Le jour de la première neige

Le jour de la première neige j’ai flotté vers ma naissance

de plumes tombant à ma fenêtre ; touché la terre et fondu,

touché encore et laissé là une petite touche de lumière

et partout où nous touchions la terre était blanche

Le jour de la première neige j’ai flotté vers ma naissance

de plumes tombant à ma fenêtre ; touché la terre et fondu,

touché encore et laissé là une petite touche de lumière

et partout où nous touchions la terre devenait blanche

Le bois était maintenant noir ou blanc ; le monde blanc brillant la nuit

et l’eau un bois noir sculpté de deux cygnes blancs

La naissance était une eau noire où se penchent les cygnes blancs

La mort une eau noire où le bois blanc finit

Le jour de la première neige j’ai flotté vers ma mort

de plumes tombant à ma fenêtre ; le reste d’amour avait fondu,

aimé encore toucher ce petit reste de lumière, mais le monde

entier était sombre comme la terre était blanche

Traduit par Sika Fakambi

The day the first snow fell I floated to my birth

of feathers falling by my window; touched earth and melted,

touched again and left a little touch of light

and everywhere we touched the earth was white

The day the first snow fell I floated to my birth

of feathers falling by my windows; touched earth and melted,

touched again and left a little touch of light

and everywhere we touched till earth was white

Wood was now black or white; white world was bright atnight

and water was black wood carved into two white swans

Birth was black water where the white swans bend

Death was black water where the white wood ends

The day the first snow fell I floated to my death

of feathers falling by my window; left love had melted,

loved again to touch the little left of light, but all the world

was dark while earth was white

Par Kamau Brathwaite

Kamau Brathwaite est né en 1930 à Bridgetown, à la Barbade. Il est l’une des voix majeures de la littérature caribéenne. Il quitte la Caraïbe pour aller étudier l’histoire à l’Université de Cambridge, obtiendra son doctorat à l’Université du Sussex en 1968. Les premiers poèmes paraissent dans les années 1950, en Angleterre et à la Barbade, influencés par le jazz et T. S. Elliott, mais aussi « le parler, les rythmes, les cadences, les lieux » de la Caraïbe, « l’âpreté » de cet environnement. Les recueils Rights of Passage (1967), Masks (1968) et Islands (1969) lui apportent une reconnaissance internationale. Rassemblés par la suite sous le titre The Arrivants (1973), ils témoignent de la quête d’une identité culturelle caribéenne et tentent de réaffirmer la place de l’Afrique dans la Caraïbe.

En 1955, Brathwaite part travailler au Ghana, alors nation nouvelle, et s’investit notamment dans le domaine de l’éducation. Il cofonde en 1966 le Caribbean Artists Movement (CAM). La période ghanéenne est celle de l’affirmation de l’héritage africain dans son écriture, sa pensée, son imaginaire, celle de la quête d’une langue et d’une poésie imprégnées par les mythes fondateurs et le rythme des vers traditionnels de l’Afrique précoloniale.

Après son retour dans les Antilles en 1962, Kamau Brathwaite partage son temps entre son activité d’enseignant-chercheur et la poésie. À cette époque, il enseigne notamment à l’Université de Kingston, en Jamaïque, fonde la revue littéraire Savacou. Son œuvre critique compte de multiples études culturelles, historiques et littéraires, dont Folk Culture of the Slaves in Jamaica (1970, révisé en 1981), The Development of Creole Society in Jamaica 1770–1820 (1971), History of the Voice : The Development of Nation Language in Anglophone and Caribbean Poetry (1984) et Roots (1986). Une seconde trilogie de recueils poétiques paraît dans cette même période, Mother Poem (1977), Sun Poem (1982) et X/Self (1987), dans laquelle il revient sur les questions identitaires.

Dans les années 1990, après une période d’épreuves, en particulier la disparition tragique de sa compagne en 1986, il fait paraître plusieurs autres recueils : Zea Mexican Diaries (1993), Barabajan Poems (1994), DreamStories (1994). Dix ans plus tard, il publie Born to Slow Horses (2005), qui sera suivi de Elegguas (2010), dernier recueil publié à ce jour, une série de poèmes travaillés par le double motif de l’« élégie » et de « Elegua », la divinité yorouba des chemins, des carrefours, des passages, le guetteur au seuil des foyers.

Kamau Brathwaite est professeur de littérature comparée à l’Université de New York et a reçu de nombreuses distinctions, dont le Griffin Poetry Prize 2006 pour Born to Slow Horses , le prix Casa de las Americas, le prix Neustadt, le prix Bussa, et bien d’autres.

L’œuvre considérable de Kamau Brathwaite est hantée par la catastrophe humaine que représente la traite négrière transatlantique. Sa poésie invente ce qu’il appelle une « langue nation », travaillée par le vernaculaire, mais aussi par le spoken word, les rythmes du jazz et du folk, les innovations linguistiques et typographiques : une langue qui, selon ses mots, n’est ni du créole ni du dialecte, mais « cet anglais parlé par les gens qui ont été transportés jusque dans la Caraïbe […] la langue des esclaves, des travailleurs de la terre et des domestiques dont on a fait là-bas ces hommes et ces femmes ».

Sika Fakambi

Sika Fakambi est née au Bénin en 1976. Elle a grandi entre Ouidah et Cotonou — a vécu à Paris, Dublin, Sydney, Toronto, Montréal — et réside maintenant à Nantes.