Lettre à un ami inconnu

À toi, l’ami inconnu…

… que je n’ai encore jamais rencontré. Mais que je finirai par rencontrer un jour. Quand exactement, je ne le sais pas, mais je sens que c’est pour bientôt, car aujourd’hui, maman a emballé toutes nos affaires, quant à papa, il a fermé la maison. Nous allons quitter la ville et commencer un très long voyage qui – j’en ai la certitude – me conduira jusqu’à toi.
J’ai du mal à m’imaginer le lieu où enfin nous nous verrons, ni même de quoi tu auras l’air ; quelle sera la couleur de ta peau, le son de ta voix, et quelle sera la langue dans laquelle tu t’adresseras à moi, mais surtout, je ne sais même pas si tu seras une fille ou un garçon.

Lorsque j’essaie de t’imaginer, la première chose que je vois c’est un gamin maigrichon qui court vite, à la frappe puissante – au football, toi et moi, nous serons invincibles, car il faut que tu le saches, à ce jeu, je suis le meilleur, je m’entraîne chaque jour depuis que je suis en âge de jouer au ballon, ici, sur la place de l’église, à quelques pas de la maison. D’un autre côté, tu pourrais bien tout à fait me surprendre. Peut-être que là-bas, où je me rends à présent, je rencontrerai cette petite-fille, toi, une petite fille un peu spéciale, parce que de tous mes nouveaux amis, ce sera toi qui m’aimeras le plus, et dans la cour de récré, tu ne laisseras jamais personne m’embêter.

Puis, comme tous les autres, tu me demanderas si je rêvais depuis toujours de découvrir ton pays, d’apprendre ta langue et si ce sont là les raisons qui m’auront poussé à m’installer dans ta ville ? Je te ferai non d’un signe de la tête et j’essaierai de t’expliquer que ma venue ici n’est due qu’au hasard. Avec les mots de ta langue que je parle encore mal, je te décrirai…

La rue que chaque matin j’emprunte pour aller à l’école.

La grande place de l’église où, chaque après-midi, quand il n’y a personne, je joue au football.

Notre maison, avec un point rouge pour t’indiquer ma chambre.

Le cerisier des voisins dans lequel je grimpe parfois au printemps, lorsque je suis sûr que personne ne me voit, quand j’ai très envie de manger des cerises.

Margita, la fille du voisin, dont le père est pharmacien et qui, quand je redescends du cerisier couvert d’égratignures, joue à être le docteur, et moi le patient.

Et dont je ne suis pas amoureux, même en secret…

Et… tout ce qui fait ma vie dans ma ville.

Au début, tu m’aideras à faire mes devoirs – je ne comprends pas la moitié des consignes, mais toi, mon traducteur, mon autorité en mathématiques, tu es toujours là pour m’encourager. Avec le temps, j’apprendrai de mieux en mieux. Tu reprendras mes fautes de grammaire, nous parlerons des heures entières, tellement, que très vite je finirai par perdre mon accent étranger. Nous dévalerons les rues à toutes jambes, comme des furies. Les journées passées ensemble nous sembleront toujours trop courtes. Qui sait combien de temps je resterai ici ? Il nous faut nous dépêcher, profiter de chaque instant ! Qui sait, peut-être que demain je rentrerai à la maison, ou peut-être que je partirai plus loin encore, dans je ne sais quelle autre ville ?

Mais je nous vois aussi terminer l’école, et, peut-être, nous inscrire à la fac. Pour toi, il n’y aura pas d’hésitations possibles – les sciences, la biologie, toutes ces matières pour lesquelles tu auras toujours été le plus doué – tandis que moi, avec un peu de chance, je trouverai bien quelque chose où ma facilité à communiquer et à me faire des amis me seront utiles.

Nous travaillerons tous deux dans des pays différents. Les premières années, nous nous retrouverons souvent ; ce n’est plus un problème de voyager aujourd’hui quand il y a tellement d’avions ! Puis, plus tard, nous finirons par ressembler de plus en plus à nos parents, les tiens comme les miens ; plus nous passerons de temps au travail, moins nous aurons le temps de rendre visite à nos amis, qui vivront alors à l’autre bout du monde.

Bien des années plus tard, nous nous serons tout à fait perdus. Sauf peut-être ces rares fois, lorsque le temps sera assez doux et que dehors les enfants commenceront à jouer au football, ou lorsque les cerises seront enfin mûres, ces mêmes cerises que nous mangions ensemble autrefois, alors là seulement, nous penserons l’un à l’autre.

Beaucoup plus tard, tu auras enfin le temps. Alors tu te souviendras de cet endroit, l’endroit d’où je viens et dont je t’ai si souvent parlé. Tu commenceras un très long voyage qui te mènera jusqu’à ma ville.
Tu arpenteras les rues que j’arpentais autrefois. La douceur du soleil et la brise du printemps accompagneront chacun de tes pas. C’est ce soleil qui pousse tant d’étrangers à venir jusqu’ici, pour admirer la ville, s’en émerveiller et tenter de découvrir ses secrets. Ils ignorent encore que cela est impossible, car pour connaître les secrets d’un lieu, il faut y avoir grandi.

Sans dire un mot, tu t’arrêteras devant la maison, vide et silencieuse ; les volets que depuis bien longtemps plus personne n’ouvre, la cour où se sont envolés les rires des enfants, la cheminée sans fumée. Tu te demanderas laquelle de ces fenêtres étaient la mienne. Tu reconnaîtras la place où je jouais au football. Enfin, gagné par la fatigue, tu t’allongeras à l’ombre du cerisier en fleurs – à l’endroit même où je grimpais chaque printemps, lorsque j’avais faim, après avoir joué au ballon.

Une cerise bien mûre tombera dans tes mains. Tu te diras qu’après tout, cette ville est pleine de vie. Bien que la plupart de ses habitants l’aient quittée autrefois, d’autres sont venus s’y installer. À voix haute, tu te demanderas où je me trouve à présent, moi, ce petit garçon arrivé dans ta ville après avoir fui celle où tu te promènes aujourd’hui. Nous devions avoir à peine douze ou treize ans. La rue, déserte, ne te répondra pas.

Et lorsque tu t’apprêteras à remonter dans la voiture de location, tu ne seras plus tout à fait sûr de savoir dans quelle ville fantôme du pays tu auras séjourné. Était-ce à Grožnjan, ville abandonnée au cours de la Seconde guerre mondiale, ou Vukovar, ville abandonnée au cours d’une guerre plus récente, ou était-ce une autre ville, dont la solitude est sans doute beaucoup moins célèbre ?

Ton ami.

Traduit par Karine Samardzija

Tebi, nepoznatom prijatelju…

… kojeg još nisam upoznao. Ne znam točno kad ćemo se sresti, samo znam da uskoro hoćemo, jer danas moja mama sprema naše stvari, a tata zatvara kuću; odlazimo iz našeg grada i krećemo na dalek put koji će me- tako vjerujem- jednom dovesti i do tebe.
Ne mogu zamisliti gdje ćemo se sresti, niti kako ćeš izgledati; koje će boje biti tvoja koža, a koje tvoj glas, kojim jezikom ćeš govoriti; ne znam čak ni hoćeš li biti dječak ili djevojčica.

Kad te pokušavam zamisliti, pred očima vidim štrkljavog dječaka koji brzo trči i ima snažan udarac- da zajedno budemo nepobjedivi u nogometu, jer u tome sam, moraš znati, ja najbolji i nepobjediv- loptu nabijam svaki dan otkako sam postao dovoljno velik za to, tu, na trgu ispred crkve, samo minutu daleko od moje kuće. S druge strane, možda me sasvim iznenadiš- možda tamo gdje idem pronađem tebe, djevojčicu, posebnu po tome što ćeš me voljeti više od svih novih prijatelja i što nikada nikome u razredu nećeš dati da me gnjavi.

I ti ćeš me, kao i svi, pitati jesam li oduvijek htio posjetiti tvoju zemlju, naučiti baš tvoj jezik- jesam li zbog toga došao u tvoj grad? Odmahnut ću glavom i pokušati ti objasniti koliko je naše poznanstvo slučajno. Na riječima jezika kojeg još slabo govorim nespretno ću ti opisivati…

Ulicu kojom svakog jutra idem u školu.

Ogroman trg ispred crkve na kojem popodne, kad nikoga nema, igram nogomet.

Našu kuću, s crvenom točkom na mjestu gdje se nalazi moj prozor.

Susjedovo strablo trešnje na koje se ponekad penjem u proljeće, ako nitko ne vidi, kad me uhvati želja za trešnjama.

Margitu, susjedovu kćer- tata joj je ljekarnik- koja, svaki put kad se ogrebem na trešnji, glumi da je ona doktorica, a ja pacijent…

i u koju sam, nimalo potajno, zaljubljen…

I … sve ono što čini moj život u mom gradu.

U početku, pomagat ćeš mi sa zadaćama- ne razumijem pola uputa, ali ti ćeš me, kao moj prevoditelj, a i matematički autoritet, natjerati da ne preskačem zadatke. S vremenom, postajat ću sve bolji. Ispravljat ćeš me u gramatičkim pogreškama; razgovarat ćemo toliko puno i dugo da ću sasvim izgubiti strani naglasak; jurit ćemo ulicama kao zvrkovi, ni jedan dan nam neće biti dovoljno dugačak!... tko zna koliko ću još ostati u tvojoj blizini? Treba požuriti, iskoristiti svaki trenutak! Tko zna, možda se već sutra vratim kući, a možda odem dalje, u neki drugi grad?

Kao da nas već vidim kako završavamo školu, i, možda, upisujemo faks. Ti nećeš imati nikakvih dilema- znanost, prirodni predmeti, oduvijek je bilo jasno što ti najbolje ide- a ja, ako budem imao sreće, možda dotjeram do nečega u čemu će moj dug jezik i sposobnost da mnogima na ovome svijetu postanem prijatelj biti korisni.

Zaposlit ćemo se u različitim zemljama. Prvih par godina nakon studija možda ćemo se i sretati; danas nije nikakav problem putovati kad ima toliko aviona! Kasnije, postajat ćemo sve sličniji mojoj mami i tati i tvojem tati i mami; previše ćemo vremena provoditi na poslu i nećemo imati vremena da putujemo u posjet prijateljima koji žive na drugom kraju svijeta.

Još nekoliko godina kasnije, možda se više nećemo moći ni pronaći. Tek ponekad, jednom godišnje, kad vani postane dovoljno toplo da se zaigra nogomet ili kad dozriju rane trešnje koje smo često zajedno jeli, prisjetit ćemo se jedan drugoga.

Mnogo kasnije, napokon ćeš imati vremena. Past će ti na pamet da bi bilo zanimljivo vidjeti to mjesto o kojem sam ti toliko pričao. Otisnut ćeš se na dugo putovanje i doći u moj grad.
Koračaš ćeš ulicama kojima sam nekada ja koračao, praćen suncem i proljećem, s kojim svi neznanci dolaze u ovaj grad; da mu se dive, čude i otkriju njegovu tajnu, ni sami ne znajući koliko je to nemoguće, jer tajnu jednog grada znaju samo oni koji su u njemu odrasli.

Nijemo ćeš promatrati napuštene kuće; prozore koje već dugo nitko nije otvorio; dvorišta u kojima nema glasova djece, dimnjake iz kojih ne izlazi dim. Pitat ćeš se koji prozor je bio moj; prepoznat ćeš trg na kojem sam igrao nogomet. Napokon, kad budeš već stvarno umoran, potražiš ćeš komadić hlada pod rascvjetanom trešnjom- onom istom na koju sam se običavao penjati kad bi me u proljeće, nakon nogometa, uhvatila glad.

Jedna zrela trešnja past će ti u krilo. Pomislit ćeš kako je ovaj grad ipak živ. Iako su ga njegovi nekadašnji stanovnici napustili, postao je dom nekim drugim ljudima. Glasno ćeš se zapitati gdje sam danas ja, dječak koji je došao u tvoj grad pobjegavši iz ovoga grada kad smo obojica imali dvanaest ili trinaest godina. Ulice ti neće odgovoriti.

Dok budeš odlazio prema unajmljenom autu, ni sam više nećeš biti siguran u kojem si to polunapuštenom gradu u ovoj zemlji bio. U Grožnjanu, onom kojeg su napustili tijekom Drugog svjetskog rata, Vukovaru, onome kojeg su napustili tijekom novijeg rata, ili nekom trećem, čija je samoća samo malo manje slavna?

Tvoj prijatelj

Par Lana Šarić

Ce texte a été écrit pour LABO/07, à l’initiative de Karin Serres et Marianne Ségol dans le cadre d’un projet de création théâtrale pour adolescents intitulé Les Correspondants autour de l’univers des échanges linguistiques.

Enthousiasmé par ses précédents projets multilingues expérimentaux (“Rose, Rose, Rose”, “Ank Ang !”…) LABO/07 souhaite poursuivre ses expériences d’écriture/traduction inventive et vivante pour approfondir sa recherche sur la place active des langues étrangères dans la création contemporaine pour la jeunesse, notamment en développant leur richesse littéraire, dramaturgique et scénique.

Lana Šarić (née en 1983), auteure dramatique croate de la jeune génération, primée à de nombreuses reprises, est aussi auteure de pièces radiophoniques, de scénarios de films, mais également réalisatrice. Elle a obtenu en 2007 son diplôme de dramaturgie à la Faculté d’art dramatique de Zagreb. Ses pièces de théâtre s’adressent pour la plupart au jeune public. Celles-ci sont traduites en anglais, allemand, espagnol et italien. Elle débute au théâtre avec le drame Chair qu’elle a également mis en scène. Le texte Le Gratte-ciel a reçu le troisième prix Marin Držić en 2007. Il est créé en 2009 sur une scène nationale, à Pula. Depuis 2004, elle participe à de nombreux festivals consacrés aux écritures théâtrales pour la jeunesse. Elle est également rédactrice en chef du site drame.hr dédié aux auteurs dramatiques contemporains de Croatie.