De la Mère et de la Patrie

En rêve je tiens — debout dans une gare —

je tiens quelque chose de petit, comme un enfant, âgé d’un an ou deux

mais ce n’est pas un enfant juste un lambeau qui hurle

qui se tord se démène, tignasse tachée de sang,

je dois le tenir, l’empêcher de tomber, pourquoi je ne sais pas,

c’est arrivé un peu par surprise ; j’ai un peu mal au cœur

et un peu de chagrin. Là, comme une blessure, à côté sur sa tignasse du sang,

il pue le brûlé s’arc-boute se démène ; je peux à peine le tenir,

il hurle constamment, quand reprend-il son souffle je ne sais pas,

ce hurlement m’assourdit m’aveugle. Absorbée et affolée j’essaye de ne pas lâcher,

de quoi s’agit-il, je ne sais pas, de quelque chose qui est arrivé ;

je pensais devoir le tenir un instant

mais déjà je vois que personne ne me le prendra,

les trains partent et les gens passent

et moi je reste là qu’est-ce que j’attends je ne sais pas.

[…]


CHANT DE METER

Moi j’ai quitté Lvov

(L’ALTO DE LA MÈRE)

Moi j’ai quitté Lvov avec une robe d’été avec une seule robe

et une petite valise, il y avait un peu de lingerie des chemisiers deux jupes

qui m’ont ensuite sauvé la vie quand je les ai échangées contre de la bouillie,

j’étais en escarpins d’été complètement ouverts je suis montée comme ça sur un camion

et partie

sont restés ma mère ma sœur son mari leur enfant l’oncle la tante

je n’avais pas idée ça ne m’est pas venu à l’esprit

que quand je reviendrais plus personne ne serait là

il n’y aurait que des ruines –

ORETTE
Ainsi nous sommes aujourd’hui à cet instant de l’Écriture Orale,

où elle a abandonné sa mère pour se sauver.

Considère, passant bienveillant, ce moment

significatif —

[...]


LARA CROFT

NARRATRICE
Dans les marais de la dépression gît, à moitié immergée, une mâchoire ouverte

remplie de plainte. parfois coule la lave. parfois se propage

la cendre fraîche des archives de l’Institut Historique Juif,

où, à une époque, rangeant les fusillés et les gazés,

elle a trébuché sur quelque chose.

— J’ai trouvé — dit-elle, en regardant

droit dans le vide (et c’est moi, sur une chaise) — un document.

Ma mère a été tuée dans la forêt de Lvov.

On l’a fusillée dans une forêt. Pendant un demi-siècle je ne l’ai pas su.

*

Pendant un demi-siècle elle n’a pas su, et maintenant elle sait !

Et elle parle de ça en présence d’un témoin hasardeux.

En l’occurrence une certaine brune avec des gants en crocodile,

agent secret d’un monde de fiction, Lara Croft, ou quelque chose comme ça.

Laquelle est sur le point de décoller avec son jet privé pour se rendre à Hawaï, quand une dame âgée

vêtue d’un vieux pardessus se prend dans l’hélice. Lara descend

aider la pauvre femme, et l’autre, œil ancré dans le vide, l’informe

que sa mère a été fusillée un demi-siècle plus tôt dans la forêt.

— Ah quel malheur !
S’écrie Lara, car elle n’est pas sans cœur.

[…]


SYNDICATS CONTRE L’ESCLAVAGE

CHOEUR
(avec un drapeau « Solidarność » commence en canon)

Sur le mur d’une école voisine on a écrit avec de la peinture blanche KOR [1] JUIFS.

Après est arrivée l’explosion, mais ça n’a rien effacé. Orette non plus ne s’est pas

refusé cet espoir

s’est inscrite aux Syndicats Contre L’Esclavage ;

Elle s’engage autant qu’elle peut. Mais que peut-elle,

si la mère église prend une si grande part, c’est qu’il n’en sortira pas une grande liberté.

Elle voit plus les tranchées de l’esclavage coutumier que les barricades de la liberté,

à part ça, beaucoup pestent contre ce maudit judéo-bolchévisme.

NARRATRICE
Ce qu’était justement son père. Il y a longtemps déjà qu’il a abandonné sa vie

(et moi, pense parfois Orette, mais elle n’ose pas en vouloir à un suicidé).

Des jours entiers elle écoute de la musique, son cœur lui fait mal,

elle voudrait divorcer et partir. loin. que ce pays est odieux !

Ils ne comprennent pas leur propre histoire et n’ont pas d’identité,

ne savent pas compatir, ne connaissent pas l’empathie, ces post-esclaves de la noblesse,

et nobles, il semble que tous le soient. Une tribu agglutinée autour d’un mythe,

l’individualité est ici interdite.

Ici un paysan doit être un paysan, un fils, qui gouverne la femme-mère

L’étranger doit être un juif et comploter au sous-sol.

Partout on entend juifs et juifs, s’il n’y avait pas ces juifs,

pas ce Rakowski et Urban [2] , ça serait différent

s’il n’y avait pas ces juifs,

ce KOR ces michnik blumsztajn kuroń [3], la pologne serait la pologne,

ornée par le vrai le beau et le bon polonais.

Hitler les a exterminés, mais il ne les a pas achevés !

CHOEUR
Les Juifs soi-disant tués, mais éternellement vivants, ont une force telle qu’ils se multiplient morts,

sur leurs restes se tient plus qu’un quartier, des églises sur leurs os et des HLM,

des rues et des parcs, la ville varsovie sur les cendres juives.

Et qui leur a demandé de se décomposer ici ?!

À cause d’eux la nuit il n’y a pas de soleil,

les gens vont mal,

dieu lui-même s’est pendu

et pendouille —

NARRATRICE
Comme elle en a marre, de ce pays cinglé et antisémite, de cette belle-famille

qui vient d’un petit village — juif avant la guerre — chacun possède quelque chose de ces Juifs

qui leur ont tout pris ! La belle-famille raconte parfois

l’évacuation et le manque de viande et les rations de sucre, exactement comme maintenant!

Ils parlent aussi de l’ordre introduit ici, dans la cour de ce cloître,

quand les hitlériens

l’ont fait paver avec les pierres tombales juives, elles gisent là-bas depuis la guerre

quarante et quatre années,

elles n’embarrassent pas les prêtres de la religion de l’amour.

[...]


AH, MA JOLIE FILLE

NARRATRICE
Ah, ma jolie petite fille, avait l’habitude de dire sa Meter

(Orette va bientôt gerber, bientôt dégueuler),

elle aime admirer son produit,

sa propre viande, mais à l’extérieur ;

quels cheveux quelle peau quelles tripes petite veste talons,

elle veut savoir si l’estomac fonctionne bien,

si le cœur pompe et comment va le petit foie,

cinquante kilos de viande de premier choix plus les abats,

et avec ça Deux Bonnes Oreilles.

[…]


ACCOUCHEMENT

(la voix de Meter)

Quand est arrivé l’accouchement, oh, quelle douleur, j’ai cru qu’on allait me déchirer.

Je n’étais pas très consciente, j’ai crié : Le ghetto brûle !

Alors l’infirmière

a dit : Bah, je ne serai pas aux petits soins de cette sale Juive.

Voyez-moi ça, déjà qu’on espérait ne plus jamais les voir,

et voilà –

(la voix d’Orette)

Ainsi est arrivée la seconde moitié du XXème siècle

En Pologne.

[…]


LA MÈRE TÉLÉPHONE

NARRATRICE
Chaque jour la mère téléphone à la fille si la fille n’appelle pas elle-même,

en effet il faut renouer un brin les liens du sang, parce qu’ils se sont relâchés.

La fille fait semblant d’écouter, parce que la mère doit rabâcher,

et il faut écouter ce rabâchage, parce que la mère reste seule entre ses quatre murs.

Un jour la fille a une idée. Elle pose le téléphone à côté, chaque dix minutes

elle s’approche du combiné et dit au pif : ah ou c’est clair.

Elle appréhende un peu, mais tombe Toujours juste. Elle remarque finalement

qu’il s’agit seulement d’Oreille, et pas de tomber juste, pas de ce qu’elle va dire,

de ce qu’elle va roter ou péter.

Il s’agit seulement d’Oreille. Ou d’Oreille fantôme. Plus il y a personne,

mieux c’est. Plus c’est facile, plus les souris dansent,

plus c’est agréable de rabâcher. Les copeaux volent dans l’abîme sans résistance.

[…]


ARIA

DANS LES MANUELS ON NOUS PARLE DE RÉCONCILIATION.

NARRATRICE
Dans le dernier élan de son désir d’être entendue, Orette court

chez cette larve sourde, cette sangsue (dont on a sucé le sang).

Pour lui donner une chance de devenir mère.

Elle veut lui donner une chance de demander pardon.

Elle veut exiger, en outre, l’Entrée dans l’Histoire

La Libération de la Laisse, L’Écoute des Chagrins et des Reproches,

repoussés toujours avec un incroyable

vacarme. Il faut dire adieu, dit Orette,

à son art de la culpabilisation. Fini le coup de fil quotidien

et ses conneries sur les quatre murs ! de toute façon elle ne deviendra pas le cinquième.

Elle prétend aussi ne pas s’appeler Adolf Hitler.

Voilà une carte d’identité avec un autre nom. Elle a passé l’âge.

Elle exige qu’on s’adresse à elle avec respect !

Ah, voilà ce qui s’appelle couronner un chapitre de vie.

Répare-moi ça ! – dit-elle (c’est invraisemblable que, pendant si longtemps, et malgré

tant d’expériences on puisse avoir de telles attentes !). Elle n’a pas grand-chose

en tête, il faut admettre.

Elle dit qu’elle attend un excuse-moi

– pourvu qu’il soit sincère et motivé.

Orette – répond Meter – MALTRAITER TA MÈRE, TU SAIS SI BIEN LE FAIRE,

Mais puisque tu as autant de reproches et puisqu’en tant que Mère je ne te conviens pas,

Alors tue-moi. Je t’en prie !

*

Te tuer, pense Orette, si les Allemands ne t’ont pas tuée,

deux armées au moins, des divisions blindées, des chars et l’aviation

durant quatre années entières, comment moi pourrais-je y arriver ?

Traduit par Monika Prochniewicz, Sarah Cillaire

śni mi się, że trzymam - stojąc na jakimś dworcu -

trzymam coś niedużego, jakby dziecko, może kilkuletnie,

ale to nie jest dziecko tylko kosmaty jakiś strzęp wrzeszczący,

wije się szarpie, kłaki poplamione krwią,

muszę to trzymać, chronić przed upadkiem, czemu muszę nie wiem,

to się stało jakoś z zaskoczenia; trochę mi niedobrze

i trochę mi żal. Tu jakby rana, przy niej na krew na kłakach,

śmierdzi spalenizną, pręży się szarpie; ledwo to mogę utrzymać,

wrzeszczy ciągle, nie wiem kiedy nabiera powietrza,

ten wrzask mnie ogłusza oślepia. Skupiona i oszalała staram się nie puścić,

o co chodzi, nie wiem, o coś co się stało;

myślałam, że trzymam na chwilę

lecz już widzę, że nikt tego ode mnie nie weźmie,

pociągi odjeżdżają i ludzie przechodzą

a ja stoję na co czekam nie wiem.

[...]


PIEŚŃ METER

JA WYSZŁAM ZE LWOWA

(ALT MATKI)

Ja wyszłam ze Lwowa w jednej letniej sukience w jednej sukience tylko

i z małą walizeczką, było tam trochę bielizny bluzki dwie spódnice

które mi potem ocaliły życie, gdy je wymieniłam za kaszę,

byłam w pantoflach letnich zupełnie otwartych tak wsiadłam na ciężarówkę

i wyjechałam

została matka, siostra jej mąż dziecko wuj ciotka

nie miałam pojęcia na myśl mi nie przyszło

że kiedy wrócę nikogo nie będzie

będą tylko ruiny -

USIA
A więc dziś w tym miejscu Pisma Oralnego jesteśmy,

tam gdzie ona opuściła matkę, żeby się ratować.

Zważ dobrowolny przechodniu ten moment

znaczący -

[...]


LARA CROFT

NARRATORKA
W bagnach depresji leży na pół zanurzona, rozwarta paszczęka

pełna skargi. czasem poleje się lawa. czasem się posypie

chłodny popiół archiwów Żydowskiego Instytutu Historycznego,

gdzie swego czasu, porządkując zastrzelonych i zagazowanych,

potknęła się o coś.

— Znalazłam - rzecze, patrząc

prosto w nicość (a to ja, na krześle) - dokument.

Moją matkę zabito w lesie pod Lwowem.

Rozstrzelano ją w lesie. Przez pół wieku nie wiedziałam o tym.

*

Pół wieku nie wiedziała, a teraz już wie !

I mówi o tym w obecności przypadkowego świadka.

Akurat była to pewna brunetka w rękawiczkach z krokodyla,

agentka świata fikcji, Lara Croft, czy tak jakoś,

Startuje właśnie swoją awionetką na Hawaje, gdy jakaś starsza niewiasta

odziana w ubogą opończę wplątała się w śmigło. Lara wysiada

pomóc biedaczce, a tamta, z okiem zarzuconym w nicość powiadamia ją,

że jej matkę pół wieku temu rozstrzelano w lesie.

— A co za nieszczęście !
Wykrzyknęła Lara, bo nie jest bez serca.

[...]


ZWIĄZKI ZAWODOWE PRZECIWKO NIEWOLI

CHÓR
z flagą "Solidarności" zaczyna w kanonie

Na pobliskiej szkole napisano białą farbą KOR ŻYDY.

Potem przyszła eksplozja lecz go nie zmazano. Usia także

nie odmówiła sobie tej nadziei

zapisała się do Związków Zawodowych Przeciwko Niewoli;

angażuje się, ile może. Ale ile może,

kiedy matka kościół ma tak wielki udział, to z tego wielkiej wolności nie będzie.

Więcej widzi okopów swojskiej niewoli niż tych barykad wolności,

poza tym wielu złorzeczy tej żydokomunie przeklętej.

NARRATORKA
A to był jej ojciec. Już dawno porzucił życie

(i mnie, myśli czasem Usia, lecz nie śmie do samobójcy mieć żalu).

Całymi dniami słucha muzyki, boli ją serce,

chciałaby się rozwieść i wyjechać. daleko. jaki ten kraj ohydny!

Nie rozumieją własnej historii i tożsamości nie mają,

współczuć nie umieją, empatii nie znają ci po-niewolnicy szlachty,

a wszyscy podobno szlachcice. Plemię sklajstrowane mitem,

indywidualność tutaj zabroniona.

Chłop ma tu być chłopem, synem, który rządzi żoną-matką

Obcy ma być żydem i i w podziemiach knuć.

Wszędzie się tylko słyszy żydy i żydy, żeby nie te żydy,

nie ten Rakowski i Urban, byłoby inaczej

gdyby nie te żydy,

ten KOR te michniki blumsztajny kuronie, byłaby polska polską,

zdobna polską prawdą pięknem i dobrem.

Hitler ich wybił, ale ich nie dobił !

CHÓR
Żydzi niby zabici, ale wiecznie żywi, mają taką moc, że mnożą się martwi,

na ich szczątkach stoi niejedna dzielnica, kościoły na ich kościach i bloki,

jezdnie i parki, miasto warszawa na żydowskich prochach.

A czy kto ich prosił, by się rozkładali tutaj !?

Przez nich nocą nie ma słońca,

ludziom się nie wiedzie,

sam bóg się powiesił

i zwisa -

NARRATORKA
Jak ona ma dosyć tego obłąkanego kraju antysemickiego, tej rodziny męża

z małego miasteczka - przed wojną żydowskie - każdy ma coś po tych Żydach,

którzy zabrali im wszystko ! Rodzina męża opowiada czasem

o ewakuacji i braku mięsa i kartach na cukier, zupełnie jak teraz !

Mówią też o kulturze zaprowadzonej tutaj, na dziedzińcu klasztoru,

kiedy hitlerowcy

kazali wybrukować go płytami macew, od wojny leżą tam lat

czterdzieści i cztery,

nie wadzą kapłanom religii miłości.

[...]


ACH, MOJA ŚLICZNA CÓRECZKA

NARRATORKA
Ach, moja śliczna córeczka, zwykła mówić jej Meter

(Usia zaraz rzygnie, zaraz puści pawia),

lubi podziwiać swój produkt,

własne mięso, tyle że na zewnątrz;

jakie włosy jaka skóra jakie flaki kurteczka obcasy,

chce wiedzieć czy żołądek dobrze funkcjonuje,

czy pompuje serce i jak tam wątróbka,

pięćdziesiąt kilo prima sort mięska i jeszcze podróbki,

a do tego Dwoje Dobrych Uszu.

[...]


PORÓD

(głos Meter)

Kiedy nastał poród, o, co za ból, myślałam, że już mnie rozedrze.

Byłam niezbyt przytomna, krzyczałam : Getto się pali !

Wtedy pielęgniarka

powiedziała : No, koło tej Żydówy ja chodzić nie będę.

Proszę, już była nadzieja, że się ich nie zobaczy więcej.

A tu proszę -

(głos Usi)

I tak nastała druga połowa XX wieku

W Polsce.

[…]


MATKA DZWONI

NARRATORKA
Matka dzwoni do córki jak co dzień, o ile córka sama nie zadzwoni,

trzeba bowiem zasupłać nieco więzy krwi, bo się rozluźniły.

Córka udaje że słucha bo matka musi się mielić,

i trzeba słuchać mielenia, bo matka w czterech ścianach sama.

Kiedyś córka wpada na pomysł. Odstawia telefon, raz na dziesięć minut

podchodzi do słuchawki i na chybił trafił mówi w nią : acha albo jasne.

Trochę się obawia, ale Zawsze trafia. Nareszcie zauważa,

że chodzi tylko o Ucho, a nie o trafienie, nie o to co powie,

co beknie czy pierdnie.

Chodzi o Ucho. Albo fantom Ucha. Im bardziej nikogo tu nie ma,

tym lepiej. Tym prościej, tym bardziej hulaj dusza,

tym przyjemniej mielić. Wióry lecą w otchłań bez oporu.

[…]


ARIA

PISZĄ W PORADNIKACH NAM O POJEDNANIU

NARRATORKA
W ostatnim porywie pragnienia bycia usłyszaną Usia przybiega

do tej larwy głuchej, do tej krwiopijczyni (z której krew wypito).

Aby dać jej szansę zostania matką.

Chce dać jej szansę, żeby ją mogła przeprosić.

Poza tym chce żądać Wpuszczenia do Historii,

Zwolnienia za Smyczy, Wysłuchania Żalów i Pretensji,

oddalanych zawsze z niewiarygodnym

jazgotem. Trzeba się pożegnać, powiada Usia,

z wrabianiem jej w poczucie winy. Koniec z dzwonieniem codziennie

i pieprzeniem jej o czterech ścianach ! ona i tak nie zostanie piątą.

Twierdzi też, że nie nazywa się Adolf Hitler.

Proszę, oto dowód na inne nazwisko. Sama ma już lata.

Do siebie z szacunkiem prosi się odnosić !

Ha, to się nazywa zwieńczenie rozdziału życia.

Napraw mi to ! - powiada (to niewiarygodne, jak

długo i mimo ilu doświadczeń można mieć oczekiwania !). Nie ma

zbyt wiele na myśli, przyznać trzeba.

Mówi, że czeka na jakieś przepraszam - byle szczerze i ze zrozumieniem

za co mianowicie.

Usia ! - odpowiada Meter. - PONIEWIERAĆ MATKĄ TO TY UMIESZ DOBRZE,

A skoro masz takie pretensje i skoro ci nie odpowiadam jako twoja Matka,

To mnie zabij. Proszę !

*

Zabić cię, myśli Usia, jak cię nie zabili Niemcy,

dwie armie przynajmniej, dywizje pancerne, czołgi i lotnictwo

całe cztery lata, to ja mam dać radę?

Par Bożena Keff

De la Mère et de la Patrie se présente comme un oratorio qui réunit le personnage d’une mère, déclinée en plusieurs voix (la mère, Meter - Déméter), Nola, Alien, la propriétaire), et celui de sa fille (Ninette, la narratrice, Ripley, la déesse Coré - Perséphone), ainsi qu’un chœur. La structure de la pièce s’apparente à une composition musicale, parfois de façon explicite : ainsi, certaines répliques sont désignées par des termes musicologiques (la basse, l’alto, le soprano, le chant, le chœur).
La mère, survivante de la Shoah, a fait de son expérience un destin exceptionnel. Ce sont ses morts, sa tragédie, sa souffrance, son martyre qu’elle ressasse et qu’elle impose à sa fille ; celle-ci, réduite à la seule fonction d’auditrice passive, est parasitée par les récits maternels dont elle cherche à s’émanciper. On comprend, par des marqueurs temporels en filigrane, que ce duo de la mère et de la fille s’étend de l’enfance à la vieillesse de la seconde. À l’emprise de la mère s’ajoute le mythe patriotique de la Pologne des années 1960-70, durant lesquelles la fille a grandi, mythe au travers duquel perdure de nos jours un discours nationaliste et antisémite qui stigmatise aussi bien le judéo-bolchévisme du Parti Communiste que l’opposition démocratique naissante.
Le tête-à-tête de la mère et de la fille s’inscrit dans une mosaïque de références : mythologies grecque (Oreste, Déméter, Perséphone), aztèque et hindoue, Exode biblique, mais aussi révoltes d’esclaves dans le sud des États-Unis, et culture populaire avec les personnages de Lara Croft, Alien et Ripley qui permettent à la fille d’opposer un monde à elle à celui de sa mère.

Inspirée par la même démarche que la bande dessinée Maus d’Art Spiegelman, la pièce de Keff représente une voix de la deuxième génération après la Shoah qui essaye de se positionner face au récit des parents.

La langue de Keff, d’une grande puissance poétique, maîtrise la violence du propos par un usage concis et dépouillé des mots et des images, mêlant plusieurs registres, dont l’ironie. La dimension « blasphématoire » de la pièce en est renforcée, puisque celle-ci porte atteinte à deux instances d’autorité dont on ne peut médire et qui participent à la formation de l’identité d’un individu : la mère et, faute du père, la patrie. Toutefois, Bożena Keff ne remet pas seulement en question l’autorité maternelle : dès les premier vers, elle désigne l’état de maternité qu’on instrumentalise à des fins politiques en ignorant l’incertitude, l’angoisse et l’ambivalence qui l’accompagnent et qu’évoquent ici des images crues et triviales de corps désacralisés.
Une telle représentation de l’amour maternel peut choquer, mais la provocation n’est pas l’unique but de l’écrivain polonais : la mère a été elle-même victime des cruautés de la guerre, et l’image du corps devenu viande provient de cette expérience, selon une poétique qui mélange terreur et admiration. La Pologne d’après-guerre est soumise à une critique tout aussi virulente que la figure maternelle : car la Patrie, comme la Mère, sont devenues des victimes majuscules, absolues et, du coup, ont pris une dimension monstrueuse, que Bożena Keff décrit avec force.

La pièce a été écrite en 2007, à l’époque où les frères Kaczyński, parvenus au pouvoir, s’associent aux représentants du parti d’extrême-droite auquel ils accordent notamment le ministère de l’Éducation. Ce contexte permet de lire le texte de Keff comme la voix d’un désaccord violent vis-à-vis de la déchéance dans laquelle sombre le pays.

La force du texte de Bożena Keff a trouvé un écho presque immédiat dans le milieu théâtral polonais : en 2010, la pièce est mise en scène par Marcin Liber à Teatr Współczesny de Szczecin, et en janvier 2011 par Jan Klata, l’un des metteurs en scène les plus prometteurs, au Teatr Polski à Wrocław. Ce spectacle a par ailleurs reçu plusieurs prix aux festivals de Szczecin, Toruń, Łódź, Kalisz, Kraków et Zabrze.

La pièce de a déjà été traduite en allemand, anglais (américain), italien et espagnol. La traduction française a été soutenue par la Maison Antoine Vitez et par Instytut Książki. Elle fait également partie de la sélection du réseau Eurodram (2011/2012)

Un autre extrait à découvrir sur le site Remue.net

Bożena Umińska-Keff , née en 1948 à Varsovie, est journaliste, chercheuse en littérature à l’Institut historique juif, critique de cinéma, traductrice et poète.
Elle a publié trois volumes de poésie : Razem, osobno (Ensemble, séparément, 1986), Sen o znaczeniu snów (Rêve sur la signification des rêves, 1994) et Nie jest gotowy (Il n’est pas prêt, 2000). Elle a également écrit une étude, Postać z cieniem. Porterty Żydówek w literaturze polskiej (Silhouette avec ombre, portraits de femmes juives dans la littérature polonaise, 2001), un recueil de textes critiques Barykady, kroniki obsesyjne z lat 2000-2006 (Les barricades, chroniques obsessionnelles des années 2000-2006, 2006) et un essai sur l’antisémitisme Antysemityzm. Niezamknięta historia (Antisémitisme. Une histoire ouverte, 2013) Elle est co-auteur de la première étude parue en Pologne sur l’homophobie, Homofobia po polsku (L’homophobie à la polonaise, 2004).
Par ailleurs, elle a cotraduit en polonais The dictionary of feminist theory de Maggie Humm, The female eunuch de Germaine Greer et Feminist thought : a more comprehensive introduction de Rosemarie Putnam Tong.
Bożena Keff est l’une des premières chercheuses à s’intéresser, en Pologne, au lien entre nationalisme et construction culturelle de l’identité sexuelle. De fait, dans Silhouette avec ombre , elle analyse la double exclusion des femmes juives dans la culture polonaise.
Ses textes critiques mettent en avant les aspects discriminatoires de la culture polonaise (misogynie, homophobie et antisémitisme).
Silhouette avec ombre et De la Mère et de la Patrie ont tous deux été sélectionnés pour le prix NIKE.

Sarah Cillaire et Monika Próchniewicz ont cofondé la revue Retors et traduisent en binôme des textes littéraires polonais.

Les photographies proviennent du spectacle de Jan Klata.

[1KOR (Komitet Obrony Robotników) – Comité de Défense des Ouvriers, un groupement d’intellectuels polonais formé en 1976

[2Membres du Parti Communiste polonais, respectivement premier ministre et porte-parole du gouvernement dans les années 1980-1989

[3Membres de l’opposition démocratique polonaise, du comité de Défense des Ouvriers et puis du syndicat Solidarność.