KHLEBNIKOV Vélimir

Au début du XXe siècle, après des études en mathématiques et en sciences naturelles, Vélimir KHLEBNIKOV (1885-1922) part à Saint-Pétersbourg étudier les langues orientales et la philologie slave. Là-bas, il rejoint l’avant-garde du modernisme littéraire.
La Tentation du pêcheur, son premier texte publié en 1908, surprend par la profusion de ses néologismes. Il s’achève sur ses mots :

Le loup vestigifique hurla, en apercevant un cerf stellicorne. Et l’univers entier n’était que le bec large ouvert d’un corbeau. Mais un universalien sourire ne quittait pas son visage et le temps ne se lassait pas de tenir sous son bras une noire béquille…
Traduction de Jean-Claude Lanne

Avec La conjuration par le rire, paru dans Le Studio des Impressionnistes en 1910, Khlebnikov écrit un texte-manifeste qui fait de lui l’inspirateur du futurisme russe, qu’il nomme boudetlianstvo ou « futurianisme » :

Ô, ériez, rieurs ! Ô, irriez, rieurs ! Ceux qui rient de rires, ceux qui rièssent rialement Ô, irriez riesquement !
Extrait – traduction de Jean-Claude Lanne

Absorbé par les lois numériques et universelles, Khlebnikov élabore une théorie du temps circulaire qu’une langue devenue prophétique serait à même de traduire et d’annoncer. Ses recherches scientifiques et poétiques l’amènent à utiliser cette langue d’outre-entendement, le Zaoum - littéralement « surraison », langue stellaire censée pallier la langue du figurable qualifiée par lui de « pauvre aboiement signifiant ». S’il parvient à maîtriser la temporalité par la création d’une langue qui saisit l’instant et préfigure le futur, l’artiste peut alors construire la vie.

Sarah Cillaire

Sur Retors : cinq poèmes de Vélimir Khlébnikov.