COUPERUS Louis

« Car en vérité, je ne suis guère tel que j’affecte d’être » : par ces quelques mots laconiques, Louis Couperus se définit lui-même mieux que quiconque ne pourrait le faire, soulignant à la fois son côté d’homme de lettres le plus en vue au tournant du XXe siècle, et sa face cachée — tout ce qui fit de lui un homme insaisissable.
Des Pays-Bas, où il naquit en 1863, jusqu’à l’Inde et l’Indonésie, en passant par la France et l’Italie, cet écrivain cosmopolite, toujours et partout en quête d’une paix plus profonde, plus intime, montra de fait autant de facettes qu’il vécut en des mondes différents ; et il connut autant de mondes différents qu’il pratiqua de genres littéraires imaginables : lui qui rêvait d’écrire un livre aussi « léger qu’une plume, qu’une peluche de duvet », composa une œuvre phénoménale, qui comprend des romans, dont Eline Vere — la Madame Bovary néerlandaise — qui, en 1889, lui apporta la célébrité, mais aussi de la poésie, des nouvelles, des contes, des récits historiques, mythologiques ou encore de voyage, ainsi que des adaptations théâtrales et des traductions, sans parler des écrits journalistiques qu’il produisit, en tant que rédacteur à Groot Nederland, à seules fins alimentaires. Cet éclectisme le fit passer du réalisme psychologique, voire cérébral — qui marqua de son empreinte jusqu’aux romans d’introspection de la littérature néerlandaise contemporaine —, au symbolisme décadent volontiers teinté d’irréalisme, sans que son style, toujours finement ciselé, toujours artistement travaillé, y perde jamais en beauté. Aussi bien elle seulement, la Beauté, représentait-elle pour lui le moyen d’échapper au quotidien mortel, une manière de conjurer le non-sens absolu de la vie, une façon de remède moral contre ce qu’il appelait le « pourquoi sans réponse » — ce désespoir lancinant qui guette tous ses personnages — et qui, sous le terme de fatalité, se rapporte au thème majeur de son œuvre.

Rassemblée en 50 volumes chez L.J. Veen, cette œuvre brosse une peinture magistrale de la vie politique, sociale et culturelle de la Belle Époque néerlandaise, pour insensiblement glisser et s’achever dans le monde de la mythologie et de l’histoire de l’Antiquité classique : lui-même, de retour aux Pays-Bas, où il mourut en 1923, trouva là, dans le passé, en explorant l’esprit latin qui lui était cher, une échappée à la condition humaine, un refuge au tragique de la réalité.
Louise de Gursé

Sur Retors, les 15 chapitres de L’Ode.