D’après Lucian Freud

L’Utopie s’étale lourde avec des mamelles, renversée nue sur l’ocre déchiré

d’un divan dégarni. La couleur fait face

sans les compromis de considérations marchandes.

Venu d’en haut, c’est un dévoilement de peinture, le ciel est implicite.

La saleté à sa place

est où nous sommes, épaisse gracieusement, là où nous avons tous déjà été

matelassés dans les bourrelets d’une chair

déballée.

Les poils obscurcissent ce qui reste d’antique en nous

et non-abrégé. Les ombres aussi sont nues. Par derrière,

les bottes remplies de mouvement reflètent

le langage de ce qui est.



Traduit par Célin Vuraler

Utopia occurs heavy with tits, spilling naked on a torn ochre couch

unstuffed. Color is full frontal

without reconfigurations of mercantile primacy.

It’s a painterly unmasking from above, implicit with sky.

Dirt in its place

is where we are, thick with grace, where we have all been before

cushioned in the flesh of folds

unboxed.

Body hair darkens what remains ancient in us

and unabbreviated. Shadows too are bare. From behind,

boots filled with motion reflect

the language of as it is.


Par Amy Hollowell

Amy Hollowell est poète, journaliste et traductrice franco-américaine. Elle est l’auteur de plusieurs recueils de poèmes, notamment Nous ici/Here We Are (édition bilingue, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2015) et Giacomettrics (corrupt press, 2013).

Depuis 1983, elle est membre de la rédaction de l’International Herald Tribune à Paris et elle a contribué en tant que journaliste à d’autres publications, en Europe et aux États-Unis. Elle est aussi enseignante de la méditation Zen dans la lignée White Plum crée par Taizan Maezumi Roshi. En 2004, elle a fondé à Paris le groupe Wild Flower Zen, qu’elle continue à diriger en France et au Portugal.

Célin Vuraler est née à Paris en 1976. Elle est traductrice littéraire du turc et de l’anglais. Particulièrement intéressée par la poésie, elle a traduit essentiellement des auteurs turcs contemporains.

Traductions :

Yiğit Bener, Le revenant, (2015, Actes Sud)

Alper Canıgüz, L’assassinat d’Hicabi Bey (2014, Mirobole éditions)

Küçük İskender, poèmes pour Levée d’encre, (2013, CITL)

Ahmet Altan pour le livre de photographies de Frances Del Chele, Du loukoum au béton (2012, Trans Photographic Press)

Ayşe Gül Altınay et Fethiye Çetin, Les petits-enfants (2011, Actes Sud)

Texte de Perihan Mağden pour Passa Porta, Maison internationale des littératures, pour le projet « Lettres à l’Europe » (2011)

Textes de Yiğit Bener, en collaboration avec la Villa Gillet et la Maison des écrivains étrangers (Meet) (2011)

Yiğit Bener, Autres cauchemars (nouvelles), (2010, Actes Sud)

Textes pour une anthologie du théâtre turc, Un œil sur le bazar, (2010, l’Espace d’un instant)

Poèmes contemporains pour les revues Siècles 21 et Pensée de Midi (ex : Murathan Mungan ; 2010)

Poèmes du « Second renouveau » pour la revue Action Poétique (ex : Ece Ayhan, Ilhan Berk ; 2010)

Poèmes pour les éditions de la Biennale des Poètes en Val-de-Marne 2009 et 2010 (ex : Haydar Ergülen, Tugrul Tanyol, Gür Genç)

Demir Özlü, Un rêve de Beyoğlu (nouvelle) (2009, Petra)

Dans la revue Retors, retrouvez sa traduction du Grand poème du Moyen Orient de Küçük İskender.

Illustration : Naked Portrait with Reflection (1980) par Lucian Freud.