Leyli et Medjnun

Principaux personnages :

GEYS (MEDJNUN), jeune homme arabe (ténor lyrique)

LEYLI, jeune fille, amante de Geys (soprano lyrique)

EBUL GEYS, père de Medjnun (ténor)

UMMUL Geys, mère de Medjnun (soprano)

FETTAH, père de Leyli (baryton)

UMMUL LEYLI, mère de Leyli (mezzo-soprano)

IBN SELAM, riche Arabe (ténor)

NOFEL, chef militaire (baryton)

ZEYD, ami de Medjnun (ténor)

PROLOGUE

LE CHŒUR :

Par le sort funeste affligé

Des larmes de sang déversées

Le peuple entier est attristé

Aux confins de son noir destin

Rose est le teint de son visage

Mon cœur souffre de ce présage

De cette rose je n’ai l’usage

Triste fleuve, je suis ton chemin

PREMIÈRE PARTIE

Un jardin près de l’école. Medjnun guette la venue de Leyli.

MEDJNUN :

De l’absence je me consume, en quête d’une panacée

La douleur m’a envahi, à mon aide venez, venez

Et je pleure et me lamente, rossignol désespéré

Dans ma cage prisonnier, où est donc ma roseraie ?

LEYLI :

Victime de mon amour, me voilà seule et blessée

Cette peine pour mon malheur sur moi s’est effondrée

Autour de moi personne pour ma peine partager

Son absence trop me pèse, mon tourment a trop duré !

Medjnun s’approche de Leyli.

MEDJNUN :

Devant sa beauté solaire, de moi-même je ne suis plus
maître

Je reste seul dans l’ombre en proie à mon mal-être

Esclave de mon amour, je n’ai qu’à me soumettre

De ma passion l’objet et l’impatience me tourmentent

LEYLI :

Sur le chemin de son cœur il m’a trouvée, je le sais

Il a su me toucher, m’émouvoir, je le sais

Laissons parler mon cœur, à quoi bon l’implorer

Et le monde entier connaît ma peine, je le sais

LEYLI ET MEDJNUN :

De ta beauté juvénile la grâce m’a touché(e)

Mes larmes de sang coulent pour toi, joyeux cyprès

À tes boucles, à tes sourcils je ne puis résister

Amour et désarroi de moi se sont emparés

MEDJNUN :

Te voyant égarée, cheveux épars, je suis ruiné

De tes lèvres l’éclat carmin a fait de moi un muet

À la vue de ton visage mon âme s’est embrasée

Et je ne suis que soupir devant ta jeune beauté

LEYLI :

Voyant son désespoir mon cœur est déchiré

Ce garçon si jeune et frais m’a bien troublée en vérité

Je ne puis que l’admirer et en larmes m’épancher

Et l’arcade de ses sourcils de mon cœur s’est emparée

MEDJNUN :

Je sais bien que dangereux est de l’amour le destin

Rien ne m’en détournera, même si la mort est la fin

Son aspect m’a tant séduit, je ne sais plus mon chemin

À cet amour je me soumets et ne puis en voir la fin

LEYLI :

De mes pensées, de mes propos il est l’unique objet

À la beauté de ses traits à jamais j’ai succombé

Il a suffi d’un regard et mon âme s’est égarée

À subir cet amour si funeste je suis vouée

Les filles, les garçons s’approchent de Leyli et Medjnun et
chantent.

LES FILLES :

Voyez ces enfants indociles, fuyant l’école, que
font-ils

Qu’à votre père vienne la rumeur, votre châtiment, quel
serait-il

Délaisser ainsi l’école, est-ce en vérité bien sage

Et tomber amoureux n’est pas encore de votre âge!

LES GARÇONS :

C’est l’amour, un lien d’amour

Douloureux, funeste amour

Les filles emmènent Leyli. Medjnun reste seul, assis. Entre son
père.

LE PÈRE DE MEDJNUN :

Rossignol, au jardin tu sèmes l’émoi

Et nul ne se réjouit de ton état

Ouvre ton cœur, daigne parler à ton père

Et révèle-nous ce troublant mystère

Qui à ce point a pu te décevoir

Qui t’a plongé dans un tel désespoir

Que cherches-tu, errant sur ce chemin

Quelle est la cause de cet état chagrin

S’il faut, jusqu’au-delà des mers j’irai

Parle à ton père, mon fils, j’ordonnerai

MEDJNUN :

Noble vieillard inquiet de mon malheur

N’implore pas l’aide du Créateur

Si la raison en demander tu n’oses

Sache, de mon désarroi tu es la cause

Je ne savais ni le cours de ce monde

Ni la terre et le ciel qui se confondent

Insouciant et heureux je vivais

Et de beauté ni d’amour ne rêvais

Entre la mère de Medjnun.

LA MÈRE DE MEDJNUN :

Repos de mon âme, lumière de mes yeux

Unique enfant, bonheur de tes aïeux

Tu es libre de désirer l’amour

Et nous te viendrons en aide en retour

Mille tribus peuplent cette contrée

Et dans chaque lignée, mille beautés

Chacune nous verrons, pour ton plaisir

Afin de satisfaire à ton désir

À l’avis de tes parents soumets-toi

Et en cet instant, mon fils, réjouis-toi

MEDJNUN :

Père et mère qui m’avez donné le jour

Mon âme, mon cœur sont à vous pour toujours

Je vous l’avoue, je ne suis plus le même

Leyli a su m’émouvoir et je l’aime

Elle m’a emprisonné bien malgré moi

Hélas, comment vous dire mon émoi

Elle est l’objet, la cause de mon mal-être

Et de mon destin je ne suis plus maître

Il me faut aller dans cette aventure

Car je ne puis plus changer ma nature

LE PÈRE DE MEDJNUN :

Ne résiste pas à la voie qui t’est tracée

Oui, l’amour t’a touché, le monde entier le sait

Son visage paraît beau comme la lune, pourtant

Bien dur est, je le sais, le destin qui t’attend

Les chaînes de la passion vont te tourmenter

Car tout être épris ne peut que se lamenter

TRIO : LE PÈRE DE MEDJNUN, LA MÈRE DE MEDJUN, MEDJNUN

LE PÈRE DE MEDJNUN :

Allons, mon Geys, rentrons chez nous

MEDJNUN :

Mon père, ma mère, cet amour me rendra fou

LE PÈRE DE MEDJNUN :

J’irai pour toi obtenir la main de Leyli

MEDJNUN :

Mon père, ma mère, cet amour me rendra fou

DEUXIÈME PARTIE

La maison de Leyli. Les filles s’adressent à la mère de Leyli.

LES FILLES :

À l’école elle ne peut aller, Leyli

Son honneur en serait souillé, Leyli

Le nom de Leyli ne peut être objet de calomnie

D’écouter son caprice empêchez Leyli

À l’école elle ne peut aller, Leyli

Son honneur en serait souillé, Leyli

Le nom de Leyli ne peut être objet de calomnie

Les filles sortent.

LA MÈRE DE LEYLI :

À ouïr ces nouvelles me voilà bien lasse

Comment souffrir une telle disgrâce

Est-ce ma fille, que lui arrive-t-il

Dure comme le roc, ce n’est plus ma Leyli

C’est une chance si elles sont cachées

Nous devons aux filles le voile imposer

Leyli rentre de l’école.

LA MÈRE DE LEYLI :

Hélas, ma fille, quelles sont ces rumeurs

Ces critiques qui visent ton honneur

Pourquoi ta vertu est-elle diffamée

Laisseras-tu souiller ta renommée

LEYLI :

Mère à la bonté ici-bas sans pareille

Mère, tes paroles sacrées sur moi veillent

Des propos que tu tiens je ne saisis rien

De ces blâmes avec moi quel est le lien

LA MÈRE DE LEYLI :

On dit qu’à l’amour tu as succombé

Que d’un inconnu tu t’es approchée

D’où te sont nées de l’amour ces idées

D’où t’est venu ce goût pour l’amitié

Un jeune amoureux n’est pas une malchance

Mais une fille éprise, quelle déchéance

LEYLI :

Tu parles d’amour en de tels reproches

Mon âme est pure et j’écoute mes proches

De ces rumeurs je ne sais point le but

Dis-moi, comment n’en être pas émue

LA MÈRE DE LEYLI :

Qu’adviendra-t-il quand ton père le saura

Le cœur plein de colère, il sévira

Dorénavant tu dois quitter l’école

Le savoir n’est pas tout, crois mes paroles

Tente à présent d’oublier cet émoi

Accepte ton sort de fille, soumets-toi

LEYLI :

À l’école selon votre volonté

Je me rends pour ne pas vous peiner

Tel est mon but en allant étudier

Sinon quel plaisir pourrais-je en tirer

Ces mots, je t’en prie, ne les répète pas

Mon attitude ne me reproche pas

Leyli et sa mère sortent. Le père de Leyli entre, accompagné de
quelques arabes.

LE PREMIER ARABE :

Voici que vient vers nous Ebul Geys

Afin de faire sa demande, Ebul Geys

Pourtant de tous il sera la risée

Medjnun à ta fille n’est pas destiné

LE DEUXIÈME ARABE :

Ne te laisse pas séduire par ses serments

Garde-toi de donner Leyli à ce dément

LE CHŒUR DES ARABES :

Au fils d’Ebul Geys oppose un refus

S’il demande Leyli, oppose un refus

On se rira de lui, on le traitera de fou

Pourquoi notre Leyli l’aurait-elle pour époux

Medjnun, son père et ses marieurs entrent. Le père de Leyli les
invite à s’asseoir.

LE PÈRE DE MEDJNUN :

Sois glorifié, mon hôte, et sois comblé

Puissent tes désirs se réaliser

Ta puissance s’étend sur les milliers

Des glorieux membres de ta lignée

Chacun connaît ta magnanimité

Et de tes ancêtres la renommée

Dans sa bonté, le Très-Haut m’a comblé

Une pierre précieuse il m’a donné

Je souhaite que ce précieux rubis

Trouve à son goût un autre beau rubis

Il est parvenu jusqu’à mes oreilles

Que vous avez une telle merveille

Accorde-moi cette insigne faveur

D’unir ces deux rubis fais-moi l’honneur

LE PÈRE DE LEYLI :

À tes sujets tu montres ta sagesse

Mais tu me mets là en pleine détresse

Ton éloquent discours m’a embarrassé

Et je ne sais quelle réponse te donner

Ta renommée partout est célébrée

Mais ton enfant est objet de risée

On le dit medjnun [1], on se moque de lui

Comment à un fou donner ma Leyli

LE CHŒUR DES MARIEURS DE MEDJNUN :

Ne nous précipite pas dans le chagrin

Et de Leyli accorde-nous la main

Geys est honnête, nanti et généreux

Et de tous il est le plus valeureux

LE PÈRE DE LEYLI :

Jamais, non jamais je ne donnerai

Leyli à ce fou qui l’affligerait

MEDJNUN :

Dieu, étends sur moi le malheur d’une flamme sans
espoir

Ne me détourne pas de l’objet de cet amour noir

Fais-moi la grâce de ne pas amoindrir mes souffrances

D’endurer les maux accorde-moi l’endurance

N’écarte pas de moi le moindre déplaisir

Je recherche le tourment, c’est lui que je désire

Medjnun, son père et ses marieurs se retirent.

LE PÈRE DE LEYLI :

Cet homme dans l’avenir sera loué

Son nom restera signe d’équité

Son fils, pour lui précieux comme une gemme

Méritera toujours que son père l’aime

Sois bon, que ton successeur soit heureux

En ce monde pour ton fils fais de ton mieux

Mais si par malheur le fils se méprend

S’il s’égare, personne ne le comprend

S’il vient à montrer des signes démentiels

Il peut indisposer son père, sa parentèle

Le père de Leyli sort. Leyli entre.

LEYLI :

Le sort injuste m’a séparée de mon bien-aimé

Rien ne réduira la peine qui m’est infligée

Cet outrage reçu m’a dévastée

Et c’est un tel outrage

Qu’il ne me laisse le choix d’aucune panacée

Leyli sort. Le père de Leyli, Ibn Selam et ses marieurs entrent.

LE CHŒUR DES MARIEURS D’IBN SELAM :

Vous plaçant au plus haut nous sommes venus à vous

Nous nous inclinerons, la décision est à vous

LE PÈRE DE LEYLI :

Céans soyez les bienvenus

De venir vous avez bien fait

Et je suis prêt à vous contenter

Selon mes possibilités

LE CHŒUR DES MARIEURS :

Ibn Selam, jeune valeureux

Est d’un rang très majestueux

Pourtant il a un sujet de regret

Personne avec qui sa vie partager

De ta fille belle et pure on lui a fait mention

Il veut être pour toi parent, ami, relation

LE PÈRE DE LEYLI :

Tu es de noble lignée, ton offre me ravit

Par la volonté de Dieu, je te donne Leyli

Qu’elle aille à Ibn Selam

Grâce à Dieu, Ibn Selam

Puisse-t-elle te rendre heureux

IBN SELAM :

En cet instant tu m’es plus proche que mes parents

Avec l’aide de Dieu, je te serai aussi cher qu’un enfant

LE CHŒUR :

Allons de ce pas nous préparer pour ce mariage

Tous sortent. Leyli entre.

LEYLI :

Je n’y puis rien, le sort contre moi s’est prononcé

Mon amour pour ce bouton de rose, je dois y renoncer

[...]

Traduit par Shirin Melikoff

İştirak edənlər:

QEYS (MƏCNUN) - Lirik Tenor

LEYLİ - Lirik Soprano

MƏCNUNUN ATASI- Tenor

MƏCNUNUN ANASI-Messo-Soprano

İBN SƏLAM - Tenor

NOFƏL - Bariton

ZEYD - Tenor

BİRİNCİ ƏRƏB - Tenor

İKİNCİ ƏRƏB - Tenor

Leyli et Medjnun, Nezâmi, miniature

PROLOQ

XOR :

Şəbi hicran yanar canım

Tökər qan çeşmi giryanım,

Oyadar xəlqi afğanım,

Qara bəxtim oyanmazmı.

Güli rüxsarma qarşu

Gözümdən qanlı axar su

Həbibim, fəsli güldür bu,

Axar sular bulanmazmı?

BİRİNCİ PƏRDƏ. BİRİNCİ ŞƏKİL.

Pərdə açilır. Məktəbə yaxın bir çəmənlik. Məcnun Leylinin yolunu gözləyir. Mahur-hindi çalmır

MƏCNUN:

Yandı canım hicr ilə, vasli-ruxi-yar istərəm,

Dərdi-məndi firqətəm, dərmani-didar istərəm.

Bülbüli-zarəm, deyil bihudə əfqan etdiyim,

Qalmişam nalan qəfəs qeydində, gülzar istərəm.

LEYLİ:

Eşq dəminə giriftar olalı zar olubam,

Nə bəladır ki, ona böyla giriftar olubam,

Qüdrətim yox ki, qılam kimsəyə şərhi-qəmi-dil,

Öylə kim arizeyi-hicrlə bimar olubam.

Şikəsteyi-Fars çalınır. Məcnun Leyliyə yaxınlaşir.

MƏCNUN:

Gördüm ol xurşidi-hüsnün ixtiyarım qalmadı

Sayə tək bir yerdə durmağa ixtiyarım qalmadı

Rahi-eşq içrə mənə ancaq fəna məqsud idi

Şükr kim məqsudə yetdim, intizarım qalmadı.

LEYLİ:

Yar hali-dilimi zar bilibdir, bilirəm

Dili-zarımda nə kim var bilibdir, bilirəm,

Mən nə hacət ki qılam şərh ona dərdi-dilimi,

Qamu dərdi-dilimi yar bilibdir, bilirəm.

LEYLİ VƏ MƏCNUNUN DUETİ:

Ah eylədiyim sərvi-xuramanın üçündür,

Qan ağladiğım qönçeyi xəndanın üçündür.

Sərgəstəliyim kakili müşkinin ucundan

Aşüftəliyim-zülfi-pərişanın üçündür.

MƏCNUN:

Paybənd oldum səri-zülfi-pərişanını görüb,

Nitqdən düşdüm ləbi lə’li-dürəfşanını görüb,

Oda yandı şəm’vəş canım baxıb rüxsarına

Çərxə çəkdim düdi-dil sərvi-xuramanın görüb.

LEYLİ:

Könlüm açılır zülfi-pərişanını görcək,

Nitqim tutulur qönçeyi-xandanını görcək.

Baxdıqca sənə qan saçılır didələrimdən,

Bağrım dəlinir navəki-müjganını görcək.

MƏCNUN:

Bildim təriqi-eşq xətərnakdır, vali,

Mən dönməzəm bu yoldan, ölüm olsa qayəti.

Qəddin həlakiyəm, düşə bilməm ayağına,

Bir dərdə düşmüşəm ki, bulunmaz nəhayəti.

LEYLİ:

Ey hər təkəllümüm xəti səbzin hekayəti!

Virdim həmişə məshəf.-rüxsarın ayəti!

Bəs kim səni görəndə gedər məndən ixtiyar,

Gəlməz bəyanə möhnəti eşqin şikayəti.

Qızlar və oğlanlar Leyliyə və Məcnuna tərəf gəlib oxuyurlar:

QIZLAR :

Ah, görün bu azğınlar dərsdən qaçib nə edirlər bax!

Nagah, olsa atanız işdən agah neylərsiz əgər versə cəza

Layiqdirmi sizə dərsdən qaçmaq?

Dərsdən qaçaraq aşiq olmaq?

OĞLANLAR:

Bu bir yara bənd olmuş aşiq

Dərdli aşiq, qəmli aşiq.

Qızlar Leylini aparırlar. Məcnun tək qalıb bikef oturur. Məcnunun atası gəlir. "Çahargah" çalmır.

MƏCNUNUN ATASI:

Ey bülbüli-bustani-bidad

Hərgiz ravişindən olmasım şad.

Hali dilini mənə bəyon et!

Əsrari-nihanini bəyan et,

Kim aldı alindən ixtiyarın?

Kim eylədi tirə ruzigarın?

Na seyrdəsən, sənə tələb nə?

Bu naleyi-zarinə səbəb nə?

Dəryada isə sənə düri-kam,

Sən söylə, mən eyləyim sərəncam

MƏCNUN:

Ey piri-şikəstə halu-naşad,

Tanrıyçün alimdən eyləmə dad.

Demə ki, nədir bu macəralar

Səndən mənə yetdi bəlalar.

Mən bilməz idim qəmi-cəhani,

Təşvişi-zaminü asimani,

Bilməzlik ilə xoş idi halim,

Nə hüsn, nə eşq idi xəyalim.

Məcnunun anası gəlir. Müxalif çalmır.

MƏCNUNUN ANASI:

Ey rahəti-canü nuri-didəm!

Fərzəndi-yeganeyi güzidə!

Məhbub həm istəsən, kəm olmaz,

Biz kim səniniz, sənə qəm olmaz.

Vardır bu həşəmdə min qəbilə

Hər taifə içrə min cəmilə,

Bir-bir qılalım qamu sənə ərz,

Yetsin yerinə bizə olan fərz.

Bizdən bu nəsihəti qəbul et!

Hər ləhzə bizi yetər mə’lul et!

MƏCNUN :

Ey ruhi rəvanım ata-ana! Kami-dilü canım ata-ana

Bildim bu işi özümə layiq Leyli sənəmə mən oldum aşiq,

Sonra olubam bu işdən agah,

Əmma nə deyim, nə söyləyim, ah!

Yoxdur bu işimdə ixtiyarım,

Zəbtimdə inani iqtidarım!

Əql oldu zəifü eşq qabib,

Xatir nigəran, nigar cazib

Mən yekcəhətəm təriqətimdə,

Təğyir işi yox cibillatimdə

MƏCNUNUN ATASI:

Can vermə qəmi-eşqə ki, eşq afəti candır

Eşq afəti can olduğu məşhuri-cahandır

Yaxı gôrnnzir surah mahvaglarin, am ma

Yax,i nazar etdikda, sarancami yainandir.

Eşq içra əzəb olduğun ondan bilirəm ki,

Hər kixmə ki, aşiqdir, işi ahü-fəğandır.

TRIO
MƏCNUNUN ATASI, MƏCNUNUN ANASI, MƏCNUN :

MƏCNUNUN ATASI :

Durun gedək evimizə, Qeysim!

MƏCNUN :

Ata, ana, enşqin havası məni Məcnun edəcəkdir.

MƏCNUNUN ATASI:

Mən sənə Leylini gedib alıb istərəm.

MƏCNUN:

Ata, ana, enşqin havası məni Məcnun edəcəkdir .

İKİNCİ PƏRDƏ. İKİNCİ ŞƏKİL

Qızların xoru: Leylinin evi, qızlar Leylinin anasına müraciətlə oxuyurlar.

QIZLAR :

Leylini qoyma məktəbə getsin

Yaxşı adını yaman edir, Leyli

Leyli xalq içində sizləri bədnam edir.

Əlac et, Leylini qoyma sevişə

Leylini qoyma məktəbə getsin

Yaxşı adını yaman edir, Leyli

Xalqın içində sizləri bədnam edir Leyli.

Qızlar gedir. "Simayi-Şəms" çalınır.

LEYLİNİN ANASI :

Oldum bu xəbərdən mən pərişan,

Rüsvayçılığa dözərmi insan?

Övlad bu imiş, nolaydı, ey kaş,

Leyli yerinə olaydı bir daş,

Xoş ol ki, qızı həmisə gizlər

Xud gizli gərək həmisə gizlər.

Leyli məktəbdən gəlir. "Simayi-Şəms" çalınır.

LEYLİNİN ANASI :

Ey şux, nədir bu göftgulər?

Qılmaq sənə tə’nə eybculər?

Neyçün özünə ziyan edirsən?

Yaxşı admı yaman edirsən?

LEYLİ:

Ey munisi-ruzigarım ana!

Dürci-düri-şahivarım ana!

Sözlər dersən ki, bilməzəm mən,

Mazmununu fəhm qılmazam mən.

LEYLİNİN ANASI :

Derlər səni eşqə mübtəlasan,

Biganələr ilə aşinasan

Sən hardanu eşqü-şövq hardan?

Sən hardanu dustü zövq hardan?

Oğlan əcəb olmaz olsa aşiq,

Aşiqlik işi qıza nə layiq?!

LEYLİ:

Dersən məşuqü eşqü aşiq

Mən sadəzəmir tifli sadiq:

Bilməm nədir ol hədisə məzmun?

Söylə necə olmayım digərgun?

LEYLİNİN ANASI :

Neylərsən əgər atan eşitsə?

Qəhr ilə sənə siyasət etsə?

Minbə’d gəl eylə tərki-məktəb,

Bil əbcədini həmin cədü-əb.

Təmkini cünunə qılma təbdil

Qızsan, ucuz olma, qədrini bil.

LEYLİ:

Mən məktəbə rə’yim ilə getməm

Bir şüğli xilafi-rə’yin etməm.

Billah mənə həm bu idi məqsud

Məktəbdə olurmu tifl xoşnud?

Arüq bu sözü mükərrər etmə,

Lütf eylə, məni mükəddər etmə!

Leyli və anası gedirlər. Leylinin atası bir neçə ərəblə səbnəyə daxil olur. "Şur" çalmır.

BİRİNCİ ƏRƏB :

İndi gələcək bura Əbül-Qeys,

Minnət edəcək sənə Əbül-Qeys.

Tə’n etmədədir ona xəlayiq,

Məcnuna sənin qızın nə layiq.

İKİNCİ ƏRƏB :

Aldanma onun şirin dilinə,

Leylini cünunə vermə, vermə!

XOR ƏRƏBLƏR :

Vermə, vermə, Əbül Qeysin oğluna

İstəsə gər, Leylini vermə, vermə!

Ona tə’n eyləyirlər, ona məcnun deyirlər

Nəyə lazım kim Leyli, ərə getsin məcnuna.

Məcnunun atası və Məcnun elçilərlə səhnəyə daxil olurlar. Leylinin atası onları oturmağa dəvət edir. "Şur" çalınır.

MƏCNUNUN ATASI:

Ey qədrlə qibleyi-gəbail!

Səndən hammın muradı hasil,

Əslü-nəsəbim sənə əyandir

Hökmüm neçə min evə rəvandır.

Məşhuri-qəbailəm səxadə,

Mə’rufi-təvaifəm ətadə

Nəxli-əməlim səmər veribdir,

İzzət mənə bir gühər veribdir.

Hala dilərəm bu türfə lə’lö,

Bir lə’l ila ola həmtərazu.

Bir lə’lin eşitmişəm sənin var,

Kim lə’löümə odur səzavar.

Lütf eylə inayətü kərəm qıl!

Ol lə’l ilə dürrü möhtərəm qıl!

LEYLİNİN ATASI :

Ey qovm içində bir xirədmənd!

Mən kimi əsiri-dami-fərzənd!

Müşkülcə xitabdrr xitabdın,

Bilməm necə verəyim cəvabın?

Qürbün bilirəm mənə şərəfdir

Əmma xələfin əcəb xələfdir.

"Məcnun"-deyə tə’n edər xəlayiq,

Məcnuna mənim qızım nə layiq?

MƏCNUNUN ELÇİLƏRİNİN XORU :

Ey ərəb, sən bizi mə’yus etmə,

Verginən Leylini Qeysə getsin.

Maldan da, candan da, puldan da

Hamıdan artıqdır, bil bunu, ərəb.

LEYLİNİN ATASI :

Vermərəm, vermərəm, vermərəm,

Leyliyə yaraşmaz divanə oğlan.

MƏCNUN :

Yarəb! Bəlayi-eşq ilə qıl aşina məni

Bir dəm bəlayi eşqdən etmə cüda məni!

Az eyləmə inayətini əhli-dərddən

Yə’ni kim çox bəlalərə qıl mübtəla məni!

Olduqca mən götürmə bəladan iradətim,

Mən istərəm bəlane, çün istər bəla məni

Məcnun və elçilər gedirlər. "Şur" çalınır.

LEYLİNİN ATASI :

Nəslilə olur bəqai-insan,

Nəzmi bəşərü nizami.-dövran,

Can cövhərinə bədəldir övlad,

Övlad qoyan goyar həmin ad.

Xoş ol ki, xələfdən ola xoşdil,

Dünyadə bir oğlu ola qabil.

Ah, olsa əgər səfihü sərkəş

Ətvari-gərihü, xülqü-naxoş

Təşni oxuna olub nişanə,

Bizar olar ondan atə, anə.

Leylinin atası gedir. Leyli gəlir. "Zəmin-xarən çalmir.

LEYLİ :

Fələk ayırdı məni cövr cananından.

Həzər etməzmi əcəb naləvü-əfganımdan.

Qəmi-pünhan məni öldürdü.

Bu həm bir qəm ki,

Gülruxum olmadı agah qəmi-pünhanımdan.

Leyli gedir. Leylinin atası və İbn Səlamın elçiləri səhnəyə daxil olurlar.

İBN SƏLAMIN ELÇİLƏRİNİN XORU :

Ali cahanı bilib galmişik ziyarətə

Bir əmri edib izhar, əncamın alaq səndən.

LEYLİNİN ATASI :

Xoş gəldiz, səfa gəldiz,

Məni siz uca etdiz

Hər əmrə varam hazir,

Mümkündürsə əlacı.

İBN SƏLAMIN ELÇİLƏRİNİN XORU :

Bu oğlan İbni Səlam

Həm cahü-cəlalı çox

Əmma ki, onun heyfa

Həmdərdi, həmsirri yox.

Bilmişdir sənin vardır, ismətli gozəl qızın

İstər kim ola sənlə həm qom, həm dost, həm aşna.

LEYLİNİN ATASI :

Ey taifeyi-nəcib, bu təklifə mən şadam,

Xudavəndin əmriylə verdim Leylini getsin,

İbn Səlamın olsun,

İbn Səlam, ilahi,

Səni xosbəxt eyləsin.

İBN SƏLAM :

İndi sən mənə oldun ata-anadan əziz.

Allah qoysa mən də ollam sənə oğul yerində.

XOR:

İndi gedək toy üçün tədarüka başlayaq.

Hamı gedir. Leyli gəlir. "Qatar" çalınır.

LEYLİ :

Xilafi-rə’yim ilə, ey fələk, mədar etdin

Mən gül istər ikən, mübtətai-xar etdin.

[...]

Par Uzeir Hadjibeyov

Texte intégral publié aux éditions l’Espace d’un Instant, disponible à la commande :

Leyli et Medjnun suivi de Köroghlu d’Uzeir Hadjibeyov (Bakou 1908 et 1937), traduit de l’azéri par Shirin Melikoff, avec le concours de l’Ambassade de France en Azerbaïdjan et du Centre national du Livre (2003).

ISBN 2-915037-04-3 / 112 pages / 10 euros.

Commander : 01 40 24 00 55 / contact@sildav.org

http://www.sildav.org/catalogazeri.htm

Préface de Shirin Melikoff, traductrice, pour les Editions L’Espace d’un Instant :

Uzeir Hadjibeyov (1885-1948), originaire de Shusha, centre culturel de l’Azerbaïdjan situé au cœur de la région du Karabagh, est issu d’une lignée de musiciens et son enfance a été bercée par les refrains populaires des chanteurs de mugham [2]. Chaque mugham exprime un sentiment, et l’improvisation peut durer de trente minutes à plusieurs heures… Membre de l’intelligentsia, il a participé au mouvement de mise en valeur du patrimoine littéraire et musical de son pays. Créateur de la
musique de l’hymne national, fondateur de l’école musicale azerbaïdjanaise, qui a rendu leur place aux instruments traditionnels, auteur de nombreuses chansons et d’études portant sur la musique traditionnelle et le folklore, il est la figure de proue de la culture musicale en Azerbaïdjan.

Uzeir Hadjibeyov est de ces hommes précieux qui ont forgé l’art de leur pays. Sa valeur est d’avoir pressenti qu’il fallait, au lieu de rejeter le patrimoine artistique accumulé pendant des siècles, l’utiliser afin d’édifier sur cette tradition les bases d’une musique nationale renouvelée, répondant à l’esprit du temps et aux besoins de son peuple.

Il existait entre les musiques orientale et occidentale un véritable mur qu’il dut abattre pour réussir une synthèse des deux mondes et offrir de nouvelles perspectives au développement de la musique azerbaïdjanaise en l’enrichissant des méthodes et conceptions des écoles musicales européennes. Cette ouverture à la musique européenne était quasi naturelle : l’Europe avait depuis longtemps senti la valeur du folklore oriental, et la musique russe en était la plus proche, qui avait déjà introduit des éléments orientaux dans certains opéras. Mais seuls les artistes locaux
pouvaient pleinement restituer la richesse de leur musique.

Leyli et Medjnun retrace l’histoire d’un amour tragique entre deux jeunes gens, sorte de Roméo et Juliette du monde oriental.

C’est la première œuvre musicale d’Uzeir Hadjibeyov, et bien qu’étant un amalgame de mugham plutôt qu’un opéra à proprement parler, c’est la première tentative de rapprochement des systèmes musicaux oriental et occidental. Créé en 1908 à Bakou, Leyli et Medjnun est un « opéra sur le mode oriental » qui conserve de nombreux passages originaux du Leyli et Medjnun du poète du XVIe siècle Fuzûli.

L’histoire de l’amour fatal et éternel de Leyli et Medjnun est une des légendes les plus répandues du Moyen-Orient à l’Asie centrale. Elle se rattache aux grandes histoires d’amour tragiques de la littérature épique, de Tristan et Iseut à Aucassin et Nicolette et Lancelot, jusqu’à influencer le Roméo et Juliette de Shakespeare, auquel elle est souvent comparée.

La tradition bédouine, cadre de Leyli et Medjnun, évoque les relations entre jeunes gens, l’amour foudroyant, la séparation due au désaccord tribal, l’attente interminable et la mort inéluctable des amants. Tous les poèmes consacrés à ce thème sont empreints de la même nostalgie de l’amour éperdu et perdu, qui place Medjnun dans un état entre démence et mort. Si son amour le maintient en vie dans l’espoir de revoir Leyli, l’échec et le
désespoir causent sa folie et sa perte. Cette tradition s’est conservée intacte chez tous les peuples du Moyen-Orient, tant pour sa portée sociale et symbolique que pour sa valeur poétique et musicale. Parfois même, Medjnun est hissé au rang de héros mystique, cherchant, à travers l’amour humain, à atteindre l’amour divin, comme la quête chez Platon de l’amour du Beau. Ainsi, les peuples iraniens et turcs font de Medjnun un martyr de l’amour de
Dieu. En Azerbaïdjan, surtout avec les poèmes de Nizami, la légende prend un aspect particulier et devient l’archétype de la poésie lyrique. Nizami décrit la nature avec ferveur et les passions avec sensualité. Il dépeint le sort tragique des amants entre mysticisme fataliste et sentiments humains.
Mais c’est de Fuzûli, dont la langue littéraire était plus abordable et se prêtait davantage aux improvisations des mugham, que s’est inspiré Uzeir Hadjibeyov pour allier la tradition de l’improvisation aux éléments plus codifiés d’un orchestre.

Illustrations : Peintures miniatures persanes de Nezâmi : Leyli et Medjnun (les cinq poèmes de Nezâmi, XIIème siècle).

[1« Fou » en arabe

[2Forme de musique traditionnelle, en Azerbaïdjan, improvisant sous divers modes des chants d’amour