ¾Ð¹ да е извеждал значението му от гръцки - хубава. Кала и толкова. Едно име. Война е. Ð“Ð¾Ð»Ñ Ð¼Ð°Ñ‚Ð° война, както й викат, върви към ÐºÑ€Ð°Ñ Ñ Ð¸. И както винаги, ние Ñ Ð¼Ðµ от губещата Ñ Ñ‚Ñ€Ð°Ð½Ð°. Бащата на Ñ‚Ñ€Ð¸Ð³Ð¾Ð´Ð¸ÑˆÐ½Ð¸Ñ Ð¼Ð¸ Ð´Ñ Ð´Ð¾ е Ð½Ñ ÐºÑŠÐ´Ðµ на фронта. Воюва от 1912. От Ð½Ñ ÐºÐ¾Ð»ÐºÐ¾ Ð¼ÐµÑ ÐµÑ†Ð° Ð½Ñ Ð¼Ð° Ð²ÐµÑ Ñ‚ от него. Връща Ñ Ðµ за по Ð½Ñ ÐºÐ¾Ð»ÐºÐ¾ дни, прави дете и заминава. Дали не Ñ Ð° Ð¸Ð·Ð¿ÑŠÐ»Ð½Ñ Ð²Ð°Ð»Ð¸ заповед в Ñ‚Ð¸Ñ Ð¿Ð¾Ñ‡Ð¸Ð²ÐºÐ¸. Войната Ñ Ðµ Ð·Ð°Ñ‚Ñ Ð³Ð°, ще Ñ‚Ñ€Ñ Ð±Ð²Ð°Ñ‚ войници. Той не ÑƒÑ Ð¿Ñ Ð²Ð° много Ñ Ð±ÑŠÐ´ÐµÑ‰Ð¸Ñ‚Ðµ войници, раждат му Ñ Ðµ Ð²Ñ Ðµ момичета - цели ÑˆÐµÑ Ñ‚. Сигурно, като Ñ Ðµ върне във Ð²Ð¾Ð¹Ñ ÐºÐ¾Ð²Ð°Ñ‚Ð° Ñ Ð¸ Ñ‡Ð°Ñ Ñ‚, го вкарват в Ð°Ñ€ÐµÑ Ñ‚Ð° за Ð²Ñ Ñ ÐºÐ¾.
Ð Ñ ÐºÐ¾Ð»ÐºÐ¾Ñ‚Ð¾ Ñ ÐºÑ€Ð¸Ñ‚Ð¸ за черни дни Ñ Ñ€ÐµÐ±ÑŠÑ€Ð½Ð¸ÐºÐ° вече Ñ Ð° Ñ Ð²ÑŠÑ€ÑˆÐ¸Ð»Ð¸, хамбарът е опразнен, жената е продала каквото може да Ñ Ðµ продаде - леглото Ñ Ð¿Ñ€ÑƒÐ¶Ð¸Ð½Ð°Ñ‚Ð° и металната табла, Ñ€Ñ Ð´ÐºÐ¾Ñ Ñ‚ по онова време, двете Ñ Ð¸ плитки, пендарите от Ñ Ð²Ð°Ñ‚Ð±Ð°Ñ‚Ð°. Децата реват гладни. ÐžÑ Ñ‚Ð°Ð½Ð°Ð» е един вол и едно магаре, което Ñ ÐµÐ³Ð° тегли каруцата. С волът Ñ Ðµ мъчи да оре. Ð•Ñ ÐµÐ½Ñ‚Ð° отива към зима. Ð£Ñ Ð¿Ñ Ð»Ð° е да измоли Ð½Ñ ÐºÐ¾Ð»ÐºÐ¾ чувала жито и Ñ ÐµÐ³Ð° Ñ Ðµ връща от мелницата Ñ Ñ‚Ñ€Ð¸ торби брашно. Между торбите в каруцата Ñ Ð¿Ñ Ñ‚ дъщерите й. По Ñ Ñ€ÐµÐ´Ð°Ñ‚Ð° на Ð¿ÑŠÑ‚Ñ Ñ Ð¿Ð¸Ñ€Ð°Ñ‚ да почине магарето.

— Мамо, забравихме Георги.

Ð£Ð¿Ð»Ð°ÑˆÐµÐ½Ð¸Ñ Ñ‚ Ð³Ð»Ð°Ñ Ð¸Ð´Ð²Ð° зад гърба й - Дана, най-Ð³Ð¾Ð»Ñ Ð¼Ð°Ñ‚Ð°.

Мълчание.

Мълчание.

Мълчание.

Плътно и тежко мълчание. Тишина и тайна, ÐºÐ¾Ñ Ñ‚Ð¾ ще Ñ Ðµ предава година Ñ Ð»ÐµÐ´ година по-ÐºÑŠÑ Ð½Ð¾. Какво прави майката, защо млъква, защо не обръща Ñ‡Ð°Ñ Ð¿Ð¾-Ñ ÐºÐ¾Ñ€Ð¾ каруцата и не Ð¿Ñ€ÐµÐ¿ÑƒÑ Ð½Ðµ обратно към мелницата.

Война е, хора Ñ Ð°, Ð½Ñ Ð¼Ð° да Ð¾Ñ Ñ‚Ð°Ð²Ñ Ñ‚ едно тригодишно дете Ñ Ð°Ð¼Ð¾. Момче е, ще го прибере Ð½Ñ ÐºÐ¾Ð¹, ще го отгледа, има Ñ Ð»Ð¾Ð²Ð¸ жени петимни за деца, повече ÐºÑŠÑ Ð¼ÐµÑ‚ ще има. Думи, които Ñ Ðµ опитвам да Ð½Ð°Ð¼ÐµÑ€Ñ Ð² Ð¼Ð¸Ñ Ð»Ð¸Ñ‚Ðµ й. Ро там има Ñ Ð°Ð¼Ð¾ едно мълчание.

Забравили Ñ Ð¼Ðµ го, забравили Ñ Ð¼Ðµ го, Ð¿Ð¾Ð²Ñ‚Ð°Ñ€Ñ Ð´ÑŠÑ‰ÐµÑ€Ñ Ñ‚Ð° зад гърба й през Ñ ÑŠÐ»Ð·Ð¸. Рищо, че думата е друга – Ð¸Ð·Ð¾Ñ Ñ‚Ð°Ð²Ð¸Ð»Ð¸ Ñ Ð¼Ðµ го.

Минава още една дълга минута. ÐŸÑ€ÐµÐ´Ñ Ñ‚Ð°Ð²Ñ Ð¼ Ñ Ð¸ как от тази минута надничат затаили дъх лицата на неродените. Ето ги, подават Ñ Ðµ през оградата на времето баща ми, Ð»ÐµÐ»Ñ Ð¼Ð¸, другата Ð»ÐµÐ»Ñ , ето го брат ми, ето ме и мен, ето Ñ Ð´ÑŠÑ‰ÐµÑ€Ñ Ð¼Ð¸, повдигнала Ñ Ðµ е на Ð¿Ñ€ÑŠÑ Ñ‚Ð¸. От тази минута и от мълчанието на младата жена Ð·Ð°Ð²Ð¸Ñ Ð¸ Ñ‚Ñ Ñ…Ð½Ð¾Ñ‚Ð¾, нашето Ñ Ð²Ñ Ð²Ð°Ð½Ðµ през годините. Дали жената подозира колко неща Ñ Ðµ решават Ñ ÐµÐ³Ð°. Рай-Ñ ÐµÑ‚Ð½Ðµ вдига глава, Ñ Ñ ÐºÐ°Ñˆ Ñ Ðµ Ñ ÑŠÐ±ÑƒÐ¶Ð´Ð°, връща Ñ Ðµ на Ð¼Ñ Ñ Ñ‚Ð¾Ñ‚Ð¾, оглежда Ñ Ðµ. Безкрайното поле на Ð¢Ñ€Ð°ÐºÐ¸Ñ , изгорели Ñ Ñ‚ÑŠÑ€Ð½Ð¸Ñ‰Ð°, Ð¿Ñ€Ð¾Ð¼ÐµÐ½Ñ Ñ‰Ð°Ñ‚Ð° Ñ Ðµ Ñ Ð²ÐµÑ‚Ð»Ð¸Ð½Ð° на залеза, магарето, което дъвче Ð½Ñ ÐºÐ°ÐºÐ²Ð¸ прегорели треви, Ð±ÐµÐ·ÑƒÑ‡Ð°Ñ Ñ‚Ð½Ð¾ към Ð²Ñ Ð¸Ñ‡ÐºÐ¾, трите чувала, които ще Ñ Ð²ÑŠÑ€ÑˆÐ°Ñ‚ точно в Ñ Ñ€ÐµÐ´Ð°Ñ‚Ð° на зимата, три от ÑˆÐµÑ Ñ‚Ñ‚Ðµ дъщери, които чакат какво ще каже.

Грехът вече е Ñ Ñ‚Ð¾Ñ€ÐµÐ½, поколебала Ñ Ðµ е.

ÐŸÐ¾Ð¼Ð¸Ñ Ð»Ð¸Ð»Ð° Ñ Ð¸ е, макар и за минута, да го Ð¾Ñ Ñ‚Ð°Ð²Ð¸. Ð“Ð»Ð°Ñ ÑŠÑ‚ й е Ñ ÑƒÑ…. Рко Ð¸Ñ ÐºÐ°Ñˆ, можеш да Ñ Ðµ върнеш. Казано е към Дана, най-Ð³Ð¾Ð»Ñ Ð¼Ð°Ñ‚Ð°, на 13. Решението е прехвърлено на друг. Ре казва «ще Ñ Ðµ върнем», не казва «върни Ñ ÐµÂ», не помръдва. И Ð²Ñ Ðµ пак Ñ‚Ñ€Ð¸Ð³Ð¾Ð´Ð¸ÑˆÐ½Ð¸Ñ Ñ‚ ми Ð´Ñ Ð´Ð¾ има още един ÑˆÐ°Ð½Ñ . Дана Ñ ÐºÐ°Ñ‡Ð° от каруцата и хуква по Ñ‡ÐµÑ€Ð½Ð¸Ñ Ð¿ÑŠÑ‚ обратно.

Рие, надничащите през оградата на тази минута, неродените още, прибираме глави и Ñ Ð¸ отдъхваме.

Смрачава Ñ Ðµ, мелницата е Ð¾Ñ Ñ‚Ð°Ð½Ð°Ð»Ð° километри назад. Едно момиче на 13 тича по Ñ‡ÐµÑ€Ð½Ð¸Ñ Ð¿ÑŠÑ‚, Ð±Ð¾Ñ Ð¾, Ð²ÐµÑ‡ÐµÑ€Ð½Ð¸Ñ Ñ‚ Ð²Ñ Ñ‚ÑŠÑ€ Ñ€Ð°Ð·Ð²Ñ Ð²Ð° Ñ€Ð¾ÐºÐ»Ñ Ñ‚Ð° й. Раоколо е празно, тича, за да измори Ñ Ð¾Ð±Ñ Ñ‚Ð²ÐµÐ½Ð¸Ñ Ñ Ð¸ Ñ Ñ‚Ñ€Ð°Ñ…, да му вземе дъха. Ре гледа Ð²Ñ Ñ‚Ñ€Ð°Ð½Ð¸, Ð²Ñ ÐµÐºÐ¸ Ñ…Ñ€Ð°Ñ Ñ‚ прилича на Ñ Ð¿Ð¾Ñ‚Ð°Ð¸Ð» Ñ Ðµ мъж, Ð²Ñ Ð¸Ñ‡ÐºÐ¸ Ñ Ñ‚Ñ€Ð°ÑˆÐ½Ð¸ Ð¸Ñ Ñ‚Ð¾Ñ€Ð¸Ð¸, които е Ñ Ð»ÑƒÑˆÐ°Ð»Ð° вечер за разбойници, караконджули, змейове, духове и вълци тичат на глутница подире й. Обърне ли Ñ Ðµ, ще Ñ Ðµ Ñ…Ð²ÑŠÑ€Ð»Ñ Ñ‚ на гърба й.

Тичам, тичам, тичам в още топлата Ñ ÐµÐ¿Ñ‚ÐµÐ¼Ð²Ñ€Ð¸Ð¹Ñ ÐºÐ° вечер, Ñ Ð°Ð¼ Ñ Ñ€ÐµÐ´ едно поле, по Ñ Ð¿ÐµÑ‡ÐµÐ½Ð°Ñ‚Ð° кал на Ð¿ÑŠÑ‚Ñ , ÐºÐ¾Ñ Ñ‚Ð¾ Ñ Ð²Ñ Ñ ÐºÐ° крачка ÑƒÑ ÐµÑ‰Ð°Ð¼ Ð²Ñ Ðµ по-Ñ Ð¸Ð»Ð½Ð¾, Ñ ÑŠÑ€Ñ†ÐµÑ‚Ð¾ ми Ñ Ðµ Ð±Ð»ÑŠÑ ÐºÐ° в гърдите, там Ð½Ñ ÐºÐ¾Ð¹ е клекнал край Ð¿ÑŠÑ‚Ñ , но защо ръката му е така Ñ Ñ‚Ñ€Ð°Ð½Ð½Ð¾ извита нагоре, ох, Ñ…Ñ€Ð°Ñ Ñ‚ е... Ето в далечното първите Ñ Ð²ÐµÑ‚Ð»Ð¸Ð½Ð¸ на мелницата... Там Ñ‚Ñ€Ñ Ð±Ð²Ð° да е Ð¼Ð¾Ñ Ñ‚ тригодишен брат... Ð´Ñ Ð´Ð¾... аз.

Майката, и Ð¼Ð¾Ñ Ð¿Ñ€Ð°Ð±Ð°Ð±Ð°, Ð¶Ð¸Ð²Ñ 93 години, мина от ÐµÐ´Ð¸Ð½Ð¸Ñ ÐºÑ€Ð°Ð¹ на века до Ð´Ñ€ÑƒÐ³Ð¸Ñ , беше Ñ‡Ð°Ñ Ñ‚ и от моето Ð´ÐµÑ‚Ñ Ñ‚Ð²Ð¾. Децата й Ð¿Ð¾Ñ€Ð°Ñ Ñ‚Ð½Ð°Ñ…Ð°, Ð¿Ñ€ÑŠÑ Ð½Ð°Ñ…Ð° Ñ Ðµ, Ð½Ð°Ð¿ÑƒÑ Ð½Ð°Ñ…Ð° Ñ , Ð¾Ñ Ñ‚Ð°Ñ€Ñ Ñ…Ð°. Само едно от Ñ‚Ñ Ñ… никога не Ñ Ðµ отдели и продължи да Ñ Ðµ грижи за Ð½ÐµÑ Ð´Ð¾ Ñ Ð¼ÑŠÑ€Ñ‚Ñ‚Ð° й. Забравеното момче. Ð˜Ñ Ñ‚Ð¾Ñ€Ð¸Ñ Ñ‚Ð° Ñ Ð¼ÐµÐ»Ð½Ð¸Ñ†Ð°Ñ‚Ð° беше Ð²Ð»Ñ Ð·Ð»Ð° в тайната родова хроника, Ð²Ñ Ð¸Ñ‡ÐºÐ¸ Ñ ÑˆÑƒÑˆÑƒÐºÐ°Ñ…Ð°, кой Ñ ÑŠÑ Ñ ÑŠÑ‡ÑƒÐ²Ñ Ñ‚Ð²Ð¸Ðµ към баба ÐšÐ°Ð»Ñ Ð¸ като Ñ Ð²Ð¸Ð´ÐµÑ‚ÐµÐ»Ñ Ñ‚Ð²Ð¾ за това какво било времето, кой като шега, кой Ñ Ð½ÐµÑ ÐºÑ€Ð¸Ñ‚Ð¾ обвинение, като баба ми. Ро никой не Ñ Ñ€Ð°Ð·ÐºÐ°Ð·Ð²Ð°ÑˆÐµ пред Ð´Ñ Ð´Ð¾. И той не Ñ Ñ€Ð°Ð·ÐºÐ°Ð·Ð° нито веднъж. И не Ñ Ðµ отдели от майка Ñ Ð¸.

Ð¢Ñ€Ð°Ð³Ð¸Ñ‡ÐµÑ ÐºÐ° Ð¸Ñ€Ð¾Ð½Ð¸Ñ , каквато обикновено откриваме в митовете. Когато Ð¸Ñ Ñ‚Ð¾Ñ€Ð¸Ñ Ñ‚Ð° Ñ Ñ‚Ð¸Ð³Ð½Ð° до мен в онзи Ñ Ð»ÐµÐ´Ð¾Ð±ÐµÐ´, главната Ð³ÐµÑ€Ð¾Ð¸Ð½Ñ Ð²ÐµÑ‡Ðµ Ñ Ð½Ñ Ð¼Ð°ÑˆÐµ. Ð¡Ð¿Ð¾Ð¼Ð½Ñ Ð¼ Ñ Ð¸, че първо изпитах Ð³Ð½Ñ Ð² и недоумение, Ñ Ñ ÐºÐ°Ñˆ Ñ Ð° Ð¸Ð·Ð¾Ñ Ñ‚Ð°Ð²Ð¸Ð»Ð¸ мен Ñ Ð°Ð¼Ð¸Ñ . Изпитах поредно ÑƒÑ ÑŠÐ¼Ð½Ñ Ð²Ð°Ð½Ðµ във Ð²Ñ ÐµÐ»ÐµÐ½Ñ ÐºÐ°Ñ‚Ð° Ñ Ð¿Ñ€Ð°Ð²ÐµÐ´Ð»Ð¸Ð²Ð¾Ñ Ñ‚. Тази жена Ð¶Ð¸Ð²Ñ Ð´Ð¾ дълбока Ñ Ñ‚Ð°Ñ€Ð¾Ñ Ñ‚ под грижите на онова Ð¸Ð·Ð¾Ñ Ñ‚Ð°Ð²ÐµÐ½Ð¾ Ð½Ñ ÐºÐ¾Ð³Ð° тригодишно момче. Рможе би точно това е наказанието. Да живееш толкова дълго и Ð²Ñ ÐµÐºÐ¸ ден до теб да е онова дете. Ð˜Ð·Ð¾Ñ Ñ‚Ð°Ð²ÐµÐ½Ð¾Ñ‚Ð¾.

Par Guéorgui Gospodinov

Guéorgui Gospodinov, né en 1968, est l’un des auteurs phares de la jeune génération des écrivains bulgares.

ll est l’auteur d’ Un Roman naturel (Phebus, 2002) qui a renouvelé profondément la prose bulgare en 1999 et a été traduit dans une vingtaine de langues. Il a également publié un recueil d’essais Les crises invisibles, (2013), et des nouvelles dont L’Alphabet des femmes (Arléa, 2003 rééd. 2014), ainsi de poèmes et de pièces de théâtre.

La plupart de ses œuvres ont été rééditées en Bulgarie, il a reçu plusieurs
prix nationaux, a été nominé àdes prix européens prestigieux (Italie et Allemagne). A ce jour, il est l’écrivain bulgare contemporain le plus traduit.

Le pain de la mélancolie est extrait de son dernier roman, Physique de la mélancolie, éditions Intervalles, collection Sémaphores (INALCO/Intervalles), 2015.

Marie Vrinat-Nikolov, professeur des universités en langue et littérature bulgares àl’INALCO, est l’auteur de manuels de bulgare, ainsi que de nombreux articles et ouvrages sur l’histoire de la littérature bulgare, l’histoire de la traduction en Bulgarie et la pensée de la traduction littéraire, dont Miroir de l’altérité : la traduction, Ellug, 2006.
Elle a traduit en français plusieurs écrivains bulgares, tels que Yordan Yovkov, Yordan Raditchkov, Tzvetan Stoyanov, Vera Moutaftchieva, Ivailo Petrov, Kiril Kadiyski, Ivan Borislavov, Sevda Sevan, Viktor Paskov, Emilia Dvorianova, Alek Popov et Théodora Dimova.
Marie Vrinat-Nikolov a reçu des prix et distinctions pour son activité de traduction et de rayonnement de la culture bulgare en France. Pour en savoir plus, consultez son site