Le Seuil

C’était lors d’une après-midi comme toutes les autres que je reçus le premier appel. J’hésitai, la sonnerie me fit l’effet d’un élément hostile, d’une interruption dans mon intimité. J’observai le téléphone : un objet fantomatique. Je laissai les sonneries se succéder, comme des failles dans le temps. Puis, le silence.

Je me trouvai paralysé devant une fenêtre qui encadrait une rue éteinte. Le ciel était gris et remué par un courant épais de nuages. Quelques hommes épuisés erraient dans les rues en s’appuyant aux murs, aux stores des magasins fermés ou aux vitrines en piteux état. Comme dans une banlieue, chacun d’eux prenait l’allure d’une espèce de mendiant, par sa façon de marcher, par ses habits ou par quelque déficience physique. Je fus surpris de ne m’être toujours pas résigné à l’habitude de les découvrir dehors. De temps à autre, cela me surprenait de les voir. Très sporadiquement, je ressentais de la peur, même si je savais qu’ils étaient là pour mener leur vie et non pas pour me surveiller.

Tous les hommes, tôt ou tard, nous finirons ainsi. Je ne sus jamais où ils allaient. Je ne demandai jamais pourquoi. Jamais le contact avec les voisins ne m’intéressa, car eux aussi auraient pu m’interroger si je leur avais posé des questions. L’idée qu’ils puissent connaître des choses que j’ignorais me gênait et, pour cette raison évidente, je n’ai jamais cherché à savoir. Mais sans doute étaient-ils aussi humiliés que moi, voire plus, de ne pas savoir.

Après l’appel téléphonique, je fus préoccupé : pas tant par l’anonymat ou par l’éternité primitive des déshérités d’en face que par le souvenir de ma mère. Eux, c’est sûr, m’effrayaient, surtout parce que je n’avais personne avec qui parler de leur existence, et parce que, d’un jour à l’autre, n’importe qui, en sortant dans la rue et en se perdant dans le labyrinthe de tunnels, de passages et de couloirs de la ville, pouvait s’agréger à la procession. Je n’étais toujours pas prêt – je n’ai pas honte de l’avouer – à accepter qu’ils existaient. En revanche, le fait de ne pas pouvoir déterminer, à ce moment-là, quand ma mère était morte, combien d’années de routine et de solitude s’étaient écoulées depuis, m’horrifia excessivement. Je craignis qu’elle et moi ne fussions séparés par la même éternité factice que celle qui enfantait et animait les hommes d’en bas. J’essayai de chercher quelque indice qui me permît de savoir… Rien. Une zone de silence à laquelle seuls participaient des voisins insondables. Je ne me souvenais pas avoir ni actes de décès, ni testaments, ni notices nécrologiques.

Le timbre explosif du téléphone me sauva de la déchéance morale. Je restai paralysé sur place. Non, je ne pouvais pas nier qu’une seconde fois quelqu’un, à l’autre bout du fil, me cherchait. Cela faisait des jours que je ne recevais pas même un faux appel. Répondre aurait peut-être été une décision opportune. Je ne risquais rien ; le plus tragique aurait été qu’après tant d’attente, quelqu’un demandât à parler à un autre homme que moi. Ou que quelque voisin intrépide s’aventurât à chercher qui étaient ceux d’en face. Ou que ma mère, depuis l’au-delà, appelât pour clarifier mes doutes. Je me penchai, je décrochai le combiné et je me contentai d’écouter ce qui se passait à l’autre bout du fil. Une femme à la voix tremblante demanda avec agressivité Monsieur Reti et, presque sans préambule, me parla d’un objet qui pouvait m’intéresser. Moi, qui avais passé ma vie – je veux dire, les années suivant la disparition de maman – à récupérer des objets dévalués par le temps et par les collectionneurs professionnels, je fus d’abord surpris que l’on m’attribuât la noblesse d’un métier – préserver les objets en faveur de l’humanité elle-même –, puis qu’une femme se fût adressée à moi, un solitaire qui avait tenu absolument secret son petit vice. Jamais personne n’avait eu accès à mes objets… J’essayai de ne pas imaginer comment elle pouvait en savoir tant à propos de mes qualités insaisissables.

Je protestai, cette offre me sembla être une accusation déguisée en plaisanterie, et je la rejetai immédiatement. Cependant je n’eus pas assez de courage pour raccrocher ; excité par la situation, je lui demandai son nom. Cela faisait longtemps que je n’avais pas posé de question et entendu une réponse de la bouche d’une dame. Comme si la voix s’étranglait, elle haleta à peine un mot : Laura. Je notai son numéro de téléphone et je promis de la rappeler dans quelques jours, après avoir réfléchi comme il le fallait sur le sujet. À l’autre bout du fil, elle me dit « bien sûr, comme vous voudrez », et raccrocha. Je fus rempli d’un orgueil différé depuis des années. Il restait si peu de femmes… et il y en avait justement une pour moi ! N’y avait-il pas un piège ? Pourquoi moi ? Et eux… ?

Trois heures plus tard, hésitant, sans savoir si je voulais parler avec Laura, avec un voisin ou même avec qui que ce fût, je composai le numéro. Je craignis qu’une autre personne ne répondît, que la femme ne se fût volatilisée et de me trouver dans la situation embarrassante de donner une explication improvisée à un homme quelconque. N’importe qui, dans la même situation, n’aurait eu qu’une question à poser pour atteindre son but. Moi, en revanche, je craignis de ne pas m’en sortir en formulant une requête du type “Puis-je parler à Laura ?” sans avoir à démontrer préalablement quel droit j’avais à poser une telle question. À mesure que mon agitation augmentait et que, dans un accès de panique, je m’apprêtais à renoncer à cet appel ainsi qu’à cette femme anonyme, la même voix désarticulée et masculine s’éleva à l’autre bout du fil. Nous conclûmes d’un rendez-vous chez elle. Il n’y eut pas de temps pour poser des questions ou pour hésiter ; au terme de l’appel, il y avait entre nous la complicité vertigineuse qui s’instaure entre ceux qui s’apprêtent à transgresser la loi ensemble. Et, de même que je ne me souvenais pas quand ma mère était morte, je remarquai, presque avec fierté, que je ne savais plus combien de jours s’étaient écoulés sans que je sortisse dans la rue. Mais bien sûr, oublier le nombre de jours d’enfermement parce que dehors il y avait eux, ce n’était pas la même chose que d’oublier, par de mystérieuses influences, quand j’avais perdu l’être le plus cher.

Le jour suivant, j’époussetai un costume dont j’avais fait un usage obsessionnel au travail, dans ma préhistoire, c’est-à-dire dans ma jeunesse… Des besognes de bureau, bien entendu. Je n’aurais pas pu supporter un autre milieu. Mes meilleurs moments eurent lieu dans des archives. Je ne me souviens pas exactement quand ni comment. Sans doute dans une antenne de cette ville, de nombreuses liasses de papiers, des dossiers pourris, de la poussière, des chefs d’aspect graisseux avec d’énormes sourcils grisonnants. Je me souviens, oui, qu’en ce temps lointain il ne restait presque plus de femmes ; notre travail était en réalité inutile, insignifiant, un petit réconfort, comme n’importe quel métier, stratégiquement préservé par l’État pour protéger quelques hommes du déclin des autres. Aux archives, si je ne me trompe pas, nous étions dix hommes à travailler, mélancoliques et corpulents, aux gestes éteints et au regard inexpressif, ainsi qu’une vieille dame farouche qui ne représentait plus une promesse biologique pour l’État et qu’aucun homme ne désirait posséder. L’essentiel pour supporter des travaux de haute exigence morale était de savoir pactiser avec la mascarade. C’est grâce à cela que je restai jusqu’à la disparition de maman ; sans elle, je veux dire sans son absence inapprivoisable, j’aurais même obtenu quelque promotion fictive. Que son fils ait oublié la date… Et que cet oubli en entraînât et en justifiât tant d’autres ! Tout cela arriva si vite que je ne pourrais pas définir le malheur en une seule perte. Aurais-je dû conserver l’espoir qu’elle revînt un jour ? Aurais-je dû me consacrer à sa mémoire ?

Je ne me souvenais pas non plus des rues de la ville ; elle avait tellement grandi les dernières années que si l’on se mettait à marcher on arrivait, à un moment donné, à la frontière d’un pays voisin. Ce jour-là, par peur de me perdre et de me faire abuser par un groupe de minables, j’investis le surplus de ma pension dans un taxi. Cela me paraissait si élémentaire de ne pas me souvenir, si juste, que je crus qu’il en avait toujours été ainsi : j’étais incapable d’indiquer une époque où la mémoire eût été vraiment nécessaire parmi les hommes. Si Laura ne m’avait pas appelé, j’aurais aussi oublié mon nom. Je me serais éteint sans lui. Mais voilà peut-être pourquoi elle apparut dans ma vie : pour me rendre un nom, pour que l’anonymat ne m’emportât pas.

À l’heure signalée je me trouvai devant la porte d’une grande maison en voie de délabrement — cela dit, tous les édifices historiques de la ville sont, me semble-t-il, en ruine —. Par un mélange de curiosité et d’inquiétude, je restai immobile sur le seuil de la porte pendant plusieurs minutes. Se succédèrent des attentes irréalisables, des souvenirs et des songes qui, derrière la routine, révélaient une trame souterraine indépassable, jusqu’à ce que je finisse par appuyer sur la sonnette. Je crois que j’appuyai plus longtemps qu’il ne l’aurait fallu. Évidemment : c’est ainsi que s’annoncent les hommes pudiques et ponctuels.

Une femme à l’élégance d’un autre âge ouvrit immédiatement, comme si elle avait été en train d’attendre derrière la porte. Elle se présenta comme Laura et, sans s’avancer, craignant d’être vue par ceux de dehors, elle me fit entrer. Elle me guida à travers un couloir, presque déçue que j’eusse répondu à l’invitation et, de surcroît, que je fusse ponctuel. Les pièces étaient amples et ternes ; elles conservaient dans la poussière un luxe lointain, meurtri, une atmosphère onirique d’après-guerre.

L’ensemble me parut décevant. J’avais passé tellement de temps sans voir de femmes que je les avais transformées dans ma mémoire en animaux lents et fabuleux. Je peux affirmer que ce qui compte, malgré le contact limité que ma génération a eu avec la substance féminine, c’est qu’une femme soit à l’image de quelque forme zoologique : un héron, un cygne, une panthère, une cigale. C’est à peine si Laura maintenait des similitudes avec le monde animal. En réalité, elle préférait l’univers inanimé ; son dos discordant, ses hanches creuses et ses mollets aplatis désignaient d’emblée – et cela, n’importe quelle personne attentive l’aurait remarqué – une femme qui s’obstinait à ressembler à un objet. Avec la même subtile conviction, elle évitait la politesse. Elle marchait dans le couloir, traversait les portes et les petits jardins d’hiver comme si je la poursuivais et qu’elle était obligée de fuir.

Nous nous arrêtâmes finalement dans un salon où tous les meubles étaient bâillonnés par des housses de gaze noire. L’air, légèrement rance, sentait le bois humide et le goudron. Elle m’indiqua un fauteuil et, de sa voix rauque, comme limée par la friction d’un fausset continu, elle m’ordonna de prendre place pendant qu’elle apportait quelque chose à boire. J’essayai de saisir les détails de la pièce, mais à mesure que j’avançais dans la contemplation, les objets, les ombres résiduelles et les recoins se multipliaient et rendaient la pénombre vertigineuse, la quantité prenant le pas sur la qualité. Soudain, je me trouvai seul dans le fauteuil. Je cherchai Laura du regard. Je n’avais pas perçu ses pas fuyants. Où était-elle partie ? Elle revint ensuite avec un plateau en osier, une bouteille et deux verres à cognac. Je pensai que, bien qu’elle essayât le contraire, elle se comportait en bonne hôtesse de maison.

J’aurais voulu lui dire que non… que je n’aimais pas l’alcool, je ne voulais pas la mettre en danger : un verre, deux verres, et ensuite, comme lors de situations répétées pendant des années, la jalousie, la nécessité de s’approprier la femme, d’en priver les autres, et finalement le crime ! Cette explication l’aurait encore plus offensée, si bien que dès qu’elle me donna le verre, je l’engloutis d’un trait pour ne pas souffrir constamment, à chaque gorgée, de la possibilité de perdre la raison. Elle m’observa avec soin, se livrant à une habile dissection qui ne venait pas d’un élan amoureux mais d’une exhibition insolente de supériorité ; elle semblait étrangère au risque qu’une femme encourt face à un homme dans notre monde. Elle parla dès que j’eus déposé le verre vide sur la table :

— Vous ne posez aucune question. Vous ne paraissez pas inquiet. Je suis une femme. Qu’est-ce que vous croyez ? Que tout le monde peut avoir cette chance ? Excusez-moi, je viens de remarquer qu’il vous manque plusieurs dents – elle se caressa le visage pour souligner son étonnement –. Si je l’avais su, j’aurais appelé quelqu’un d’autre.

J’acquiesçai, songeur. J’eus l’impression qu’elle ne parlait pas à la personne que je croyais être. Combien de dents ? Quand et comment les avais-je perdues ? Pour autant que je m’en souvinsse, il ne me m’en manquait qu’une seule. Discrètement, pendant qu’elle détournait son regard et affichait sur son sourire une expression angélique provoquée, sans aucun doute, par quelque chose qui se passait dans mon dos – ma propre incertitude –, j’introduisis mon petit doigt dans la bouche et je le fis glisser pour essayer de trouver, en additionnant les intervalles entre chaque dent, la solution à l’énigme ou plutôt à l’offense. Je remarquai que, en effet, il me manquait plus de dents qu’il ne m’en restait. Je ne parvins pas à formuler une équation adéquate pour dessiner la carte de ma dentition. Laura n’était pas seulement dans le vrai : elle avait, en plus, droit au malaise et à l’indignation pieuse. Si je m’étais moi-même aperçu d’une telle erreur en sortant de chez moi, j’aurais préféré rester dans ma chambre, face à l’influence de ceux de dehors. Mais comment cela était-il possible… ! D’un moment à l’autre, ceux-ci me paraissaient tellement immoraux… Tandis que je frottais mon petit doigt contre mes gencives, la ressemblance me paraissait indéniable : eux, comme moi, ne savaient pas se souvenir et c’est pour cela qu’ils marchaient ; peut-être dans un futur lointain moi aussi j’allais errer avec l’espoir déçu d’une direction.

— Si vous ne posez aucune question, je vous fais sortir, dit-elle en se levant et en montrant la porte. Je ne supporte pas qu’au lieu de parler vous vous touchiez la bouche. C’est un manque de respect. Vous n’êtes pas la bonne personne. Mille autres désireraient être à votre place. Ne soyez pas ingrat. Vous êtes très différent de celui que vous promettiez d’être hier avec votre voix. Êtes-vous sûr d’être la même personne ? N’y a-t-il pas eu un malentendu ?

Il ne manquait que cela : qu’elle cherchât à me convaincre que je n’étais pas la personne que j’aurais dû être. Je m’agitai sur mon siège. Je sentis que le cognac me chauffait dans le ventre. Aussitôt je rejetai la première impulsion ; je ne pouvais pas me lever et l’étrangler comme tant d’amnésiques qui n’ont pas accepté la valeur et la signification d’une femme. J’avais devant moi une occasion qui n’allait peut-être pas se représenter : les fuir, retrouver des souvenirs, conserver mon nom indélébile, m’ humaniser en une femme. Je fis un effort, je pensai que la vie et que les souvenirs étaient courts. Je considérai l’avantage indéniable que j’avais à ce moment-là sur le reste des hommes. En balbutiant, je lui demandai pourquoi elle m’avait appelé. Sans enthousiasme, elle me répondit que pendant une époque elle avait recueilli des informations sur les collectionneurs ; un trafiquant d’objets qu’elle ne pouvait pas nommer lui avait donné mon téléphone en me définissant comme un des derniers hommes : un innocent respectueux, un moraliste. Elle avait décidé de m’appeler avec une confiance absolue. Mais elle ne s’attendait pas à rencontrer un être peu sûr de lui dont la plus grande faiblesse se situait non pas dans la décrépitude mais dans le fait de prétendre correspondre à l’homme qu’il avait été : demeurer entre le présent et le passé pour que la dépossession imminente fût moins douloureuse, presque un acte de négligence. La seule alternative réelle qui restait aux réfugiés de mon espèce était le futur. On voyait que j’étais à un point de passage et qu’à tout moment, si je ne réagissais pas, si je ne balayais pas, par quelque cause vraisemblable, l’inversion du temps et de l’espace dans laquelle nous vivions submergés, je ne pourrais pas résister à leur influence. C’était une question de jours, de semaines, et je céderais à cet attrait ; la résistance, aussi timide et lucide que je fusse, s’évanouirait devant le pouvoir cyclique de la représentation. Tous, nous céderions. Dans un futur peu éloigné, tous les hommes seraient debout, détériorés, déambulant dans les rues jusqu’à se défoncer les talons.

Je me tus pour passer outre cet avertissement hostile. Je pensai aussitôt qu’elle mentait et qu’elle profitait de ma présence pour rajeunir. Je ne croyais pas être aussi exposé ni aussi proche de ce qui se passait de l’autre côté. Par ailleurs, personne n’aurait pu lui donner mon numéro… Mais pouvait-il en être autrement puisqu’elle savait, en appelant, qui allait répondre ? Comment connaissait-elle mon faible… mon vice pour les objets indésirés… interdits ? Aurait-elle été en contact avec ma mère ? Je décidai de continuer le dialogue et d’aborder cette question plus tard, quand j’aurais dépassé la crainte et l’impuissance que provoquaient chez moi ses prophéties.

— Bon, venons-en au fait – dis-je avec un peu de courage feint. Si vous voulez me faire une proposition, faîtes-la tout de suite. Sinon, je m’en vais, et vous savez ce que cela peut signifier. Vous l’avez dit vous-même, je suis presque passé de l’autre bord.

Laura me regarda, pensive et satisfaite de mon audace soudaine. Elle sut que, par son offense, elle avait déchiré le voile qui cachait, sous une apparence fade, le collectionneur dénaturé: un monstre de cabinet de toilette, irrévérencieux, incapable d’une tendre confidence. Elle se leva, marcha prudemment vers une porte et, observant depuis là mon attente, elle me pressa de m’approcher. J’obéis avec une lenteur exagérée. Cette fois, le courage fut inutile. De dos, malgré ses vêtements démodés, elle me fit l’effet d’une femme captivante. Je compris que dans chaque partie – les épaules, les jambes, les hanches – la laideur tourmentée reculait pour donner forme à un corps radieux devant lequel se prosterner.

Nous avançâmes dans un nouveau couloir plus rêche et humide que les précédents. De faibles lampes projetaient sur les murs une lumière argileuse.

Nous débouchâmes sur la porte du fond. Elle me regarda avec compassion, comme si elle ne me croyait pas préparé à apercevoir ce qu’il y avait de l’autre côté. Je continuai à fixer sa bouche, étranger au défi de traverser la porte. Ses lèvres étaient la preuve de sa jeunesse ; bien qu’elle s’obstinât à l’inverse, qu’elle s’enlaidît et s’habillât à l’ancienne mode, son regard gourmand trahissait sa fertilité. Je m’inquiétai : cela faisait longtemps que je ne m’étais pas trouvé aussi proche d’une femme jeune. Un privilège véritable et compromettant. Il n’en restait pas beaucoup et il était compréhensible qu’elle cherchât à cacher sa condition pour ne pas s’exposer au danger. Parmi eux, il n’y avait pas même de femmes âgées. Elles étaient si peu nombreuses que l’État les accaparait pour assurer la survie de l’espèce. Les rares femmes en liberté courraient des risques extrêmes, comme d’être violées ou victimes de crimes passionnels superflus. Même si le fait de tuer une femme, sanctionné par la peine de mort, était beaucoup plus grave que de tuer un humain, n’importe quel homme, dès qu’il en possédait une, s’accordait le droit de l’assassiner par crainte de l’humiliation. Comme jamais, la honte d’être des hommes pesait entre nous. Voilà pourquoi eux paraissaient toujours plus nombreux, alors même qu’ils ne se reproduisaient pas et qu’ils étaient voués à la disparition.

De mon point de vue, humble et un peu hérétique, les femmes manquaient parce qu’il n’y avait plus d’hommes capables de se rebeller et de supporter leur prix, c’est-à-dire l’impuissance à laquelle elles nous avaient soumis pendant des siècles. Elles existaient certainement quelque part. Les romantiques restaient cachées dans le cœur des villes, dans les zones anciennes, s’obstinant dans leur genre, se refusant à perdre leur règne catastrophique. Laura faisait partie de ces romantiques : ou bien elle s’était enfuie du territoire parallèle conçu par l’État pour assurer la continuité de l’espèce, ou elle n’avait jamais été découverte par un escadron de solitaires depuis que ce douteux plan d’urgence et de protection avait été mis en place.

Ce qui est sûr est que nous entrâmes dans une pièce qui n’avait apparemment rien de spécial. Elle manquait de fenêtres et avait l’atmosphère accueillante et moelleuse des greniers longtemps fermés. Contre les murs, il y avait des étagères et des consoles chargées de toutes sortes d’objets interdits. Je les reconnus un à un et je les confrontai avec ceux que je possédais dans une pièce similaire, sans fenêtre, au fond de ma maison. Laura m’interdit de trop m’approcher des reliques. Elle me suggéra de m’asseoir. J’obéis et je pris alors conscience de ce que pouvait signifier une femme. Je guettai l’incompréhensible, un sommet du mystère. Je crois que quelqu’un d’autre, à ma place, n’aurait pas résisté et aurait essayé de se l’approprier à ce moment même… Moi, au lieu de cela, je me retins et j’essayai de me conduire de façon raisonnable ; je n’avais pas de raisons suffisantes, aussi séduisantes fussent-elles, pour me comporter comme eux. J’eus l’impression d’être devant un songe parfait et qu’un mouvement insensé pouvait me conduire vers le réveil, vers ma fenêtre neutre et irréelle.

Je restai immobile à ma place pour dépasser l’incertitude. Elle s’installa dans une autre chaise et me montra une caisse dont les côtés étaient en plastique et la surface avant en verre. Fasciné, je reconnus l’objet. J’en avais entendu parler. Des collectionneurs expérimentés, il y a longtemps, quand maman était en vie, m’en avaient parlé avec une certaine exaltation mystique.

— Regardez-le de près si vous voulez. Mais ne le touchez pas.

Je m’approchai et l’inspectai. Aussitôt, grâce au type de pommeau et à la plaque émaillée, j’en déduisis que c’était un des premiers qui avaient été fabriqués. Je ne voulus pas poser de questions qui auraient dissipé l’aura que dégageait le trésor. La présence de cette femme auprès de cet objet immérité déchaîna ma curiosité. Comment Laura avait-elle passé autant de temps en captivité sans être découverte ? Comment n’avait-elle pas été dénoncée ? Et comment n’avais-je toujours pas compris quelle était ma fonction dans cette scène ni les causes de l’invitation ?

L’idée me traversa qu’un peu de volonté pouvait précipiter sa disgrâce. Il me suffisait de sortir dans la rue et de la dénoncer à eux : de la présenter comme une jeune femme qui survivait réfugiée dans le mystère. Je me retins aussitôt et je fus rasséréné par un souvenir : elle m’avait promis un objet. Pour corriger mon ingratitude, je lui confessai que j’appréciais véritablement son invitation ; cela faisait longtemps que personne ne m’avait rendu aussi heureux, aussi humain. Elle acquiesça à tout cela et sa réserve renforça l’énigme. Elle ne fit pas d’allusion à l’objet ni à ce qui me paraissait alors une absurdité : la promesse de me le donner. Comment pouvait-elle me l’offrir ? Non, elle n’allait pas parler ; c’était à moi de trouver le moyen de me l’approprier. Elle n’allait pas prendre le risque de m’en faciliter la conquête par une vulgaire proposition. La question était plus complexe que je ne l’avais prévu. Laura était certainement disposée à s’en défaire, mais en échange de quelque chose… à un prix logique et négocié :

— Laura, avez-vous conscience du risque que vous êtes en train de courir ?

— Bien sûr que oui – tout en elle parut s’enflammer –, c’est pour cela que je vous ai appelé, ou non ?

— Je voudrais vous aider, accepter… mais je ne sais pas.

Elle haleta, en signe de compréhension. Naturellement, le problème, l’empêchement pour ainsi dire, c’était eux. Comment ne pas obéir à l’appel si le seul fait de les contempler jour après jour exerçait une influence aussi irrésistible ? Je pensai qu’une des possibilités – la plus logique – était d’étrangler Laura et d’emporter l’objet. Il n’y avait aucun risque à agir sous l’influence d’une morale déséquilibrée. Cela revenait à obéir à une impulsion expiatoire. L’autre possibilité était de négocier. Je lui jurais un silence absolu et tout était réglé : sa vie – si vivre l’intéressait toujours – demeurait protégée transitoirement.

J’écartai aussitôt cette idée ; elle me parut être une escroquerie, une façon de ne pencher ni pour un côté ni pour l’autre. Le plus sensé était de lui offrir en échange ce qui me semblait convenable : un peu moins de ce qui était juste. Ne pas être lâche ni téméraire, se faire passer pour un médiocre ou pour un idiot est toujours avantageux.

Je lui demandai si elle avait réfléchi à un marché à ce sujet. Offensée, comme si je l’avais menacée ou insultée, elle répondit que c’était à moi d’y penser pour elle, qu’elle ne pouvait pas faire de proposition. J’hésitai. Au fond, elle me demandait de l’aide ; sa solitude devait être plus tourmentée que la mienne. Elle aussi, à travers les fentes de la fenêtre, devait les voir errer jour et nuit. Et elle souffrait certainement parce que tout pouvait changer d’un moment à l’autre : ou bien elle était récupérée par des patrouilles spécialisées dans la protection féminine – des espions infiltrés parmi eux pour collecter des informations –, ou bien elle périssait entre les griffes de quelque désespéré qui ne pouvait pas tolérer ce que représentait une femme.

Parmi les hommes, personne ne songeait à sauver les femmes. De toute façon, elles étaient condamnées et exposées à un mal qui s’auto-régénérait et préservait l’attente des bourreaux : la délation. Essayer de sauver une femme impliquait, naturellement, de se condamner, de trahir le reste des hommes. Toute tentative aurait été inutile, contreproductive. En plus, Laura avait choisi une vie de refuge. Au fond, la seule vie possible. Je ne pouvais pas rester… Je ne pourrais jamais la posséder tandis qu’eux, dehors, erraient, somnambules, derrière le passé de quelque femme. Je ne devais pas accompagner Laura dans la douleur, dans le secret. Ma fidélité ne durerait pas, non. Il suffirait de quelques semaines, de trois mois tout au plus, pour que l’anxiété me poussât à la barbarie. Et alors là, oui… je me perdrais dans l’asphalte, dans la fulguration, dans les sutures du brouillard. Je crus comprendre la cause de tous ces spectres impénitents. Je ne pouvais pas accepter l’objet à un tel prix, même si sa somptuosité méritait toutes sortes de sacrifices. Jamais je ne parviendrais à en profiter. Ainsi sont les objets interdits ; leur attraction vient du fait que chacun croit toujours être sur le point d’en profiter, et quand il se retire il sent, entre les intervalles de bien-être, la pression du vide. Un souffle. Un soupir. Puis encore la nécessité de cet objet. Si bien que, puisque je n’allais pas jouir entièrement de lui ni de Laura, mais que j’allais au contraire être prisonnier d’une attente constamment repoussée, ce n’était pas la peine de m’exposer à la tragédie. Je ne pouvais pas prédire ou contrôler ma réaction après quelques jours de cohabitation. La possibilité de me mêler à eux me déplut. Je calculai qu’en convoitant cette relique je m’exposais à perdre ma modeste collection, mon royaume.

— Laura, excusez-moi, ce n’est pas que je n’apprécie pas votre offre, mais je ne peux pas, je ne peux pas rester.

Son visage contracté se détendit et chaque mimique sembla se diluer dans une douleur lancinante. Tout en elle incarnait la déception, la crainte, le repentir. Après ce refus honorable, je cessai de me sentir inoffensif : j’avais à ses yeux le poids d’un traître potentiel, elle m’obligeait à douter de mon comportement, et j’y voyais la marque d’un succès, d’un éloge. Laura se fragilisait de plus en plus vite. Mieux valait partir, partir avec l’objet, sans plaindre ma bienfaitrice. Elle ne résisterait pas au vol, par crainte du scandale. Mais était-il nécessaire de l’humilier ? Je pouvais lui offrir en échange quelque chose de plus simple pour dissimuler un piège, une promesse, et ne pas me sentir ingrat devant l’opportunité accordée : lui rendre visite chaque semaine et égayer sa solitude. Alors que je m’apprêtais à formuler la proposition, elle émergea d’un coin de la pièce :

— Pensez-vous que je vous accepterais auprès de moi, à me déranger ? Ne soyez pas idiot, j’ai déjà assez de ma solitude – elle m’adressa un regard cannibale, programmé pour cet instant-là. Imaginez, si votre solitude s’ajoutait à la mienne ? S’il vous plaît, la solitude ne se concilie pas et ne se trahit pas non plus. Suivez votre intuition.

Je pensai aussitôt à eux… Ce fut mon premier élan : m’imprégner dans cette masse pâteuse et froide d’hommes qui n’étaient rien d’autre qu’un sillage d’haleine. Je crus comprendre : Laura ne voulait pas être humiliée dans la rue ni dans les territoires de l’État. Elle voulait la paix, une fin digne, presque amoureuse. Obtenir quelque privilège de sa propre mort. Peu de femmes avaient la chance de mourir en privé, dans leur propre maison, et entre les mains d’un homme innocent pour qui le trésor, et non pas la détresse extrême, couvrait le crime d’un rare halo amoureux. On ne peut refuser à personne le droit de mourir en être humain. Le suicide était indigne, une fin peu recommandable pour une femme : après une telle décision, les secrets ruminés pendant la captivité seraient ainsi abâtardis. En Laura, tout deviendrait absurde. Son corps, sa promesse, seraient démontés par une erreur ingrate. De toutes les façons, les femmes étaient si peu nombreuses que jamais aucune n’avait osé un tel pari. C’était beaucoup plus qu’un suicide : en une femme une quantité d’hommes auraient été abolis. Pour cela, malgré l’isolement et la nostalgie, aucune d’entre elles ne le faisait. Jamais elles n’avaient véritablement senti ce que cela signifiait que d’être de trop dans le monde.

Je parcourus la maison, rapide, avec l’objet sur le dos. Je ne voulus pas penser, m’embourber dans des questions. J’aspirai uniquement à la sortie, au futur immédiat que la relique, pensai-je, pouvait m’offrir. Je tombai sur le même salon immense, l’air statique. Puis les fauteuils, beaux et indéchiffrables. Je traversai des jardins d’hiver successifs et je dérivai dans des couloirs qui me menèrent à des chambres intactes et poussiéreuses qui avaient, dans leur caractère fermé, quelque chose d’illicite… l’éternité. La maison semblait inhabitée depuis longtemps. Il n’y avait pas de traces qui auraient signalé le passage de Laura. Je préférai ne pas revenir en arrière. J’avais l’objet, c’était suffisant, je n’avais pas besoin d’en savoir plus. Je n’avais pas besoin de me sauver. Derrière, la pénombre se ramifiait et expulsait des ombres, des taches humides qui détruisaient la splendeur de ce paradis dépeuplé. J’avançais et, dans chaque pièce, je trouvais répétée la même aridité, les meubles voilés, mes propres pas aux échos barbares qui tiraient, de toute cette nature morte, une symétrie fantasmatique.
Je trouvai enfin une sortie. Je ne me souvins pas être entré par cette même porte. La nuit était tombée dans un ciel bas sans étoiles. Une lune excessive se réfractait dans le métal de la ville. Dans l’obscurité, je discernai le transit infatigable d’un régime d’yeux opaques. Le vent remuait une odeur flatulente, de souffre et d’oxyde, collée au brouillard. J’entendis des pas fluides, inidentifiables. Cette scène avait quelque chose de doux, d’accueillant, comme si quelqu’un partait avec toute l’inconsolable sagesse à laquelle peut aspirer un homme qui, sans le savoir, est en train de revenir. Je déposai l’objet, je pris du repos et j’inspirai longuement, protégé par le seuil de la porte.

Traduit par Jeanne-Marie Hostiou

Cierta tarde indiferenciable de todas las anteriores, recibí el primer llamado. Dudé, la chicharra me resultó un elemento hostil, una interrupción en mi intimidad. Observé el teléfono: un objeto afantasmado. Dejé que los timbres se sucedieran, como fallas en el tiempo. Luego, silencio.

Me encontré paralizado junto a una ventana que enmarcaba una calle apagada. El cielo estaba gris y removido por una corriente espesa de nubes. Algunos hombres agotados erraban por las calles apoyándose en las paredes, en las persianas de negocios clausurados o en las vidrieras maltrechas. Como en un suburbio, cada hombre se confundía con un posible mendigo por el modo de caminar, por su ropa o por alguna deficiencia física. Me sorprendió no haberme resignado todavía a la costumbre de descubrirlos afuera. De cuando en cuando verlos me sorprendía. Muy esporádicamente sentía miedo aun sabiendo que estaban ahí para hacer su vida y no para vigilarme.

Todos los hombres tarde o temprano terminaremos así. Nunca supe hacia dónde iban. Nunca pregunté por qué. Nunca me interesó el contacto con los vecinos, ya que también ellos podrían haberme interrogado si yo les preguntaba. Me incomodaba suponer que podían saber algo que yo no, y por esa razón obvia nunca investigué. Pero sin duda a ellos no saber los humillaba tanto o más que a mí.

Después del llamado me preocupó, no tanto el anonimato y la eternidad primitiva de los desguarnecidos de enfrente, sino el recuerdo de mi madre. Ellos, es cierto, me asustaban, ante todo porque yo no tenía con quién hablar de su existencia, y porque de un día para otro cualquiera podía agregarse a la procesión al salir a la calle y perderse en el laberinto de túneles, pasadizos y corredores de la ciudad. Todavía –no me avergüenza confesarlo- no estaba preparado para admitir que ellos existían. En cambio no poder determinar en ese momento cuándo había muerto mi madre, cuántos años de rutina y soledad habían pasado desde entonces, me horrorizó sobremanera. Temí que entre ella y yo mediara la misma eternidad falsa que paría e impulsaba a los hombres de abajo. Intenté buscar algún indicio que me permitiera saber... Nada. Una zona de silencio de la que sólo participaban vecinos insondables. No recordaba tener partidas de defunción, testamentos, recortes necrológicos.

El timbre explosivo del teléfono me salvó de la debacle moral. Me quedé paralizado en el lugar. No, no podía negar que otra vez alguien, del otro lado, me buscaba. Hacía días que no recibía ni siquiera un llamado equivocado. Quizás atender fuera una decisión oportuna. No corría riesgos; lo más trágico podía resultar que después de tanta expectativa alguien pidiera por un hombre que no era yo. O que algún vecino intrépido se atreviera a consultar quiénes eran los de enfrente. O que mi madre, desde el más allá, llamara para sanear mis dudas. Me incliné, descolgué el tubo y me limité a escuchar lo que sucedía del otro lado. Una mujer de voz temblorosa preguntó agresivamente por el señor Reti, y casi sin preámbulos me habló de un objeto que podía interesarme. Yo, que he pasado mi vida –quiero decir, los años posteriores a la desaparición de mamá- recuperando objetos devaluados por el tiempo y por los coleccionistas profesionales, me sorprendí primero de que me atribuyeran la nobleza de un oficio –preservar objetos en favor de la propia humanidad-, y luego de que una mujer se hubiera dirigido a mí, un solitario que había mantenido en absoluta reserva su pequeño vicio. Nunca nadie había tenido acceso a mis objetos... Traté de no imaginar cómo ella podía saber tanto acerca de mis cualidades intangibles.

Protesté, el ofrecimiento me resultó una acusación disfrazada de burla, y de inmediato lo rechacé. Sin embargo no tuve suficiente valor para cortar; excitado por la situación, le pregunté su nombre. Hacía tiempo que no preguntaba por algo y escuchaba una respuesta en boca de una dama. Como si la voz se le atorara, ella apenas jadeó una palabra: Laura. Apunté su número de teléfono y prometí llamarla en unos días, después de haber reflexionado debidamente sobre el asunto. Del otro lado ella me dijo “claro, como quiera”, y cortó. Me invadió un orgullo pospuesto durante años. Quedaban tan pocas mujeres... ¡y justo a mí me tocaba una! ¿No habría una trampa? ¿Por qué yo? ¿Y ellos...?

Tres horas más tarde, inseguro, sin saber si quería hablar con Laura, con un vecino o simplemente con cualquier individuo, marqué el número. Temí que atendiera otra persona, que la mujer se hubiera esfumado y yo me viera en la embarazosa situación de darle a un hombre neutro una explicación que no había preparado. A cualquier persona en la misma situación le habría bastado una pregunta para lograr su cometido. Yo, en cambio, temí no poder arreglármelas para formular un pedido del tipo “¿está Laura?” sin demostrar de antemano el derecho que tenía a la interrogación. Cuando el desasosiego aumentaba y en un acceso de pánico me disponía a renunciar al llamado y a esa mujer anónima, del otro lado se arqueó la misma voz desgranada y masculina. Pactamos un encuentro en su casa. No hubo tiempo para proponer preguntas o dudar; al cortar quedó entre nosotros la complicidad vertiginosa que establecen quienes están a punto de transgredir la ley a la par. Y así como no recordaba cuándo había muerto mi madre, noté, casi con orgullo, que había perdido la cuenta de los días que había pasado sin salir a la calle. Aunque claro, perder la cuenta de los días de encierro porque afuera estaban ellos, no es lo mismo que olvidar, por misteriosas influencias, cuándo había perdido al ser más querido.

Al día siguiente desempolvé un traje que en mi prehistoria, es decir, en mi juventud, usufructué obsesivamente en mi trabajo... Naturalmente, quehaceres de oficina. No podría haber soportado otro ámbito. Mis mejores épocas transcurrieron en un archivo. No recuerdo cuándo ni dónde exactamente. Sería una dependencia municipal de esta ciudad, muchos legajos, expedientes podridos, polvo, jefes de aspecto grasiento y enormes cejas canosas. Recuerdo, sí, que por ese entonces ya casi no quedaban mujeres; nuestra labor en realidad era inútil, intrascendente, un pequeño consuelo, como cualquier trabajo, preservado estratégicamente por el Estado para proteger a algunos hombres de la declinación del resto. En el archivo, si no recuerdo mal, trabajábamos diez señores melancólicos y corpulentos, de ademanes apagados y mirada inexpresiva, y una anciana huraña que ya no era una promesa orgánica para el Estado y de la que ningún hombre deseaba apoderarse. Lo esencial para soportar trabajos de alta exigencia moral era saber pactar con la farsa. Por eso duré hasta la desaparición de mamá; incluso habría obtenido alguno de esos ascensos ficticios si no hubiera sido por ella, digo, por su ausencia indomesticable. Qué su hijo no recordara la fecha... ¡Y qué ese olvido arrastrara y justificara tantas omisiones! Todo aconteció tan rápido que no podría definir la desgracia en una sola pérdida. ¿Debería haber conservado la esperanza de que ella regresara algún día? ¿Debería haberme dedicado a hacer la memoria?

Tampoco recordaba las calles de la ciudad; en los últimos años había crecido tanto que si uno se echaba a andar en algún momento llegaba a la frontera de algún país vecino. Aquel día, por temor a perderme y a que un grupo de desgraciados abusara de mí, invertí el excedente de mi pensión en un taxi. Me pareció tan elemental no recordar, tan justo que creí nunca había sido de otro modo: no podía indicar épocas en que la memoria hubiera sido realmente necesaria entre los hombres. Si Laura no me hubiera llamado, también habría olvidado mi nombre. Me habría apagado sin él. Pero quizás por eso apareció ella en mi vida: para restituirme el nombre, para que no me arrastrase el anonimato.

A la hora señalada estuve en la puerta de una casona en decadencia -por lo demás, creo, todos los edificios históricos de la ciudad están en ruinas-. Por una mezcla de curiosidad e inseguridad me mantuve quieto en el umbral durante minutos. Se sucedieron expectativas irrealizables, recuerdos y sueños que revelaban debajo de la rutina una insuperable trama subterránea, hasta que por fin toqué el timbre. Creo que presioné más de lo debido. Por supuesto: así se anuncian los hombres pudorosos y puntuales.

Una mujer de elegancia añeja abrió de inmediato, como si hubiera estado esperando del otro lado de la entrada. Se presentó como Laura, y sin asomarse, temerosa de que la vieran los de afuera, me hizo pasar. Casi decepcionada de que yo hubiera cumplido con la invitación y además hubiera sido puntual, me condujo a través de un corredor. Los ambientes eran amplios y opacos; conservaban en el polvo un lujo remoto, lastimado, una onírica frialdad de posguerra.

El conjunto me resultó decepcionante. Había pasado tanto tiempo sin ver mujeres que en mi memoria las había trasformado en animales lentos y fabulosos. Puedo afirmar, a pesar del contacto limitado que mi generación ha tenido con la sustancia femenina, que lo importante es que una mujer emule alguna forma zoológica: una garza, un cisne, una pantera, una cigarra. Laura apenas mantenía similitudes con el mundo animal. En realidad ella prefería el universo inanimado; la espalda desafinada, las caderas deprimidas y las pantorrillas chatas señalaban de inmediato –y esto lo habría percibido cualquier persona atenta- a una mujer empecinada en asemejarse a un objeto. Con la misma convicción sutil, evitaba la cortesía. Andaba por el corredor y transponía entradas y reducidos jardines de invierno como si yo la persiguiera y ella estuviera obligada a huir.

Por fin nos detuvimos en un salón donde todos los muebles estaban amordazados por fundas de gasa negra. Había un aire levemente rancio, a madera húmeda y a alquitrán. Me indicó un sillón y con voz ronca, como limada por la fricción del continuo falsete, ordenó que tomara asiento mientras ella traía algo para tomar. Traté de aprehender los detalles del ambiente, pero a medida que avanzaba en la contemplación, los objetos, las sombras residuales, los rincones, se multiplicaban y en este retroceso de la cualidad en favor de la cantidad, volvían vertiginosa la penumbra. De pronto me vi solo en el sillón. Busqué a Laura con la mirada. No había percibido sus pasos en fuga. ¿Dónde había ido? Al rato regresó con una bandeja de mimbre, una botella y dos copas de coñac. Pensé que aunque ella intentara lo contrario, se portaba como una buena anfitriona.

Habría querido decirle que no... que me disgustaba el alcohol, no quería ponerla en peligro: una copa, dos copas, y luego, como en casos reiterados durante años, la envidia, la necesidad de apropiarse de la mujer, privar a los demás de ella, ¡y finalmente el crimen! Esta explicación la habría ofendido más, de modo que en cuanto me pasó la copa me la embuché de una vez para no sufrir reiteradamente en cada sorbo la posibilidad de perder la cordura. Ella me observó con cuidado, ejecutando una habilidosa disección que no provenía del ímpetu amoroso sino de una insolente exhibición de superioridad; parecía ajena al riesgo que en nuestro mundo una mujer corre ante un hombre. Recién habló cuando apoyé la copa vacía sobre la mesa:

– No pregunta nada. No parece ansioso. Soy una mujer. ¿Usted qué cree? ¿Que ésta oportunidad la tienen todos? Disculpe, acabo de notar que le faltan varios dientes –se acarició la cara para subrayar el asombro-. Si lo hubiera sabido llamaba a otra persona.

Asentí ensimismado. Tuve la impresión de que ella no le hablaba a la persona que yo creía ser. ¿Unos cuantos dientes? ¿Cuándo y cómo los había perdido? Que yo recordara, me faltaba sólo uno. Disimuladamente, mientras ella desviaba la mirada y exponía en la sonrisa una expresión angelical provocada, sin duda, por algo que ocurría a mis espaldas –mi propia incertidumbre-, me introduje el meñique en la boca y lo deslicé intentando extraer de la sumatoria de los intervalos entre cada diente la solución al interrogante, o mejor dicho, a la ofensa. Noté que en efecto eran más los dientes que me faltaban que los que todavía tenía. Me resultó imposible formular una ecuación pertinente para definir el mapa de mi dentadura. Laura no sólo estaba en lo cierto, sino que además tenía derecho a la incomodidad y a la indignación piadosa: si yo mismo al salir de casa hubiera percibido tanto desatino, habría preferido quedarme en el cuarto, frente a la influencia de ellos. ¡Pero cómo era posible...! De un momento a otro ellos no me parecían tan inmorales... Mientras más frotaba el meñique contra las encías, se me hacía inocultable la afinidad: ellos, como yo, no sabían recordar y por eso caminaban; quizás en un futuro lejano yo también vagara con la ilusión frustrada de un rumbo.

– Si no pregunta lo echo – dijo ella poniéndose de pie y señalando una puerta-. No soporto que en vez de hablar se toque la boca. Es una falta de respeto. Usted no es la persona indicada. Miles desearían estar en su lugar. No sea ingrato. Usted es muy distinto de la persona que ayer me prometió con su voz. ¿Está seguro de que es el mismo? ¿No hubo algún malentendido?

No faltaba más: que quisiera convencerme de que yo no era quien debiera haber sido. Me revolví en mi asiento. Sentí que el coñac me ardía en el estómago. Enseguida deseché el primer impulso; no podía levantarme y estrangularla como tantos desmemoriados que no han tolerado el valor y el significado de una mujer. Tenía ante mí una ocasión que quizá no volviera a presentarse: huir de ellos, recuperar recuerdos, conservar indeleble mi nombre, humanizarme en una mujer. Hice un esfuerzo, pensé que la vida y los recuerdos eran cortos. Consideré la ventaja innegable que en ese momento tenía sobre el resto de los hombres. Balbuceando le pregunté por qué me había llamado. Sin entusiasmo, me respondió que durante tiempo recabó información sobre coleccionistas; un traficante de objetos a quien no podía mencionar le había dado mi teléfono definiéndome como a uno de los últimos hombres: un inocente respetuoso, un moralista. Había decidido llamarme con absoluta confianza. Pero no esperaba encontrarse con un ser inseguro cuya mayor debilidad radicaba, no en la decrepitud, sino en pretender caber en el hombre que había sido: durar entre el presente y el pasado para que la inminente desposesión fuera menos dolorosa, casi un acto de negligencia. La única alternativa real que le quedaba a los refugiados de mi clase era el futuro. Se notaba que estaba en tránsito y que en cualquier momento, si no reaccionaba, si no barría con alguna causa verosímil la inversión del tiempo y el espacio en la que vivíamos sumidos, no podría resistir la influencia de ellos. Cuestión de días, semanas, y caería en el imán; la resistencia, por más tímido y lúcido que fuera, se esfumaría ante el poder cíclico de la representación. Todos nosotros cederíamos. En un futuro no muy lejano todos los hombres estarían de pie, deteriorados, deambulando por las calles hasta desfondarse los talones.

Hice silencio para superar esa advertencia hostil. Enseguida se me ocurrió que ella mentía y aprovechaba mi presencia para rejuvenecer. No creía estar tan expuesto y tan próximo a lo que ocurría del otro lado. Por otra parte nadie podría haberle dado mi número... ¿Pero podía ser de otro modo si cuando llamó ella ya sabía quién atendería? ¿Cómo conocía mi debilidad... mi vicio por objetos indeseados... prohibidos? ¿Habría tenido algún contacto con mi madre? Decidí proseguir el diálogo y abordar la cuestión más adelante, cuando hubiera superado el miedo y la impotencia que me generaban sus profecías.

– Está bien, vamos al grano –dije con un poco de coraje fingido-. Si me va a hacer un ofrecimiento, hágalo ahora. Si no, me voy, y sabe lo que eso puede significar. Usted misma lo ha dicho, estoy casi del otro lado.

Laura me miró pensativa y satisfecha por mi repentino atrevimiento. Supo que con su ofensa había rasgado el velo que ocultaba, detrás de una apariencia insulsa, al desvirtuado coleccionista: un irreverente monstruo de tocador incapaz de una confidencia tierna. Se puso de pie, caminó cautelosa hacia una puerta, y estudiando desde ahí mi expectativa, me instó a que me acercara. Obedecí con lentitud sobreactuada. Esta vez el coraje fue inútil. De espaldas, a pesar de la ropa anticuada, ella me resultó una mujer cautivante. Comprendí que cada parte -los hombros, las piernas, las caderas- cedía su fealdad atormentada para conformar un cuerpo radiante ante el cual prosternarse.

Avanzamos por un nuevo corredor más áspero y húmedo que los anteriores. Lámparas tenues proyectaban sobre las paredes una luz arcillosa.

Desembocamos en la puerta del fondo. Ella me miró con compasión, como si no me creyera preparado para presenciar lo que había del otro lado. Yo mantuve la mirada en su boca, ajeno al desafío de transponer la puerta. En los labios estaba la evidencia de su juventud; a pesar de obstinarse en lo contrario, a pesar de afearse y vestirse a la antigua, la mirada golosa delataba su fertilidad. Me inquieté: hacía tiempo que no tenía tan cerca a una mujer joven. Un verdadero y comprometedor privilegio. No quedaban muchas y era comprensible que ella tratara de ocultar su condición para no correr riesgos. Entre ellos no había ni siquiera mujeres mayores. Eran tan pocas que el Estado las acaparaba para asegurar el futuro de la especie. Las escasas mujeres en libertad corrían riesgos extremos, como ser raptadas o ser víctimas de ingenuos crímenes pasionales. Aunque matar a una mujer era mucho más grave que matar a un humano y estaba sancionado con pena de muerte, cualquier hombre, en cuanto poseía una, se tomaba el derecho de asesinarla por temor a la humillación. Como nunca, pesaba entre nosotros la vergüenza de ser hombres. He aquí por qué ellos, a pesar de no reproducirse y estar destinados a la extinción, parecían cada vez más.

Desde mi visión humilde y algo herética, faltaban mujeres porque ya no había hombres capaces de rebelarse y soportar su costo, es decir, la impotencia a la que nos habían sometido durante siglos. Ellas sin duda existían en algún lado. Las románticas seguían escondidas en el corazón de las ciudades, en las zonas viejas, empeñándose en el género, negándose a perder su reino catastrófico. Laura era una de las románticas: o se había fugado del territorio paralelo ideado por el Estado para asegurar la continuidad de la especie, o nunca, desde que había sido implementado este sospechoso plan de urgencia y amparo, había sido descubierta por un escuadrón de solitarios.

Lo cierto es que pasamos a un cuarto que no parecía tener nada especial. Carecía de ventanas y tenía el aire acogedor y mullido de los depósitos largamente clausurados. Contra las paredes había estantes y ménsulas que soportaban todo tipo de objetos prohibidos. Uno a uno fui reconociéndolos y cotejándolos con los que yo poseía en una habitación parecida, sin ventanas, en el fondo de mi casa. Laura impidió que me acercara demasiado a las reliquias. Me sugirió que me sentara. Obedecí y entonces tomé conciencia de lo que podía significar una mujer. Avizoré lo incomprensible, un vértice del misterio. Creo que otro en mi lugar no habría resistido y habría tratado de apropiársela en ese mismo momento... Yo, en cambio, me contuve e intenté conducirme de un modo razonable; no tenía motivos suficientes, aunque sí deseables, para comportarme como ellos. Me pareció que estaba ante un sueño perfecto y que un movimiento desatinado podía desplazarme hacia el despertar, hacia mi ventana neutra e irreal.

Permanecí fijo en mi lugar para superar la incertidumbre. Ella se acomodó en otra silla y me señaló una caja de costados plásticos y superficie de vidrio en el frente. Fascinado, reconocí el objeto. Había oído hablar al respecto. Coleccionistas avezados, tiempo atrás, cuando vivía mamá, me lo habían referido con cierta exaltación mística.

– Mírelo de cerca si quiere. Pero no lo toque.

Me acerqué y lo inspeccioné. Enseguida, por el tipo de perillas y la chapa esmaltada, deduje que era de los primeros que se habían fabricado. No quise interponer preguntas que desvanecieran el aura que exhalaba el tesoro. La presencia de ella junto a ese objeto inmerecido desató mi curiosidad: ¿cómo Laura había pasado tanto tiempo en cautiverio, sin ser descubierta? ¿Cómo no había sido delatada? ¿Y cómo yo no había deducido todavía mi función en la escena y las causas de la invitación?

Se me ocurrió que con un poco de voluntad podía precipitar su desgracia. Me bastaba con salir a la calle y denunciarla ante ellos: presentarla como una mujer joven que sobrevivía refugiada en el misterio. De pronto me detuve y sentí serenidad ante un recuerdo: ella me había prometido un objeto. Para corregir mi ingratitud, le confesé que apreciaba realmente su invitación; hacía tiempo que nadie me hacía tan dichoso, tan humano. Ella asintió a todo y duplicó el enigma con su reserva. No aludió al objeto ni a lo que en ese momento me resultó un absurdo: la promesa de destinármelo. ¿De qué manera podía ofrecérmelo? No, ella no iba a hablar; yo debía encontrar el modo de apropiarme de él. No se tomaría el atrevimiento de facilitarme la conquista a través de un vulgar ofrecimiento. La cuestión era más compleja de lo que había previsto. Sin duda Laura estaba dispuesta a perderlo, pero a cambio de algo... a un costo lógico y convenido:

– Laura, ¿usted tiene conciencia del riesgo que está corriendo?

– Sí, claro – todo en ella pareció encenderse-, para eso lo llamé, ¿o no?

– Quisiera ayudarla, aceptar... pero no sé.

Ella jadeó en señal de comprensión. Naturalmente, el problema, el impedimento, por decirlo así, eran ellos: ¿cómo no obedecer al llamado si el hecho de contemplarlos día a día ejercía una influencia irresistible? Pensé que una posibilidad –la más lógica-, era estrangular a Laura y llevarme el objeto. No había ningún peligro en actuar bajo el influjo de una moral desequilibrada. Equivalía a obedecer un impulso expiatorio. Otra alternativa era negociar. Le juraba absoluta reserva y todo estaba resuelto: su vida -si todavía le interesaba vivir- quedaba transitoriamente resguardada.

Enseguida descarté ésta idea; me resultó extorsiva, un modo de no inclinarme ni por un lado ni por otro. Lo más sensato era ofrecerle a cambio lo que yo consideraba pertinente: un poco menos de lo justo. No ser ni cobarde ni temerario, hacerse pasar por mediocre o idiota siempre es ventajoso.

Le pregunté si tenía pensado algún trato al respecto. Ofendida, como si la hubiera amenazado o insultado, contestó que me correspondía pensarlo en su lugar, ella no podía hacer propuestas. Dudé. En el fondo me pedía auxilio; su soledad debía ser más tormentosa que la mía. También ella, a través de las rendijas de la ventana, debía verlos errar día y noche. Y sin duda sufría porque de un momento a otro todo podía cambiar: o era rescatada por patrullas especializadas en protección femenina –espías infiltrados entre ellos para acopiar información-, o perecía en las garras de algún desesperado que no podía tolerar lo que representaba una mujer.

Entre los hombres ya nadie acostumbraba a salvar mujeres. De cualquier manera estaban condenadas y expuestas a un mal que se auto regeneraba y preservaba la expectativa de los verdugos: la delación. Tratar de salvar a una implicaba, naturalmente, condenarse, traicionar al resto de los hombres. Cualquier intento habría sido inútil, contraproducente. Además Laura había elegido una vida de refugio. En fin, la única forma de vida. Yo no podía quedarme... Nunca podría poseerla mientras ellos, afuera, erraran sonámbulos tras el pasado de alguna mujer. No debía acompañar a Laura en el dolor, en el secreto. Mi fidelidad no duraría, no. Bastarían semanas, a lo sumo tres meses, para que la ansiedad me empujara a la barbarie. Y entonces sí... me perdería en el asfalto, en el resplandor, en las suturas de niebla. Creí comprender el porqué de tantos espectros impenitentes. No podía aceptar el objeto a semejante costo aunque su fastuosidad mereciera sacrificios de cualquier tipo. Nunca llegaría a disfrutar de él. Así son los objetos prohibidos; su atracción reside en que uno cree estar siempre a punto de disfrutar de ellos, y cuando se retira siente, entre los intervalos de bienestar, la presión del vacío. Un soplo. Un suspiro. Y luego otra vez la necesidad de ese objeto. De modo que, si no iba a gozar enteramente ni de él ni de Laura, y por el contrario iba a estar aprisionado en la postergación, no valía la pena exponerme a la tragedia. No podía predecir o controlar mi reacción después de días de convivencia. Me desagradó la posibilidad de mezclarme con ellos. Calculé que por codiciar esa reliquia me exponía a perder mi modesta colección, mi reino.

– Laura, disculpe, no es que desprecie su ofrecimiento, pero no puedo, no puedo quedarme.

Su rostro tenso se relajó y cada gesto pareció diluirse en puntadas. Todo en ella encarnaba la decepción, el miedo, el arrepentimiento. Después de esa honrosa negación dejé de sentirme inofensivo: pesaba entre sus ojos como un potencial traidor; me obligaba a sospechar de mi comportamiento, y en ello yo encontraba un logro, un elogio. Laura se volvía aceleradamente frágil. Mejor irse, irse con el objeto, sin lastimar a mi benefactora. Ella no se resistiría al robo por temor al escándalo. ¿Pero era necesario humillarla? Podía ofrecerle a cambio algo más sencillo para encubrir una trampa, una promesa, y no sentirme ingrato ante la oportunidad concedida: visitarla semanalmente y amenizar su soledad. Cuando estaba por formular la propuesta, ella emergió desde un rincón del cuarto:

– ¿Piensa que yo lo aceptaría conmigo, estorbándome? No sea estúpido, ya tengo suficiente con mi soledad –me dirigió una mirada caníbal, programada para ese instante-. ¿Imagine si su soledad se sumara a la mía? Por favor, la soledad no se concilia ni se traiciona. Siga su intuición.

Enseguida pensé en ellos... Ese fue mi primer impulso: impregnarme en esa masa pastosa y fría de hombres que sólo eran una estela de aliento. Creí comprender: Laura no quería ser humillada en la calle ni en los territorios del Estado. Quería la paz, un final digno, casi amoroso. Obtener algún privilegio de su propia muerte. Pocas mujeres tenían la suerte de morir en privado, en su propia casa, y en manos de un hombre inocente para quien el tesoro, y no la desesperada perdición, cubría el crimen con un raro hálito amoroso. A nadie podía negársele el derecho de morir como humano. El suicidio era indigno, un final desaconsejable para una mujer: después de semejante determinación, los secretos procesados en el cautiverio quedarían bastardeados. En Laura todo pasaría a ser absurdo. Su cuerpo, su promesa, serían desmantelados por un error ingrato. De todas formas las mujeres eran tan pocas que nunca ninguna se habría atrevido a una apuesta similar. Era mucho más que un suicidio: en una mujer habrían sido abolidos cantidad de hombres. Por eso, a pesar del aislamiento y la nostalgia, ninguna de ellas lo hacía... Nunca habían sentido realmente lo que significaba sobrar en el mundo.

Transité la casa veloz y con el objeto a cuestas. No quise pensar, empantanarme en preguntas. Sólo anhelé la salida, el futuro inmediato que creí me depararía la reliquia. Me topé con la misma sala enorme, el aire estático. Luego los sillones hermosos e indescifrables. Atravesé sucesivos jardines de invierno y me desvié por corredores que me condujeron a cuartos intactos y polvorientos que tenían en la clausura algo ilícito... la eternidad. La casa parecía deshabitada desde hacía tiempo. No había huellas que señalaran el pasado de Laura. Preferí no volverme atrás. Tenía el objeto, era suficiente, no necesitaba saber más. No necesitaba salvarme. Atrás la penumbra se ramificaba y expulsaba sombras, manchas húmedas que deshacían el fasto de aquel paraíso deshabitado. Yo avanzaba y en cada ambiente encontraba reiterada la misma aridez, los muebles velados, mis propios pasos que sonaban bárbaros y extraían, de toda aquella naturaleza muerta, una simetría fantasmal. Por fin di con una salida. No recordé haber entrado por la misma puerta. Había anochecido en un cielo bajo y sin estrellas. Una luna excesiva se refractaba en el metal de la ciudad. En la oscuridad discerní el tránsito incansable de un racimo de ojos opacos. El viento removía el olor hinchado, a azufre y óxido, adherido a la niebla. Oí pasos fluidos, inidentificables. En la escena había algo dulce, conmovedor, como si alguien partiera con toda la inconsolable sabiduría a que puede aspirar un hombre que sin saberlo está regresando. Bajé el objeto, descansé y respiré largamente protegido en el umbral.

Par Oliverio Coelho

Oliverio Coelho (Buenos Aires, 1977) a publié un recueil de poèmes, Desmárgenes, en 1997. Il a reçu différentes distinctions dont le Prix Edmundo Valadés (Mexique). Son premier roman, Tierra de vigilia, a été publié en Argentine, au Mexique et à Puerto Rico. En 2002 il obtient au Venezuela le prix José Rafael Pocaterra pour le recueil de nouvelles Los que se quedan. Il vit actuellement à Buenos Aires.

Jeanne-Marie Hostiou est doctorante en littérature française à l’université de Paris3. Elle a traduit le recueil de poèmes de Mariano Peyrou La Voluntad de equilibrio (La Volonté d’équilibre), à paraître en édition bilingue aux éditions duPetit Véhicule.

Illustration d’Esteban De la Mata. Originaire de Mar del Plata, en 2002 il obtient un diplôme en communication sociale à l’Université nationale de La Plata. Il a travaillé comme journaliste à la radio et à la télévision, et comme attaché de presse dans le domaine politique. Il a aussi été professeur, facteur, barman et ouvrier agricole. Il a vécu dans de nombreux endroits (La Plata, Buenos Aires, Patagonie, Brésil, Espagne) et vit actuellement à Bordeaux.