L’EXPRESS PRAGUE–RADOTIN

Je traverse le hall de la Gare de Smichov, à Prague. Elle sent les relents de pisse et d’autres choses dont il vaut mieux ne pas chercher la source. Les pierres du sol et les carreaux des murs exhalent l’atmosphère typique du lieu. Oui, parfois je préfèrerais que la gare s’auto-vaporise contre la mauvaise haleine. Pourtant j’aime bien cet endroit, je m’y suis fait, depuis cinq ans où j’y passe presque tous les jours. J’y côtoie des dizaines de visages anonymes pressés de vivre leurs vies, lesquelles – pour certains d’entre eux – passent désespérement vite. Certains font la moue, d’autres affichent des expressions neutres, d’aucuns rient, peut-être pour se donner du courage, ou bien tout simplement parce qu’ils sont heureux. Et quelle expression j’ai, moi ? Je n’ai pas encore osé poser la question à quelqu’un.

Je passe sous le panneau de départs des trains, sans le regarder. Il est inscrit dans ma tête que le mien, l’express Prague – Radotin, part à 13h19. Il est un peu idiot de dire Prague – Radotin étant donné que ma commune fait depuis longtemps partie de Prague, et il est peut-être encore plus idiot de désigner comme express un train qui s’arrête parfois même à Chuchle, tout en étant toujours plus rapide qu’un bus des transports urbains. Un doigt derrière notre maison se trouve le panneau « Fin de Prague » que la nuit nous repoussons en secret, moi et mon commando, quelques mètres plus loin – nous aussi sommes des Praguois !

Je marche lentement jusqu’aux marches descendant vers le passage souterrain où m’attend le spectacle traditionnel d’un vendredi après-midi. Et, effectivement, une tzigane bien connue me sourit à distance puis me propose le journal Nouvel Espace. Une fois, je le lui ai acheté et, depuis, elle me réserve un traitement de faveur spécial-camelote.

– Bôôn chour, monsieur, c’est un plaisîîr de vous voir ! m’aborde-t-elle en braillant. N’est-ce pas que vous en prenez un !

J’ai un peu mauvaise conscience pour quelques derniers numéros que j’ai refusé d’acheter, et pour tout dire je suis allé jusqu’à m’excuser en disant qu’en tant qu’étudiant j’avais certainement encore moins d’argent qu’elle. Enfin je hoche la tête en signe d’accord et prends un exemplaire de son journal. En réponse me vient son hurlement :

– Monsieur, comme je vous aîîîme !

Qu’on me dise encore que l’amour ne s’achète pas !

Je monte en courant l’escalier le plus éloigné et devant moi apparaît le quai numéro trois. Je ne sais pas si on peut voir la même scène sur d’autres quais, ceux d’où on ne part pas pour Radotin, mais à chaque fois que quelqu’un monte cet escalier, les passagers appuyés contre la rambarde le scrutent avec curiosité. Ils le jaugent du regard pour ne pas dire qu’ils le toisent comme s’il passait par un couloir d’opprobre ; tout juste s’ils ne lui cracheraient pas dessus. Avant ces regards me déprimaient fort, jusqu’au jour où, pris d’un accès d’humeur, j’ai fixé l’un des observateurs, plissé le front et imité, goguenard, sa propre expression. Aujourd’hui, c’est apparemment un cas exceptionnel : il n’y a que deux vieilles qui me regardent, dont l’une souffle à l’autre des mots depuis sa moustache qui aurait honoré l’empereur François-Joseph, tout en continuant à me jeter des coups d’œil sévères. Je lui retourne ce regard puis je me replie. Je n’ai pas envie de la provoquer. Je me souviens vaguement de l’avoir mise dans une colère bleue à cause des quolibets que je lui lançais avec un copain à l’âge de onze ans, alors qu’elle se tenait debout sur son balcon. Mais je n’en suis pas sûr, je peux me tromper, ça fait si longtemps déjà – Jésus, presque la moitié de ma vie !

Autour d’un kiosque s’amassent des gens mastiquant les délicatesses proposées par l’estaminet. Il me semble que le clappement de leurs langues atteint l’intensité d’un avion à l’atterrissage, les miettes s’envolent de leurs bouches au ralenti, un serrement de la mâchoire s’étend sur plusieurs éternités, les espaces naissent et disparaissent alors que les yeux des ruminants ici-même se plongent dans le néant. Un clic et le mouvement de pellicule retrouve sa vitesse d’origine.

– Regarde, toi ! m’apostrophe quelqu’un.

Je sursaute un peu. Appuyé contre une colonne, voici un SDF barbu, en lunettes et avec une chevelure brune ébouriffée, partie intégrante du coloris de cette gare. Derrière ses verres épais, discerne-t-on la folie qui ne surprend plus personne ici. Ce qui peut toujours étonner, c’est son accoutrement. Un clochard « normal » s’habille probablement de ce qui lui tombe sous la main. Celui-ci, je voudrais vraiment savoir où il déniche sa garde-robe. On aurait dit que Michal David avait jeté ses tuniques brillantes des années 1980 ; fussent-elles le comble du mauvais goût, j’apprécierais que ce SDF ait aussi hérité de son pantalon parce que – ah non, un caleçon troué, ce n’est pas assez !

– Tiens, j’en ai un nouveau ! Il tire le tissu et, contre mon gré, soumet à mon regard un membre d’une nature hautement génitale.

– C’est vraiment super. Je me détourne et me frotte les yeux, en espérant que cette vue ne se calquera à jamais sur ma rétine.

Je m’éloigne de ma connaissance, laissant derrière moi tout ce mélange multicolore d’hommes, tous les jours à peu près identique. Baba cool apathiques, fillettes timides, biquettes riant d’une façon débile sur un magazine pour teenagers, managers avec des crânes dégarnis, grand-mères s’appuyant sur leur canne, femmes au foyer, gens ordinaires, quelques individus indescriptibles, chien et contrôleur de la compagnie de chemins de fer, tous forment un seul ensemble.

Je m’arrête en constatant qu’en face de moi se tient debout et fume une cigarette un monstre aux cheveux enduits de gélatine, c’est le copain Jakub avec qui j’ai fait l’école primaire. Enfin, copain, je ne le vois pas très souvent et encore moins souvent je parle avec lui, je l’ai toujours trouvé un peu… con. Je n’ai pas l’intention de le rejoindre mais lui me repère, il lève le bras et avance en ma direction.

– Salut, marmotte-t-il comme il le fait depuis toujours, comment ça va, mon pote ? Quand il dit « mon pote », de la salive s’envole de sa bouche pour atterrir droit sur mon nez. Visiblement il ne s’est aperçu de rien, il n’attend pas ma réponse et continue à débiter. « Je ne t’ai pas vu depuis la fin de la dernière année scolaire, t’as passé de bonnes vacances ? Et l’école, ça va ? Tu fumes ? Si tu veux, prends une clope. » Il me tend son paquet de cigarettes. Je ne sais pas laquelle de son tas de questions choisir en premier. Je regarde le paquet de cigarettes. C’est des Pall Mall.

– Bah, je sais pas, dis-je et je hausse les épaules, feignant l’embarras, je ne suis qu’un fumeur occasionnel.

L’air confus, Jakub range son paquet.

– Je ne fume que lorsqu’une occasion se présente – alors j’en prends une, merci, ajouté-je rapidement.

– Mais tu disais que… Une grimace de surprise profonde envahit son visage.

Ceci est exactement la raison pour laquelle on ne pouvait jamais être amis : il ne pige pas mon humour hautement raffiné.

Je balaie l’air d’un geste de la main et j’allume une de ses cigarettes avec mon propre briquet. Ah ! Aspirer la taffe bénite : elle brûle les poumons, tout en caressant l’âme. Et puis, avant un cancer, je dispose peut-être encore de quelques dizaines d’années de sursis.

– Et toi, ça va ? Je poursuis le dialogue par politesse, m’y sentant obligé vu la clope qu’il vient de m’offrir. Le fait que je n’ai pas répondu à la plupart de ses questions ne paraît nullement gêner Jakub. Ceci dit, s’il n’avait pas giclé à chaque minute de sa bouche un jet de paroles cruches, je crois qu’il aurait probablement implosé.

– C’est la pêche, même si l’école me fait chier mais c’est toujours pareil.

– Où tu vas mainte… lancé-je faiblement mais il me coupe :

– Mais à part ça, ça va super, je fais tout le temps la fête même si je ne bois pas autant, ces derniers temps, je n’en ai pas trop envie, là je prends plutôt du kif, parfois je prends de l’extasy dans un club ou j’achète un buvard.

– Tu prends du LSD ? lui demandé-je avec étonnement, non pas pour augmenter mon crédit moral, déjà médiocre, mais parce que cette drogue est surtout prisée par des intellos ou des hippies dans mon entourage. Ils cherchent une expérience mystique, se laissent inspirer, etc. Je ne comprends pas ce que Jakub voudrait expérimenter, lui, pur et simple produit d’un mode de vie consumériste...

– C’est sûr, mon pote, j’en ai pris récemment quand on est allés en boîte.

Quel con, l’idée me traverse l’esprit, tout le monde affirme en effet qu’un lieu surpeuplé du genre discothèque est le dernier endroit où on devrait s’essayer au LSD.

Le train, une vieille rame électrique bleue et blanche, arrive en gare. J’écrase ma cigarette et la porte mécanique s’ouvre avec fracas devant moi. Les gens se pressent, nous nous pressons tous. Dès que nous sommes fourrés dedans, nous nous asseyons face à face avec Jakub. Celui-ci manifeste l’intention de ne pas quitter le champ psychédélique et sort l’Histoire. J’espère que je vais tenir le coup. Comme on ne met que dix minutes pour arriver à Radotin et que lui habite à Cernosice, sauf à ce qu’il décide de déménager pour venir habiter chez moi afin d’aller au terme de ses jacasseries, je devrais survivre. J’observe ses lèvres en mouvement, sa pomme d’Adam qui fait du yoyo ainsi que son expression ravie et la panique me prend : et s’il envisageait vraiment de déménager pour s’installer chez moi ! Je secoue la tête comme pour chasser un moustique et je branche le son.

– Alors il est venu chez elle pour forniquer. Elle l’a assis sur le canapé et lui a dit qu’elle allait d’abord se doucher. Il l’attendait, bon, et puis il lui est venu une envie terrible de chier. Il savait pas si c’était à cause du trip mais il devait aller vite chier quoi. Mais elle avait les cabinets dans une seule pièce avec la salle de bains, il voulait pas aller chier là où elle était, donc il regardait autour de lui et il a vu un chien se promener dans la chambre. Et parce qu’il flippait, l’idée l’a pris de chier sur le tapis, de se nettoyer avec son caleçon et lorsqu’elle aurait trouvé le truc, il aurait tout jeté sur le dos du chien. Alors il a chié par terre et il pensait qu’il n’était pas bien malin. Après elle est sortie de la douche et s’est mise à brailler, qu’est-ce que c’était que cette merde. Georges a haussé les épaules et a montré le chien du doigt. Elle est devenue toute rouge et lui a hurlé que ce chien était en verre. La vache ! Il l’a regardée comme un con. Bien sûr qu’elle l’a viré et il n’a pas forniqué.

Je le fixe pendant un instant puis j’éclate de rire. Je ne m’attendais pas à entendre de Jakub une histoire vraiment drôle. En plus, j’ai été touché par le héros de cette anecdote, une autre de mes vieilles connaissances. Il est curieux de voir mes ex-camarades d’école chétifs se muer en des personnages déféquant dans les salons pour ensuite essayer d’en filer la responsabilité à un chien de verre. Je n’ai pas eu le temps d’ouvrir la bouche que Jakub engrène une autre histoire, sur lui et quelques médicaments cette fois-ci. Je cesse de l’écouter et change de pôle d’intérêt au profit de la fille assise quelques rangées de sièges plus loin. Je reconnais en elle une autre ex-camarade d’école (qu’est-ce que c’est que cela, bon sang ? un train de souvenirs ? Montez et vous n’allez pas regretter, nous allons vous rejouer en quelques minutes des séquences de votre vie passée, le tout couvert d’un léger voile de pathos !), avec laquelle j’ai eu en quatrième une sorte de pseudo-relation. Ce ne serait pas une justification suffisante pour la fixer sans arrêt, mais récemment nous sommes entrés en contact via ICQ et elle m’a confié qu’elle avait une très grande envie de me revoir, elle a posté un commentaire admiratif sur mon profil Facebook, m’envoyait de petites bêtises, des tas de jouets à la con qu’offrent les réseaux sociaux sur Internet.

Elle a grandi, la nana, depuis ses quelques dernières années. Absolument de partout. Non pas jusqu’à la perfection, mais elle n’en est pas très loin. Il est probable qu’elle ne s’est jusque-là pas aperçue de ma présence, surtout à cause du casque qu’elle a sur les oreilles et qui lui a épargné les élucubrations bruyantes de Jakub.

Maintenant elle a bougé la tête et nos regards se sont croisés, suivant le scénario classique où les deux s’interceptent mutuellement, se rendent compte qu’ils se sont vus l’un et l’autre mais détournent tous les deux les yeux, ils repèrent encore de biais l’autre s’écarter pour enfin faire comme s’ils ne s’étaient jamais aperçus.

Péteux. Ducon. Faux-cul. Débile mental.

Avant de tendre un majeur imaginaire à ma voix intérieure, je répère, assise un siège derrière moi, la vieille qui m’a toisé sur le quai. Aussi difficile à croire que cela paraisse, elle a dû clopiner à nos trousses puis assister à l’intégralité de notre dialogue ou plutôt du monologue de Jakub. Là, elle vient d’attraper la manche du contrôleur, imaginant sans doute qu’en vertu de l’uniforme qu’il porte et de l’autorité morale que cela lui confère, il va d’abord nous corriger, Jakub et moi, pour ensuite nous mettre en état d’arrestation.

– Quelle racaille dans ce train ! sa voix se hisse par-dessus les autres et ressemble au crissement d’une portière non huilée, c’est des voyous drogués, depuis le début, ils ne parlent que de drogue, je vous dis, on devrait les mettre en prison !

Elle ne se rend pas compte de tenir par la manche le contrôleur qui visiblement a horreur des gens, au point que rien que de demander son billet à quelqu’un doit lui poser problème. On décèle sur son visage qu’il souhaiterait se trouver en ce moment quelque part loin de là.

– C’est à coup sûr eux deux qui abîment et taguent les trains la nuit ! la vieille mégère poursuit sa tirade et secoue le bras du contrôleur jusqu’à lui faire glisser son képi sur le front.

Je lève les yeux au ciel, hoche la tête vers Jakub et fronce les sourcils à l’intention de la sorcière sans balais. Décidément la faute est à mon karman, elle se venge parce qu’à onze ans je descendais en planche son escalier puis je lui criais dessus. Mais j’encule déjà mes souvenirs et m’approche de la porte de la voiture, le train arrivant à l’arrêt. Au moment de passer à côté de mon amour potentiel, je détourne déséspérement la tête, de même qu’elle.

Nous le savons tous les deux.

Le train s’arrête dans un grincement de freins. Je saute sur le quai en béton et, ignorant la bouche des sous-sols, je coupe vers le passage à niveau. L’affiche interdisant de traverser le rail ne m’émeut plus depuis longtemps. Quelques secondes après moi, la retraitée en furie va jouer des coudes pour sortir à son tour mais je ne fais plus attention à elle. Je mets le casque et les Beatles s’incrustent dans mes oreilles. Je leur en suis reconnaissant.

En prenant le raccourci vers le trottoir derrière la barrière du passage à niveau, je trébuche sur les cailloux saillant de la terre. Gêné par mes chaussures à semelle fine et légèrement déchirées, je pose les pieds avec précaution comme si j’avançais à travers un champ de mines. À mi-chemin, mon train me double. J’écoute le bruit de traverses qui bat en intensité la voix de Lennon et je regarde l’Express Prague—Radotin s’éloigner vers d’autres gares qui ne m’intéressent plus. Se dodelinant entre le rêve et la réalité, il transporte tous les jours une pléiade d’originaux. Camarades d’école drogués. Mémères coléreuses. Ex-amours qui, en fait, n’en furent jamais. Contrôleur timide souffrant d’une phobie sociale…

Ou bien moi-même.

Traduit par Martin Daneš

Procházím zastřešeným prostranstvím Smíchovského nádraží, slabě zapáchajícím močí a jinými věcmi, po nichž není radno pátrat. Ze špinavých kamenů podlahy i dlaždiček zdi na mě dýchá věru typická atmosféra. Ano, někdy bych byl radši, kdyby na sebe použilo nádraží osvěžovače dechu, a přece mám to místo rád. Za posledních pět let, co tudy jezdím téměř denně, jsem se s ním stačil sžít. Míjejí mě desítky anonymních tváří spěchajících za svými životy, jež některým z nich možná zběsile utíkají. Jedni se mračí, druzí se tváří neutrálně, další se smějí, snad aby si dodali odvahy, možná i proto, že jsou zkrátka šťastní. A jak se tvářím já? Zatím jsem nenašel odvahu se na to někoho zeptat.

Procházím pod tabulí ukazující odjezdy vlaků, aniž bych se na ni díval. V hlavě mám zakódováno, že ve 13:19 jede ten můj, Expres Praha – Radotín. Pravda, naše obec je už pár desetiletí oficiálně součástí Prahy, a vlak, jenž někdy staví i v Chuchli, rychlostí nevyniká, přesto s ním do cíle dorazíte dřív než městským autobusem. Poblíž našeho domu se nachází cedule Konec Prahy; po nocích ji se svým komandem tajně přesouvám o několik metrů dál – my zkrátka Pražáci ještě jsme!

Pokračuji volným krokem až ke schodům vedoucím do podchodu. Zde mě čeká moje tradiční páteční epizodní scénka. A opravdu, už z dálky se na mě ksichtí známá cikánka a nabízí mi časopis Nový prostor. Od té doby, co jsem si jeden koupil, mám u ní cosi jako vyvolávačskou protekci.

„Dóbry dén, páne, dóbry den, já vás zas tak rádá vidim!“ volá na mě. „A že si dneska jeden koupíté!“

Trochu se ve mně hne svědomí, neboť jsem několik posledních čísel vynechal, vymlouvaje se na to, že jako chudý student mám peněz nejspíš ještě méně než ona. Nakonec přikývnu a vytahuji peněženku. Reakcí je hlasitá euforie. I poté, co s časopisem v kapse zmizím za rohem, doprovází mě její radostné skřehotání:

„Páne, páne, já vás míluju!“

Pche, a pak že si lásku za peníze nekoupíš!

Vyběhnu nejvzdálenější schody a přede mnou se vynoří nástupiště číslo tři. Nevím, zda se to děje i na nástupištích, z nichž se do Radotína nedostanete, ale pokaždé, když někdo vychází ty schody, opírají se okolostojící o zábradlí a zírají na něj. Vrhají na něho hodnotící, ne-li rovnou pohrdavé pohledy, jako by procházel uličkou hanby, jenom si uplivnout. Dřív mě ty pohledy hrozivě deprimovaly, až do chvíle, co jsem si jednoho čumila troufl zaměřit, zkrabatit obličej a posměšně napodobit jeho výraz. Dnešek je zjevně výjimkou: pohled mi věnují jen dvě starší ženské, jedna druhé něco mumlá zpod kníra, za nějž by se nestyděl ani Franz Josef, a dál si mě přísně měří. Chvíli na ni koukám a nakonec uhýbám pohledem. Nemám chuť ji provokovat. Matně si vybavuji, jak jsem ji v nějakých deseti jedenácti s kamarádem rozpálil doběla posměšky na její účet, když stála u sebe na balkóně. Ale nevím, možná se pletu, je to už tak dávno – Ježíši Kriste, vždyť je to skoro polovina mého života!

U stánku s občerstvením postává několik lidí žvýkajících delikatesy, jež nabízí místní bufet. Zdá se mi, že jejich mlaskání nabývá intenzity přistávajícího letadla, drobky jim létají od úst ve zpomaleném záběru, jedno skousnutí trvá několik věčností, vesmíry se rodí a zanikají, zatímco ti přežvykující tady hladově třeští oči doblba. Cvak, a film se vrací do normální rychlosti.

„Hele, koukej!“ někdo na mě.

Lehce sebou trhnu; o sloup se opírá neoddělitelná součást koloritu zdejšího nádraží, vousatý bezdomovec s brýlemi a do všech stran trčícími černými vlasy. Za tlustými obroučkami se mu zračí šílenství, jež tu už nikoho nepřekvapí. To, čím se mu překvapovat stále daří, je oblečení. Normální bezdomovec se nejspíš navlékne do něčeho, co najde, ale mě by vážně zajímalo, kde své svršky hledá tenhle. Vypadá to, že Michal David zahodil své blyštivé vesty z osmdesátých let, které sice odráží vrchol nevkusu, leč já bych si byl přál, aby mu byl zpěvák přenechal i kalhoty, protože – ne, roztrhané spoďáry nestačí!

„Mám nový!“ zatahá spokojeně za látku svých trenýrek a já jsem proti své vůli obdařen pohledem na úd vysoce genitální povahy.

„No super,“ obracím se a zoufale si protírám oči, doufaje, že se mi ten výjev navždy nevpálí do sítnice.

Vzdaluji se od svého známého a zařazuji se do pestré, jako každý den vcelku identické směsice lidí na nástupišti. Apatičtí vlasatci, ustrašená děvčátka, nad pubertálním časopisem se debilně smějící pipinky, manažeři s ustupujícími vlasy, o hůl se opírající babky, ženy v domácnosti, normální lidi, pár blíže neurčitelných jedinců a pes, ti všichni tu tvoří jeden celek.

Zastavuji se a zjišťuji, že přede mnou stojí a pokuřuje nagelované monstrum, kamarád Jakub, co se mnou chodil na základku. No, kamarád, moc často ho nevídám, ani se s ním nebavím, on byl odjakživa tak trochu... blbec. Nemám v úmyslu k němu jít, ale on si mě všímá, mává na mě a vydává se mým směrem.

„Nazdar,“ huhlá, jak to dělal vždycky, „jak se vede, kámo?“ Při slovech „se vede“ mu z úst vyletí slina a přistane mi přímo na nose. Zjevně si toho nevšiml, ani nečeká na mou odpověď a mele dál. „Jsem tě neviděl vod konce minulýho školního roku. Jaký byly prázdniny? A co škola? Jo a kouříš? Když tak si vem,“ podstrkuje mi krabičku.
Váhám, kterou z přívalu otázek si mám vybrat. Koukám na balíček cigaret. Hm, Pallmallky.

„No, já nevím,“ říkám a s přehrávanou rozpačitostí krčím rameny. „Já jsem jenom příležitostnej kuřák.“

Kubík se zmateným výrazem krabičku schovává.

„Kouřím, když mám příležitost – takže si jednu vezmu, dík,“ dodávám rychle.
Překvapenější výraz už nasadit nemohl:

„Dyť jsi řikal, že...“

Ach jo. To je ten důvod, proč jsme se nikdy nesblížili: nechápe můj vytříbený smysl pro humor.

Jen mávnu rukou a vlastním zapalovačem si jednu podpaluju. Blahoslavený šluk – uklidňuje duši a škvaří plíce. Ale co, na rakovinu mám snad ještě pár desítek let času...

„Co ty, jak se máš?“ zdvořilostně pokračuji v rozhovoru. Kvůli darovanému žváru cítím povinnost. Jakubovi zjevně nevadí, že jsem mu neodpověděl na většinu z jeho otázek. Myslím si, že ten kdyby z huby nevypustil co minutu spršku hloupých keců, nejspíš by přetlakem vybuchl.

„Super, jen škola mě sere, ale to vždycky.“

„Kam vlastně chod...“ pokouším se chabě, ale přeruší mě.

„No ale mimo to je to super, fakt, furt nějak pařim, i když s chlastem je to teďka slabý, ani se mi moc nechce chlastat, teďka spíš dost hulim, vobčas si v nějakym klubu hodim extošku nebo si sem tam koupim papír.“

„LSD?“ ptám se nevěřícně. Ne že bych si chtěl zvýšit svůj beztak nevalný morální kredit, nýbrž proto, že tuhle drogu berou hlavně intelektuálové nebo hipíci v mém okolí. Hledají mystické prožitky, nechávají se inspirovat a tak. Nechápu, co by zrovna Jakub chtěl prožívat nebo hledat, on, takový výplod konzumního stylu života.

„Jasně, ty vole, teď jsem si ho nedávno dal, když jsme šli na diskošku.“

„To je pako,“ prolétne mi hlavou: odevšad slyším, že rušné prostředí je tím posledním místem, kde by se mělo LSD zkoušet.

Přijíždí vlak, starý modrobílý pantograf. Típám cigaretu a přede mnou se s klepáním otevírají zašlé dveře. Lidi se cpou, my všichni se cpeme. Když jsme uvnitř, sedáme si s Jakubem na protilehlá sedadla. Můj spolucestující projeví úmysl nevzdat se psychedelické tématiky a vytahuje Historku. Snad to zvládnu, říkám si, do Radotína je to nějakých deset minut, Jakub bydlí v Černošicích, takže nebude-li se kvůli svému blábolení chtít přestěhovat ke mně, přežít bych to měl. Jak tak koukám na jeho komíhající se rty, poskakující ohryzek a nadšený výraz, zmocňují se mě obavy, že se přestěhovat chtít bude. Zatřepu hlavou, jako bych se prudce probudil ze sna, a zapínám zvuk.

„...a tak za ní teda přišel, že si zašoustaj, vona ho posadila na gauč, že se pude předtim vosprchovat. Takže von na ni zatim čekal, no a najednou ho přepadlo sraní. Nevim, jestli to bylo kvůli tomu tripu, ale prostě se mu najednou chtělo strašně na hajzl. No a vona měla ty sprchy s hajzlem spojený a jemu se nechtělo jít srát do koupelny, kde byla, tak se prej tak rozhlíd a uviděl, že jí tam po bytě chodí pes. Jak byl teda sjetej, tak ho napadlo, že se vysere na koberec, utře se trenkama a až to vona uvidí, tak to hodí na toho psa. Vysral se tam teda a myslel si, jak na to nevyzrál. Vona pak vylezla ze sprchy a úplně se rozeřvala, cože to kurva je. Jirka se jenom tak zaksichtil a ukázal na toho psa, že to jako von. Vona prej hned celá zrudla a zaječela, že ten pes je skleněnej. Ty vole, ten čuměl jako kráva! Jasně že ho hned vyhodila a von si nezašustil.“

Chvilku na něho jen tak zírám a pak se nahlas rozesměju. To bych býval neřekl, že se od Jakuba dočkám něčeho vážně vtipného. Navíc mě dorazil hlavní aktér jeho příběhu, další z mých známých. Je zajímavé, jak se bývalí neduživí spolužáci mění, kadí si v obývácích a pak to svádějí na skleněné psy. Ani jsem se pořádně nenadechl a už Jakub přihazuje další historku, tentokrát o sobě a nějakých lécích. Opět ho přestávám vnímat a moji pozornost zaujme dívka o několik řad sedadel dál. Poznávám v ní další bývalou spolužačku (Do háje, co to je? Vzpomínkový vlak? Nasedněte a neprohloupíte, ukážeme Vám záblesky z Vašeho života v několika minutách, vše v pěkně patetickém hávu!), s níž jsem měl v šesté třídě jakýsi pseudovztah. To by sám o sobě nebyl dostatečný důvod k nepřetržitému civění, jenže zrovna s ní jsem si nedávno psal na Facebooku a ona se mi svěřila, že by mě po dlouhé době ráda viděla. K fotkám mi přidávala adorující komentáře a posílala různé hlouposti, spousty těch nechutných hejblátek internetových sociálních sítí.

Vyrostla, holka, za těch pár let. Všude. Sice ne k úplné dokonalosti, ale blížila se jí. Pravděpodobně si mě doteď nevšimla, hlavně vinou sluchátek v uších, které ji ušetřily i Jakubových výlevů.

Najednou se dívka pohne a naše pohledy se srazí takovým tím stylem, kdy se oba zainteresovaní spatří, uvědomí si, že se navzájem viděli, leč odvrátí oči, ještě bočním zrakem zaznamenají, jak ten druhý uhýbá, a oba dělají, jako by se nikdy nezahlédli.

Srabe. Blbe. Pokrytče. Hovado.

Nestíhám vztyčit pomyslný prostředník na svůj vnitřní hlas, protože ze sedadla za
mnou vykoukne ta stařena, co si mě už na nástupišti výhružně měřila. Je to těžko uvěřitelné, ale spolu se svou kolegyní se nejspíš po nástupišti dobelhala za námi a celou tu dobu poslouchala náš rozhovor, respektive Jakubův monolog. Teď chytila za rukáv průvodčího v domnění, že když má uniformu, tak mě a Jakuba napřed zmlátí a pak zatkne.

„Takovej ksindl tady jezdí,“ rozléhá se její hlas ne nepodobný zvuku nenaolejovaných vrátek, „je to póvl zfetovanej, celou dobu tady mluví vo drogách, zavřít je. Zavřít!“

Neměla ani tušení, že za rukáv drží zrovna průvodčího, jenž má očividně panický strach z lidí a problém mu dělá i jen nahlas si říct o jízdenku. Je na něm vidět, jak moc si v tu chvíli přeje být někde daleko, pryč odtud.

„To voni dva po nocích určitě ničej vlaky a stříkaj na ně těma svejma sprejema!“ pokračuje babizna v obžalobě a třese průvodčím tak, až mu klouže čepice z čela.

Obracím oči v sloup, pak kývnu na Jakuba a zakaboním se na tu čarodějnici bez koštěte. To je holt karma, mstí se mi za to, jak jsem jí v jedenácti jezdil skejtem po schůdkách a pokřikoval na ni. Leč kašlu na vzpomínky a jdu ke dveřím vagónu. V momentě, kdy míjím svou potenciální lásku, úpěnlivě hledím stranou, stejně jako ona.

Oba to víme.

Vlak se skřípěním brzd zastavuje a já seskakuji na betonový chodník. Nevšímám si podchodu a vydávám se rovnou k železničnímu přejezdu. Nápis zakazující mi přechod přes kolejiště mě už dávno nevzrušuje. Za pár vteřin se ven prodere i rozzuřená důchodkyně, ale už ji nevnímám. Nasazuji si sluchátka a do uší se mi vpíjí Beatles. Jsem jim za to vděčný.

Zkratkou k chodníku za závorami klopýtám po kamenech trčících ze země. Mám boty s tenkou, natrženou podrážkou, a tak našlapuji opatrně, jako bych procházel minovým polem. V půli cesty mě předjíždí souprava, jíž jsem přicestoval. Poslouchám drncání pražců přehlušující i Lennonův hlas a sleduji, jak můj expres mizí v dáli směrem ke stanicím, které jsou mi ukradené. Potáceje se mezi snem a realitou, převáží den co den plejádu prazvláštních existencí. Zfetované spolužáky. Prskající babky. Bývalé lásky, které jimi vlastně nikdy nebyly. Ustrašeného průvodčího se sociální fobií.

Nebo taky mě.

Par Pavel Bušta

Pavel Bušta (né en 1991) est un écrivain, poète et journaliste tchèque. À l’âge de 19 ans, il a publié le recueil de nouvelles Expres Praha–Radotín (« L’Express Prague–Radotin ») grâce auquel il s’est fait remarquer par la critique.
Dans un récit semi-autobiographique, il décrit la crise d’adolescence d’un jeune Pragois. Depuis, il a sorti un autre recueil de nouvelles Sigmundovy můry (« Cauchemars de Sigmund ») ainsi que deux recueils de poèmes : Dvojtváří (« Double-face ») et Jednadvacátý století (« Le Vingt-et-Unième siècle »). En août 2019, il publie sa troisième prose, le « conte moderne » Lobotomík (« Le Tommy lobotomisé »), dans la maison d’édition pragoise Argo.

Martin Daneš est écrivain, traducteur et journaliste tchèque écrivant également en français. Diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Paris et de l’Institut Français de Presse (Université Paris 2), il a été correspondant de journaux français et belges à Prague.
Il a publié une dizaine de livres rédigés en tchèque (romans, recueils de nouvelles et recueils de chroniques confondus) ainsi qu’un premier roman écrit directement en français : « Le char et le trolley » (Éditions des Vents d’ailleurs). Il a traduit en français deux romans de l’écrivain tchèque Karel Poláček (1892–1945) : « Les Hommes hors-jeu » (Éditions Non Lieu) et « Nous étions cinq » (La Différence). Sa troisième traduction en français sont les correspondances de l’écrivain Karel Čapek (1890–1938) intitulées « Lettres à Věra » (Cambourakis).
En 2016, il a obtenu une bourse de découverte du Centre National du Livre pour écrire un roman sur Karel Poláček, mort avec une étoile de David sur la poitrine pendant une « marche de la mort » après la fermeture des camps nazis.