RISTIĆ Marko

Issu d’une vieille famille belgradoise, Marko Ristić (1902-1984) est le chef de file du mouvement surréaliste serbe. C’est la culture française qui offre son cadre au jeune écrivain. Francophile il collabore étroitement avec André Breton et entretient tout au long de sa vie d’intenses échanges avec lui.

Il introduit le premier Manifeste du Surréalisme (1924) dans la revue Svedocanstva, quelques mois après sa parution en France. Il est alors rejoint par pléthore de jeunes écrivains tels que Dusan Matic, Monny de Boully, Dorde Kostic, tous, notons-le, francophones.

Le mouvement suscite un vif intérêt dans le milieu intellectuel belgradois. Cependant, ces jeunes avant-gardistes vont vite être contestés. On leur reproche une trop grande influence française, ce qui leur vaut également d’être taxés d’arrogance, voire de pédanterie. Ristic se heurte donc, dès ses premières publications, à l’incompréhension de ses contemporains.

Ristic publie ses premiers ouvrages dans les années 30-40 alors que la toute jeune Yougoslavie sort difficilement de cinq siècles de domination extérieure (successivement ottomane et austro-hongroise). Ce contexte historique rend l’accès aux courants littéraires mondiaux difficile, et le patrimoine culturel yougoslave reste assez modeste. N’oublions pas que la notion de langue littéraire serbo-croate n’apparaît qu’au XIXe siècle avec l’Accord de Vienne, mené par Vuk Karadzic et Ludevit Gaj.

L’extrait du poème Turpituda est assez représentatif de cette génération d’écrivains et de son mouvement. Le Passé, obscur, sale, décadent, se trouve confronté à un avenir tout aussi brutal que menaçant.

De cette confrontation incongrue, d’où émanent anxiété et noirceur, va naître une envolée onirique enivrante et magique. Le texte, malgré toutes ses ombres, insuffle un parfum de rêves, qui fera triompher la Turpitude, fusion d’un passé, encore proche, sombre et archaïque, et d’un monde moderne apportant peu d’espoir.