Heiner Müller (1929-1995), auteur dramatique, dramaturge (au sens allemand du terme), metteur en scène et poète est-allemand ; après une enfance et une adolescence en Saxe sous le nazisme, il choisit la RDA au moment où ses parents la quittent (1951) et s’efforce, à partir de 1956, d’y faire jouer des pièces sur la construction du socialisme ; il y met un sens de la division et du conflit, destiné à faire réagir les spectateurs, mais qui lui vaut surtout l’hostilité des autorités ; celles-ci séviront contre lui à plusieurs reprises. À partir de 1961, interdit de sujets d’actualité, il prend le détour de l’adaptation de textes anciens (Sophocle, Shakespeare) ou de la réécriture d’auteurs modernes (Brecht) et contemporains, allemands et étrangers, et invente progressivement une écriture originale qui lui permet d’évoquer, avec toujours plus de profondeur de champ, le destin de l’Allemagne au XXème siècle. Reconnu, puis consacré, à l’échelle internationale entre 1968 et 1979, et de ce fait relativement à l’abri des pressions en RDA, il se voit, dans les dix dernières années de sa vie, avant et après la chute du mur, couvert de distinctions de tous les pays et appelé à collaborer avec de nombreux artistes étrangers. Ainsi, comme il l’a écrit, la pierre a travaillé dans le mur : mis au ban de la RDA dans les années 60, Müller en personnifie le souvenir après 1989 et il prend tout à la fin de sa vie la direction du Berliner Ensemble de Brecht qui l’avait tenu à l’écart quand, à ses débuts, il cherchait à y entrer. Principaux textes : Philoctète (1965), Mauser (1970), Hamlet-machine (1977), La Mission (1980), Quartett (1982).
Jean-Pierre Morel
Discours de Heiner Müller prononcé lors de la réception du Prix Büchner à Darmstadt en 1985.