Shanté

1

Une rêverie : elle est nue, couchée dans la pénombre, les yeux fermés. Elle attend. La personne qu’elle attend est déjà là, même si elle ne peut pas la voir. Peu importe. Elle l’a déjà imaginée auparavant, maintes fois…

Une main ferme, tiède, touchera soudainement un de ses seins : sans prévenir, avec beaucoup de douceur. Quand elle s’en rendra compte, la paume et les doigts, joueurs, seront déjà partis. Après une pause, il y aura un frôlement de son épaule, de sa joue, et un baiser sur son ventre : le contact des lèvres larges et chaudes. Puis, un autre baiser, juste en dessous du nombril ; puis, encore un autre, très lent.

Mais aujourd’hui, un lundi, Elena ne viendra plus ; Beatriz est si angoissée qu’elle prend son temps pour répondre :

« Elle a été finalement renvoyée ?

L’ingénieur Mendiola prend aussi son temps, mais uniquement pour mieux se caler dans le canapé, derrière son bureau d’acajou.

— Depuis ce matin, vers neuf heures, dit-il. Il y a de nombreuses raisons. Notamment, celle du rendement, dont vous-même êtes témoin, Bety. Je sais bien que vous estimez l’ingénieur Elena, mais je sais aussi que vous êtes toutefois consciente du manque de qualité concernant son travail…

Elle travaille bien plus que toi, pense Beatriz, mais elle ne le dit pas.

— … en outre, l’image qu’elle renvoie n’est pas du tout positive. Je vais être franc avec vous. Corrigez-moi si je mens. Tout au long de la journée, des clients et des gens importants visitent l’entreprise, et vous connaissez parfaitement leurs réactions lorsqu’ils croisent l’ingénieur Ely, personne majeure et apparemment chargée d’un poste à grande responsabilité, qui part aux toilettes, y reste dix bonnes minutes et revient ensuite… Vous savez quel visage elle affiche quand elle revient.

Fernández va aussi aux toilettes, pense Beatriz, et respire bruyamment quand il revient, comme s’il avait un rhume…

— Et en plus, il y a cette jeune fille qui traîne au bureau de haut en bas.

— Laquelle ?

L’ingénieur la regarde. Hoche la tête et dit :

— Bety, j’aurai du mal à vous croire si vous me dites ne pas l’avoir vue. En plus, elle est là toute la journée. Une fille bien basanée, grosse, qui porte toujours les mêmes jeans.

— Qui est-ce donc ? ment Beatriz.

Mais l’ingénieur la fixe avec le même regard, et après un laïus prolixe sur la mission de l’entreprise et la mission de chacun, sur l’effort d’être meilleur chaque jour, finit par lui expliquer : il l’a appelée parce qu’il souhaite, vu les circonstances, qu’elle prenne en charge quelques affaires laissées par Elena.

— En attendant un remplaçant, je vais vous confier quelques tâches, lui dit-il. Il est possible que le poste d’ingénieur disparaisse, vous serez alors chargée de ces tâches de manière régulière. Pour le moment, c’est juste temporaire et, au bout du compte, assez simple. »

À peine sortie du bureau de l’ingénieur, Beatriz compose le numéro de l’appartement d’Elena. Personne. À l’heure du déjeuner, elle a déjà essayé trois, quatre fois. Quand elle sort de la fonda où elle a mangé, elle cherche une cabine téléphonique. De retour au bureau, elle essaie encore une fois. Sans succès.

Beatriz, après une heure passée à ne rien faire devant son ordinateur, après s’être levée et assise, après avoir bu de l’eau et du café, se décide à interroger les autres. Personne ne sait rien d’Elena. Aux Ressources Humaines, on lui dit juste qu’elle a déjà perçu sa prime de départ. Quand c’est le tour de Fernández, il lui demande :

— Elle n’allait pas se faire virer ?

— Et comment tu sais ça ? demande Beatriz.

— C’est l’ingénieur Mendiola qui l’a dit, l’autre jour, au dîner.

— À quelle heure ?

— Quand on est passé du restaurant au bar. Vous deux, vous étiez déjà parties… Mais elle le voyait venir, n’est-ce pas ? Elle n’a rien dit ? Même pas en privé ? Ni son amie, la grosse ?

— Quelle amie ? ment Beatriz à nouveau.

Il sourit en répondant : « Bon, vu l’état de l’ingénieur, ces choses-là ne doivent plus l’intéresser, n’est-ce pas ? Que du bon trip astral. »

Vers cinq heures, elle regarde la montre et se met à égrener minute par minute l’heure qui la sépare de la fin du travail.

À cinq heures et demie, Dame Meche, des archives, va jusqu’à sa place pour discuter avec elle, et quand Beatriz refuse de parler d’Elena, elle lui dit :

— Tu sais Bety ? Il est arrivé la même chose à la fille d’une amie. Un jour, alors qu’elle était à l’Université, elle s’est mise debout et elle est partie.

— Je vous prie de m’excuser, Dame Meche, dit Beatriz qui sent la rage monter en elle, car tout à l’heure la dame affirmait ne rien savoir. Elle se met debout et poursuit sa phrase : Je ne connais pas votre amie, ni la fille de votre amie, mais il me semble qu’Ely, que l’ingénieur…

Elle prend son sac à main et l’ouvre pour ranger ses affaires. Lorsqu’elle s’apprête à mettre son rouge à lèvres dedans, elle vacille : « Vous savez quelque chose ? C’est vrai, je suis préoccupée. Je vais aller la voir. »

— Il reste encore une demi-heure.

— Dites à Mendiola que…

— Et si tu attendais jusqu’à six heures ? C’est bientôt l’heure.

— Dame Meche, vous n’avez jamais perdu votre travail ?

— Si, plusieurs fois, dit la dame avec un air très sérieux. Qu’est-ce qui t’arrive ? Je sais que… tu l’aimes bien, n’est-ce pas ? En plus…

Beatriz la fixe du regard.

— J’ai juste un mot à te dire, continue la dame, ne cherche pas d’ennuis. Fais de ta vie ce qui te chante, si ça t’arrange, mais ne sois pas bête. Tu connais parfaitement Elena. Écoute, on ne sait jamais si c’est la vérité, peut-être que c’est le cas avec elle, mais… elle n’aurait pas une tante…

— Pardon ?

— Tu ne te souviens pas ce que l’ingénieur a dit l’autre jour au déjeuner, sur les tantes ?

Quelques minutes après six heures, quand l’ascenseur atteint le rez-de-chaussée, Beatriz pense qu’elle ne sait plus très bien ce qui lui arrive. Elena doit être chez elle, assez tranquille et sans aucune envie de répondre au téléphone. Ou dans un café, ou en train de regarder un film dans un cinéma. Elle peut aussi très bien être sortie, à la recherche d’un autre travail, ou pour une toute autre raison.

Elle sort du bâtiment et lève le bras pour appeler un taxi. Elle ne devrait pas être si nerveuse, mais elle sait très bien pourquoi Elena allait si souvent aux toilettes.

Le chauffeur du taxi demande : « Z’allez où ? »

Elle lui répond. Le chauffeur acquiesce de la tête, puis elle monte. « Allons-y m’dame », dit l’homme, mais le feu passe au rouge.

En attendant le feu vert, Beatriz fouille son porte-monnaie, vérifie qu’elle a assez pour payer la course. Alors, elle regarde par la fenêtre pour se distraire. Le soir tombe : ça faisait un moment qu’elle n’était pas sortie si tôt. Les visages fatigués, absents et lassés des gens qui marchent sur le trottoir l’interpellent. Soudain, elle découvre trois femmes très près les unes des autres : une, jeune, maigre et dégingandée, couverte d’un énorme pull rose, les jambes nues et chaussée de sandales ; une autre, un peu plus de la trentaine, la tête rasée et sans sourcils, habillée tout en noir ; la dernière, bien plus âgée, le visage ridé, a une longue chevelure, une chemise blanche et une jupe à volants de plusieurs couleurs. Aucune des trois n’a l’air de se diriger nulle part : même si elles parlent à voix haute, Beatriz ne parvient pas à distinguer ce qu’elles disent, elle entend juste leurs rires répétés. Les gens qui passent à côté d’elles les évitent.

— Ces folles-là, pourquoi qu’elles rigolent ? demande le chauffeur.

Tout au long du trajet, Beatriz les voit, ces femmes de tous les âges habillées de façon saugrenue, affichant une attitude tout aussi étrange : deux d’entre elles, qui avaient l’air d’être jumelles et étaient parées de gros manteaux, observaient deux hirondelles sur un fil électrique ; une autre, fine et habillée de gaze, faisait des cabrioles dans un parc ; plus loin, quatre autres, très jeunes et toutes en noir, étaient accrochées à la partie arrière d’un autobus et jetaient aux passants des dépliants — ou sans doute des papiers de couleur.

— Franch’ment, j’pige rien moi, dit l’homme du taxi.

Beatriz va répondre quand elle voit une autre femme au bout de la rue. Assise sur le trottoir, elle a l’air de dormir, bien qu’elle ait les poings serrés (les bras tremblotants). Les gens passent sans s’arrêter ; certains doivent l’enjamber pour ne pas la piétiner. Les vêtements de la femme sont sales, avec des grosses taches de crasse et de la poussière, comme si elle était là depuis un moment.

— Et celles qui sont là aussi. Vous avez remarqué qu’elles sont partout maintenant? Moi, je me demande, est-ce qu’elles n’ont pas un endroit pour vivre ? Si elles sont bien capables de se payer ce qu’elles consomment… Parce que, vous savez, elles font partie de celles qui sont accros à…

— Prenez ici à droite…

Tandis que la voiture tourne, Beatriz voit une fille qui apparaît à côté de la femme assise et l’enlace. La fille porte un uniforme scolaire entièrement blanc, des élastiques aux cheveux et la jupe jusqu’aux chaussures.




2

Beatriz paie, ferme la porte du taxi et marche jusqu’à l’entrée de l’immeuble. Elle sonne, attend, et se sent soulagée lorsqu’elle entend le bourdonnement qui lui permet d’ouvrir la porte. Beatriz entre dans le bâtiment et monte par les escaliers.

Elena l’attend sur le palier, et à la voir on dirait qu’elle a rapetissé. Elle porte un chemisier qui pend de ses épaules et laisse à peine deviner sa ceinture étroite, son buste fin, ses jambes. Un sourire se dilue entre ses lèvres fines. Elle a lavé son visage et lâché ses cheveux, lisses et teints en châtain (on voit leur racine).

— Bonjour, dit Elena. Qu’est-ce qui se passe, ça va bien ?

Pour la première fois, elle fait voir son âge, pense Beatriz en fouillant dans sa mémoire : deux lignes entourent sa bouche et les yeux sont entourés par des rides. Elle a l’air d’être fatiguée et courbée. Mais Beatriz se rend compte qu’elle s’attendait à la voir plus pâle, avec des cernes ; peut-être (même si son problème est tout autre), avec les bras parsemés de piqûres, un peu de sang au nez.

« Ah, dit Elena. Je sais ce que tu vas me dire.

— Je viens maintenant, répond Beatriz, parce que Mendiola, il n’y a pas longtemps, m’a dit que…

— Tu en as pensé quoi, que Merdiola m’a donné des vacances ?

— Pardon ?

— Bon, c’est vrai, il m’a virée. En tout cas, il n’a pas eu le choix et m’a donné l’argent qui me correspondait — le sourire d’Elena se ranime un peu. S’il pouvait, ce salaud nous ferait tous payer pour aller travailler… »

Elles entrent dans l’appartement et Elena ferme la porte.

« Et toi tu vas bien ?, demande Beatriz. Comment ça va ? Qu’est-ce qui s’est passé, pourquoi tu ne m’as pas appelée ?

Elena va jusqu’au salon et s’assied sur un canapé. Beatriz se met à côté d’elle. — Moi ça va — dit Elena. Soudain, sa mine change, préoccupée. — Toi... tu as l’air nerveux.

— J’ai essayé de te contacter plusieurs fois.

— Personne n’a répondu ?

— Tu as eu, tu as de la visite, tu attends quelqu’un ? — Beatriz regarde dans tous les sens. Ou quoi ?

— Non, rien, sauf que… Mais, sérieux, tu vas bien ? Pourquoi tu es toujours angoissée ?

— Et toi, toujours tranquille, n’est-ce pas ?

Beatriz s’étonne de sa propre question : sans le vouloir, elle vient de lui adresser un reproche.

— Ce n’est pas toi qui me disais le contraire ? C’était moi l’accro du travail, à quoi bon se tuer pour… »

Beatriz hoche la tête.

« Là je suis libre pendant au moins six mois. Et tu ne sais pas quel plaisir ce sera de ne plus revoir ce con de Fernández…

— Mais tu ne comptes pas du tout rester enfermée six mois ici, n’est-ce pas ?

— Quoi ? »

Beatriz songe au film qu’elle a vu très récemment ; Jennifer Connelly était en proie à l’addiction, et la fin de l’histoire était atroce. La même nuit, elle avait eu un cauchemar ; elle avait tout oublié de ce mauvais rêve, sauf une phrase répétée par quelqu’un : il valait mieux mourir rapidement. Au réveil, elle était tout effrayée, car la phrase persistait. Enfin, toujours anxieuse, elle découvrit que le grincement provenait d’un volet mal fermé agité par un courant d’air. Dans le rêve, le son s’était transformé.

— Ely, ne me dis pas que tu ne sais pas de quoi je parle. En plus, tout le monde le sait.

Dans le film, il y avait un jeune qui volait sa mère pour aller acheter sa…

— C’est pour ça que tu es préoccupée ? demande Elena.

Beatriz remarque d’un coup d’œil les tableaux par terre, les canapés encore couverts par le plastique du magasin, la télévision avec l’étiquette sur l’écran. Tout est comme d’habitude. On aurait dit qu’Elena venait juste de rentrer pour dîner hâtivement et aller se coucher, comme de coutume. Elle commence à se sentir soulagée, mais soudain il y a la voix d’Elena :

— Mais, avant que tu n’ajoutes autre chose : je ne t’ai pas appelée parce que je ne pouvais pas. J’étais…, tu sais ce que j’étais en train de faire. Et oui, j’ai l’intention de passer la moitié de l’année ou le plus de temps possible…, comme ça, sans changer. Compris ?

Beatriz reste silencieuse un moment.

Ensuite, elle dit : «En faisant cela.

— Oui.

— Tu vas rester au lit — continue Beatriz — pendant tout ce temps, de la même façon ?

— Ne sois pas idiote Beatriz, non. Il faudra bien que je me lève pour aller aux toilettes. Non ? Pour manger.

— Et ensuite ? »

Elena la regarde en silence.

— Et quoi ensuite ? dit-elle enfin. Ah oui, et qu’est-ce que je vais faire ensuite ? Les six mois écoulés ? Je ne sais pas. Ne me vois pas comme ça : je suis majeure et vaccinée.

Elle commence à se frotter les mains. Elle le fait rarement (Beatriz la connaît bien), seulement quand elle ne sait pas quoi dire.

— Je n’ai rien décidé encore. Et la question, avec honnêteté, ne me laisse pas indifférente.

— Comme si c’était des vacances, dit Beatriz, qui entend presque en même temps :

— Au bout d’un moment on pense toujours à se décider et tout lâcher, mais…

— Se décider à quoi ?

Elena écarte son regard des yeux de Beatriz.

— Ely ?

Dans un autre film qu’elle a vu, Jennifer Lason Leigh et un autre acteur forment un couple d’accros ; la scène avait lieu dans une impasse ou peut-être un endroit assez solitaire et obscur. En se disant des mots d’amour, ils faisaient le partage des pilules.

— Tu as dit quoi ? Tu as décidé de faire quoi ?

— Tu ne te souviens pas de l’histoire de la tante, celle que Mendiola nous a racontée sur une tante riche, le jour où il nous a fait son minable discours sur les mœurs ? Viens.

Elena se met debout et va vers la chambre. Beatriz la suit. C’est la première fois qu’elle entre dans cette pièce ; tandis qu’elle observe d’autres tableaux contre le mur, une bibliothèque vide au fond de la chambre, à côté de la table de nuit, Elena étire les draps et change l’oreiller de place ; elle s’appuie sur le lit.

— Tu te souviens, demande Elena, ou pas ?

Agacée de ne voir que le dos d’Elena, Beatriz dit :

« Tu veux que je m’en aille ? Tu es sûre que tu n’attends personne ? »

Or, en regardant à nouveau Elena, elle a l’impression d’être en face d’une vieille femme malade ; chaque geste paraît lui réclamer un grand effort.

— Non, Beatriz, entend-elle dire, ne pars pas. Je n’attends personne. Viens. Assieds-toi. S’il te plaît.

Elles se placent, sur le lit, l’une à côté de l’autre.

— Écoute-moi, tu vas me gronder, tu vas me traiter de débile, mais…, elle s’interrompt. Tu vas dire que c’est une absurdité.

Elle lève les mains, ouvre et ferme les doigts, puis baisse les mains.

— Calme-toi, dit Beatriz, tandis qu’Elena se couvre le visage avec les mains. Beatriz lève sa main et la pose brièvement sur l’épaule de son amie. Elle pense à l’ingénieur Mendiola ; lors d’une conversation à laquelle participaient Fernández et d’autres amis à lui, il avait dit (elle était là) qu’Elena était rancunière :

— Je ne la connaissais même pas quand j’ai eu le poste, mais il paraît qu’elle avait l’idée que c’était elle qui allait être promue. Voilà l’origine de sa rancune. Elle est toujours comme ça, ou non ? Peu importe l’endroit où on va, c’est toujours la même saleté, la même attitude négative… A la fin, c’est elle qui prend tout dans la figure, qui se pourrit. Vous savez qu’elle arrive toujours avant huit heures, et qu’elle part deux ou trois heures après moi pour faire semblant qu’elle travaille plus que tous les autres ?

— C’est juste que, dit Elena, qui s’interrompt et découvre son visage, puis sourit et bégaie quelque chose d’incompréhensible; Beatriz enlève alors sa main—, je veux dire, ce ne sera pas pour demain que je vais trouver du travail, et vu la situation…. Une fois on m’a parlé d’une chanteuse, je ne me rappelle plus qui c’était, des années soixante. Elle était très connue, du genre The Beatles ou Jim Morrison, mais elle a commencé à prendre des trucs, de l’héroïne.

— Et elle est morte.

— Non, dit Elena. Elle n’est pas morte. Elle vit toujours, comme quémandeuse, ou sous un pont, je sais plus très bien… Attends. Quand on lui a demandé si elle ne regrettait pas d’avoir tout perdu, que personne ne se souvienne plus d’elle, sa réponse a été négative : bon, au début si, elle avait regretté, puis s’est rendu compte qu’on peut être aussi bien chanteuse que comédienne, employée, maîtresse de maison, aussi…

Soudain Beatriz se souvient d’une de ses premières causeries au bureau, devant la cafetière, face aux deux comptables qui faisaient semblant de ne pas les voir. Depuis, Beatriz s’est forgée une nette idée du caractère d’Elena : il lui avait suffit de voir l’effort qu’elle faisait pour couvrir de sa voix la conversation des comptables, et de voir son soulagement quand elles avaient regagné leurs bureaux une fois les cafés préparés.

— De la même façon qu’on peut être ceci ou cela, continue-t-elle, on peut être une accro. On peut décider que c’est cela ce qu’on souhaite. Ca m’a fait tellement bizarre de l’entendre…

Bien sûr, pense Beatriz, un tel caractère lui a permis de tout ignorer sauf le travail et quelques amitiés. Quoique : à part elle-même, elle était incapable de songer à quelqu’un d’autre, sauf Dame Meche, qui n’était pas à coup sûr très jeune…

— Mais tu sais quoi, il est bien possible d’être ainsi. Au début je disais non, choquée… mais en réalité, après avoir réfléchi calmement, sans drames… En réalité, ça ne m’intéresse pas le succès, la richesse…

— Tu crois que ce sera si difficile de trouver un autre travail ? Tu n’as pas à te sentir frustrée, voyons.

— Comment ?

Elena croise les bras et tord la bouche.

— Beatriz, tu n’as rien compris de ce que je viens de dire ? J’essaie de t’expliquer que je me suis rendu compte de… Écoute, j’en étais moi-même incapable, je me disais que c’était impossible, que les gens qui pensaient comme ça étaient des fous, avaient le cerveau endommagé, mais… Tu me suis ?

Beatriz lève encore une fois sa main, sans oser toucher Elena, qui dérobe son visage à nouveau. A moitié cachés, pas très loin de la table de nuit, gisent deux tableaux et un rouleau de tissu attaché avec un élastique : elle se rend compte qu’il s’agit d’un calendrier de l’année précédente, la même année où Elena avait emménagé dans l’appartement.

— Ce n’est pas seulement agréable, comme c’est le cas. Je suis fatiguée. Je m’en fiche d’être la sous-directrice, la directrice, ou de travailler jusqu’à très tard pour ne plus rien faire dans la journée, d’être payée pour supporter Mierdola ou tous les autres cons, et encore moins les harpies des Ressources Humaines… J’en ai marre de m’éreinter pour rien, ce que j’ai fait toute ma vie, juste parce qu’on est censé faire ainsi, à cause d’une obligation, ou de la peur qu’ensuite…

Il se fait tard, et Beatriz habite assez loin de là. Pour rentrer, elle doit prendre deux bus et parcourir une douzaine de stations de métro. Bien sûr, elle ne peut pas partir sur le champ. Comment laisser Elena toute seule ?

— D’où, l’interrompt-elle, vas-tu obtenir l’argent?

Elena, sans répondre, enlève ses pieds des pantoufles molles et bleues.

— Voyons, je répète. J’ai toujours cru qu’on devait se dépasser soi-même, atteindre le sommet pour assurer ainsi son avenir et tout le reste, mais je sais aujourd’hui que tout n’est que mensonge. Le seul but de tous mes efforts a été d’amasser le plus d’argent possible, et maintenant je me rends compte que je n’en ai pas besoin…

Beatriz, fugitivement, essaie d’imaginer Elena dans une clinique de réhabilitation. — Je possède, aujourd’hui, une belle somme…

Une fois, à la télévision, elle avait vu : des gens atteints de trisomie qui jouaient à se lancer une balle énorme. Ils étaient incapables d’y parvenir sans le secours de quelqu’un. Plusieurs d’entre eux avaient sali leur blouson de leur propre salive.




3

— Et après ? dit Beatriz. Au moins tu vas avoir besoin d’argent pour en acheter. Le truc-là.

— Le truc !

— La recharge, je ne sais pas, ce avec quoi tu te piques — sans le faire exprès, Beatriz sourit — Ce que tu t’étales dessus avec…

Elena se frappe les cuisses avec les mains, s’écarte un peu, puis se lève et va aux toilettes. Elle ferme la porte de l’intérieur et dit :

— Le truc ! Cinquante mille fois j’ai dû te dire que ce n’est pas de l’herbe ni de la cocaïne, du tout ! Tu n’as pas compris que je ne dois voir aucun dealer ? En plus tu étais là le jour où je l’ai acheté. On ne peut l’en acheter qu’une seule fois.

Un après-midi, Elena a insisté pour lui présenter une vendeuse, située à côté d’un marchand de tacos pas très loin du bureau, dans une ruelle juste derrière l’avenue. En réalité, elle a voulu tout le temps la convaincre d’acheter le sien aussi…

— As-tu oublié que c’est légal ?

Mais Beatriz, bien sûr, n’a pas cru ce que tout le monde répétait — la vendeuse, deux autres clientes sur place, Elena — sur les bienfaits du truc. Elle n’a même pas voulu le voir…

— Il s’appelle escoto. Allons, touche-le, dit Elena, qui avait insisté sur tout le chemin de retour (elles avaient gâché presque toute la pause déjeuner pour faire l’achat) avec la boîte en carton qu’on lui avait donné, en la menaçant d’ouvrir le colis et de lui montrer le contenu.

— Tu t’en souviens ou non ? Ou tu es aussi effrayée qu’à ce tour-là ?

D’abord, Beatriz se rend compte qu’Elena a dû l’avoir essayé avant d’aller avec la vendeuse. Elle est désolée du coup.

— Ely, si c’était quelque chose de légal, pourquoi personne, pourquoi personne ne passe à la télévision pour dire combien c’est bon pour la santé et que tout le monde devrait en avoir ?

On entend le bruit de la chasse, puis Elena sort des toilettes.

— Veux-tu savoir combien de femmes ont leur escoto ? Des millions. On le dit souvent. Tu ne regardes pas la télévision, tu ne sors jamais ? C’est sûr que tu vas prétendre n’en avoir jamais vue aucune…

— Voir qui ? ment Beatriz, qui entend après :

— Pff, Beatriz, qui est-ce que tu veux tromper ? À moins que tu ne sois en état végétatif…

— Elena, chuchote Beatriz, avec peur.

Mais elle ne l’entend pas, et continue :

—… ou sur une île déserte… Ce n’est pas possible que tu l’ignores. Pourquoi tu réagis comme si tu n’en avais jamais rien remarqué ?

— Je peux m’en aller si tu veux…

Mais elle ne fait pas un geste. Elena revient s’asseoir sur le lit.

— Excuse-moi, dit-elle, en remettant ses mains sur ses cuisses, cette fois pour lisser le chemisier avec des mouvements lents et prolongés. Tu dois penser que je suis une dégénérée, n’est-ce pas ?

— Ne me dis pas, lui demande Beatriz, de l’essayer, c’est tout.

— Tu te souviens du jour où tu as fumé un joint avec je ne sais pas quelle copine à toi…?

— Elle n’était pas ma copine.

— Avec qui que ce soit.

— Cela s’est passé au lycée. Et j’étais très malade.

— Tu t’es sentie coupable, dit Elena, et avant que Beatriz ne puisse dire un mot, elle continue : « Mais bon, je n’ai pas à te demander pardon. J’aime ça. J’aime ça avant toute autre chose. »

Plusieurs fois, pense Beatriz, Elena a souvent insisté sur sa petite taille et son poids, l’étroitesse de son visage ; surtout, à quel point les cicatrices de boutons qu’elle s’est faites à l’adolescence (et que plus personne ne voit) la rendent si laide. En plus, il y a ces traces d’une épilation trop peu insistante sur les favoris de son visage.

— Quand j’avais douze ans, l’a-t-elle entendue dire plus d’une fois, je les ai rasés pour rigoler et depuis, quoi que je fasse, il y a toujours ces dégoûtants petits poils.…

Beatriz, à chaque fois, aurait voulu lui dire de ne pas penser de la sorte. Elena relève les draps et se met au lit. Se couvre jusqu’à la poitrine.

— Tu permets ? Beatriz sent les pieds d’Elena qui, sous la couverture, pressent sa cuisse. D’abord, elle ne sait pas quoi faire ; puis elle bouge. Merci. Écoute, désolée pour ce que je viens de dire. Je ne voudrais que tu ne te sentes obligée à rien.

Peut-être, pense Beatriz, elle se sent seule. Sans doute c’est juste qu’elle se sent seule. Qu’elle croit n’avoir plus personne.

— Une fois tu m’as demandé, commence-t-elle, pourquoi j’étais si renfermée.

— Tu étais vexée, n’est-ce pas ?

— Comment ? Non, non, je le dis juste parce que…

Elena la regarde.

— Tu vas sans doute trouver ça étrange, ou anormal.

— Quoi exactement ?

Beatriz soupire, mouille ses lèvres, et se rend compte qu’elle ne peut plus continuer.

— Parle, dit Elena.

Il y longtemps, lorsqu’elle avait neuf ou dix ans, Beatriz était dans le HLM où elle habitait. Elle ouvrit la fenêtre et regarda dehors les bâtiments voisins, le parking, les arbres plantés dans des parterres devant l’entrée de son immeuble. Près d’un arbre il y avait deux personnes, qui se serraient avec force et se caressaient le dos avec des mouvements très posés, sans urgence. Beatriz n’avait jamais vu pareille chose : les personnes se caressaient les cuisses quand, tout d’un coup, les mains de l’une d’elles disparurent sous le pull qui couvrait le dos de l’autre personne… Beatriz est restée là, fascinée, jusqu’à ce qu’elle entende derrière la voix de sa mère :

— Et ton devoir Beatriz ?

Obéissante, elle s’est éloignée de la fenêtre en direction de la table à manger, où il y avait ses livres et cahiers. Sa mère est passée à côté d’elle pour atteindre la fenêtre. Beatriz était en train d’ouvrir un cahier lorsque le premier cri aigre et furieux l’a fait sursauter. Pendant un moment qui lui parut une éternité, et qui en réalité ne devait durer qu’une minute, elle entendit sa mère proférer une bordée d’injures qu’elle ne réécouterait que bien des années plus tard. La dernière chose que sa mère cria fut :

— Allez faire vos saletés ailleurs, y a des enfants ici !

Ensuite, elle a fermé si fort la fenêtre qu’un des carreaux s’est brisé. Et maintenant, Beatriz ne peux plus en parler.

Ce jour, elle a fixé sa mère, qui lui a dit : « Qu’est-ce que tu vois ? qu’est-ce que tu cherches ? »

— Qu’est-ce qui t’arrive ? dit Elena qui, entourée de ses affaires, attend toujours sur le lit.

— Qu’est-ce qui t’arrive? a dit sa mère, parce qu’elle, Beatriz, n’osait pas répondre.

C’est maintenant que Beatriz comprend, elle voudrait tout expliquer à Elena, depuis la première conversation au bureau, tout ce qu’elle a pu penser, tout ce qu’elle pense aujourd’hui, chaque jour, pendant qu’elle travaille, qu’elle marche dans la rue ou se trouve toute seule chez elle, pendant qu’elle attend, au bureau, entre six et neuf heures du soir, qu’Elena finisse ses tâches.

Mais tout ce qu’elle parvient à dire c’est :

— Peut-être, on ne sait jamais, il est encore possible de parler avec un supérieur de Mendiola… On peut, je ne sais pas, dire qu’il s’est approprié systématiquement le travail que tu as fait, sans t’en donner le crédit.

— C’est ça ta grande idée ?

Beatriz baisse le regard.

— Et avec qui allons-nous parler ? Ils sont tous pareils. En plus, je te dis que je n’en veux plus. Est-ce si difficile à comprendre ?

Elena n’est pas dupe : elle sait que Beatriz habite loin et a l’habitude d’arriver souvent au-delà de minuit.

Aucune des deux ne dit un mot. Puis Elena s’emmitoufle dans les draps, sort une boîte en carton du tiroir de la petite table, et l’ouvre.

L’escoto est un cylindre en bois, long et courbé. Maintenant qu’elle le voit pour la première fois, Beatriz se rappelle de toutes les comparaisons habituelles ; pourtant, à ses yeux c’est plutôt la poignée d’un bâton, d’un bâton ancien. La surface du bois est très poreuse. Beatriz sait qu’on l’utilise en le prenant avec la main.

— Il faut juste le serrer, lui a dit Elena le jour où elle l’a acheté, et faire un vœu.

— Un vœu ?

— Beatriz, c’est une blague, plaisanta Elena.

Alors Beatriz pose une question :

— D’où vient-il ce nom, « escoto » ?

— Je ne sais pas.

— On ne dirait pas qu’il a été fabriqué en Iran, ou à Cuba ?

— Quoi ?

— C’est ce qu’ils ont dit au journal télévisé.

— Et ils n’ont pas ajouté que c’était aussi l’œuvre du diable ?

— Non, non, allons, dit-elle, pendant qu’Elena s’allonge sur le matelas. Mais, Ely, tu n’as pas, bordel, tu n’as pas réalisé qu’il ne marche qu’avec les femmes ?

— Comme les couches.

— Non Ely, sérieux, tu ne trouves pas ça bizarre ? Tu t’es rendu compte, n’est-ce pas ? Ça n’a aucun effet sur les hommes.

Elena pose sa tête sur l’oreiller.

— Si, Beatriz, j’ai réalisé. C’est vraiment important ? Au moins c’est quelque chose qui n’est pas une version féminine d’une autre masculine…

— Qu’est-ce que tu fais ? — demande-t-elle, s’approchant de plus en plus vers la tête d’Elena.

Celle-ci lève une main et touche la joue de Beatriz. Ses doigts sont froids et la repoussent. Beatriz s’éloigne.

— Bety, je te remercie énormément d’être passée, vraiment. Je sais, bon, que tu m’apprécies et que tout ceci doit être assez… Moi j’ai envers toi une très forte estime. Je ne puis l’exprimer comme tu le veux, et j’en suis désolée. Je ne peux pas. Mais…

— Moi je t’aime très fort, dit Beatriz.

— Moi aussi je t’aime bien, dit Elena, et pose sa main sur l’épaule de Beatriz, l’étreint. Beatriz sent la caresse et pense qu’il vaudrait mieux s’écarter, mais ne bouge d’un poil. Je vais être bien. Ne te fais pas de souci. Tout de suite je voudrais…

— Est-ce que tu as des, comme ça s’appelle, des douleurs d’abstinence, quelque chose comme ça ?

— Ah ma belle, qu’est-ce que tu es conne.

Il y a quelques mois, un jour où Elena était malade (peut-être, se dit-elle maintenant, qu’elle n’était pas malade ; peut-être que c’était l’une des premières fois qu’elle utilisait l’escoto.), Beatriz était allée seule en boîte, non sans avoir passé des heures à se convaincre. Tout lui était entièrement étranger, même le nom de l’endroit : depuis son adolescence elle n’avait pas mis le pied dans une discothèque, et n’avait rien pu faire d’autre qu’observer pendant des heures les gens danser, boire, s’embrasser, assise dans un coin. Quelqu’un était venu lui parler, pour lui proposer…

Elle s’était mise debout et avait essayé de sortir en courant. Avant même de quitter les lieux, les portiers avaient exigé qu’elle règle sa consommation : Une bière intacte qui avait tiédi sur place. Elle paya, avec la sensation d’avoir tous les regards sur son dos, et envahie par le sentiment d’avoir commis quelque chose de grave et s’en alla.

Maintenant, elle se lève et dit :

— Oui, je suis une vraie conne. Me voilà en train de perdre mon temps, moi qui ai passé toute la journée dans l’angoisse parce que je n’osais pas partir du bureau avant l’heure et venir.

— Tu as passé toute la journée…?

— J’ai cru que quelque chose t’était arrivée !

— Et tu serais partie comme ça du bureau ? Elena se dresse. C’est-à-dire, sérieux. Tu aurais pu te foutre dans le pétrin à cause de moi ? En sachant quel enfoiré c’est Mierdola ?

— Je ne savais pas, je viens de te le dire, si quelque chose t’était arrivée.

— Écoute, ma belle, j’en suis désolée.

Elena la prend une nouvelle fois par le bras, et l’attire vers elle. Puis l’enlace, très fort, et quand Beatriz réagit, elle la serre aussi. Beatriz ne voudrait pas la lâcher. Elle le fait à contrecœur lorsqu’elle sent qu’Elena diminue la pression de ses bras.

— Tu es, dit-elle, la meilleure, l’une des meilleures amies que j’ai eues… Je ne pensais pas que tu allais te faire tout ce sang d’encre pour moi. Écoute, je ne compte pas sortir. Rien ne va m’arriver. Je te promets de m’arrêter de temps en temps pour aller manger. Sans blague. D’accord ?

Beatriz se rassit sur le lit. Elle ne sait plus quoi faire.

— Et même, je te propose quelque chose : appelle moi quand tu veux, et si je ne réponds pas… Tu as vu l’endroit où j’ai mis les clefs ? Prends-les. J’ai un double. Viens quand tu en auras envie. Et tu entres sans sonner, sans rien faire.

Beatriz ne dit pas un mot. Elena fait un geste, comme si elle allait prendre l’escoto, mais elle s’arrête et dit :

— Hélas, Beatriz, tu ne me comprends vraiment pas ? Est-ce que… Bon, écoute, on va faire autre chose. Nous allons continuer à parler, plus tard. D’abord, parle avec quelqu’un.

— Avec qui ?

— Je vais l’appeler. Elle s’appelle Shanté.

— Comment ?

— Tu sais très bien qui c’est, mais je crois que vous n’avez pas encore parlé. Moi je vais être bien, eh ? Je t’assure… Dis, j’ai l’air d’une, je ne sais pas, d’une fumeuse, d’une cocaïnomane ?

— Non, mais qu’est-ce que ça a avoir avec… ?

— Je voudrais que tu te calmes. Tout va bien. Attends une seconde, et tu vas l’entendre frapper à la porte — dit Elena, qui prend l’escoto et le serre dans sa main.

Sa tête tombe sur l’oreiller et ses yeux se ferment. Beatriz se penche sur elle. Les yeux sont bien clos, mais ils bougent sous les paupières de plus en plus vite.

— Ely, dit-elle, avec peur. Elena. Elena !

Elle touche sa joue. Elena ne réagit pas. Elle lui soulève une main et la laisse tomber. Prête à la gifler, à la relever ou à la sortir du lit par les épaules, elle entend sonner le timbre. Beatriz sursaute, interdite, et se lève. Nerveuse, elle va au salon et s’arrête à quelques pas de la porte. Elle n’ose pas regarder par le judas. Elle entend la sonnerie à nouveau : une brève émission sonore, comme si la personne qui sonnait n’était pas pressée.

— C’est, c’est qui ?

— Bonsoir, dit une voix féminine. Mon nom est Shanté. Elena vient de vous parler de moi.




4

Bien qu’elle ait vu maintes fois la même scène (au cinéma, à la télévision), Beatriz ne se sent pas capable d’ouvrir la porte. Elle a le sentiment de ne pas être elle-même, comme si elle se voyait de très loin au moment d’approcher la poignée, de la saisir.

Elle ouvre enfin la porte et de l’autre côté il y a une fille très basanée, haute et robuste, habillée en jeans et avec une longue chevelure bouclée. Ses seins sont plutôt petits, en contraste avec ses hanches généreuses. Elle a des mains grandes et fortes, d’une couleur aussi foncée que le visage, le nez camus et de grosses lèvres. Quand elle sourit, elle dévoile des dents très blanches, sauf l’incisive, qui est en or. Elle porte des bottes de mineur, un jean, un tee-shirt rouge, un peu trop serré, qui met en avant ses seins mais aussi les plis de son abdomen. Elle a le visage rond et de grands yeux.

— Bonjour, dit-elle. Sa voix est agréable. En réalité, elle ressemble beaucoup à Elena. Vous, vous êtes Beatriz. De l’entreprise. Vous êtes secrétaire et amie d’Elena. On s’est déjà vus, bien que nous n’ayons jamais parlé, n’est-ce pas ?

— Bonjour, répète Beatriz. Shanté entre dans l’appartement et s’assoit sur un canapé.

— J’étais là quand vous avez appelé.

— Je sais.

— Je n’ai pas répondu parce que je ne savais pas quoi vous dire.

Beatriz ne répond rien. Elle pense que, même habillée en tailleur et portant des talons, bien maquillée et sans cette incrustation en métal ; même après un régime, une bonne coupe et une bonne crème pour éclaircir le teint de sa peau, de toute façon Mendiola continuerait à dire qu’elle produit une « mauvaise impression ». Elle a quelque chose, peut-être la façon de s’asseoir, ou de bouger le corps quand elle marche.

Elle l’entend dire : Je suppose que vous voulez que je vous explique comment je suis arrivée ici, comment je vous connais, et tout le reste… J’espère que vous ne pensez pas qu’il s’agit d’une blague ou quelque chose du genre, que j’aurais pu me mettre d’accord avec Elena et que j’attendais dehors depuis votre arrivée.

Plus tard, Beatriz fera des recherches sur l’effet de l’escoto dans des livres et revues et sur Internet. Cependant, elle recueillera très peu d’information, et finira par visiter une grande maison d’accueil, entourée d’une forêt proche de la ville, entretenue par les trois femmes — celle du pull rose et sandales, celle de la tête rasée et celle de la jupe à volants — qu’elle avait vues aujourd’hui sur le chemin, en sortant du bureau, pour aller chez Elena. Elle leur demandera si les personnes qui choisissent l’escoto finissent comme ces gens de l’émission télé qui jouaient à la balle. Toutes les trois se regarderont étonnées, et seront sur le point de rire, mais la femme du pull (vert cette fois-ci) saisira le sens de la question, et avec un air sérieux lui expliquera ce qui arrive, éventuellement, avec les femmes qui se décident à utiliser l’escoto.

Maintenant, Beatriz ne peut rien d’autre que consentir en silence.

— Je suppose que, poursuit Shanté, enfin, c’est dur à entendre, mais, bien que je ne sois pas certaine, je suppose que j’ai cet aspect puisque Elena ne se plaît pas elle-même. C’est la théorie la plus probable.

Sans la regarder, Beatriz dit :

— Alors, c’est bien vrai ? Ce qu’on raconte ? Tu es un, un truc, enfin, quelque chose qu’elle produit ?

— Une chose ? Shanté fait une grimace. Vous n’avez jamais pensé que chose est un mot hideux, assez imprécis ? En tout cas non, je ne viens pas toute entière d’elle. Par exemple, c’est moi qui ai choisi mon nom. Il veut dire « paix ». Plus ou moins. On devrait prononcer Shantih, mot qui vient du sanscrit.

— Pardon ?

— Mais dans une chanson de RuPaul on entend : « Shanté ».

— Qui ?

— Vous n’avez jamais vu RuPaul ? Un travesti noir, assez grand, qui porte des perruques blondes argentées. Parfois il chante avec Elton John.

— Non.

— Je crois qu’Elena non plus. Enfin. Aussi, « Shanté » sonne comme « chanter » en français. Voilà pourquoi il me plaît : il a plusieurs sens. J’avais également pensé à m’appeler « Daena » ou « Sophie »…, mais je ne sais pas, vous trouvez qu’ils sont appropriés ? J’ai toujours pensé que ces noms étaient trop empesés, spécialement celui de Sophie.

— Elena parle français ? dit Beatriz, et pense qu’après tout, il vaudrait mieux aller la voir, essayer de la réveiller, lui demander une explication. Elle ne le fera pas. Les jours à venir, elle lui promettra même de ne plus se plaindre, de ne plus lui parler de la réhabilitation ni rien de semblable.

— Je crois que non, répond Shanté. Seulement anglais et espagnol. Voilà l’une des choses les plus étranges, en fin de compte je ne sais pas tout ce qu’elle sait, et vice-versa. Nous ne gardons pas non plus les mêmes souvenirs. Je suppose que…

Quelques mois plus tard, une nuit, Beatriz ressentira l’urgence de sortir : prendre (dira-t-elle après de nombreuses hésitations) du temps pour elle. Toutes les demi-heures, elle fera un appel depuis la boîte de nuit pour s’informer de l’état d’Elena. Par trois fois elle sentira un regard posé sur elle, venant d’une table proche ; elle détournera la tête vers le sol, ou le mur. Toutefois, un couple attirera son attention, habillé avec des pantalons amples, des chemises quadrillées et des baskets. Toutes les deux auront les cheveux très courts, avec de fausses pattes : des longues mèches juste au-dessous des oreilles, collées aux tempes avec du gel. Elles danseront jusqu’à très tard, presque sans repos.

Le couple ne sera pas le seul à porter des habits pareils. Ce qui surprendra néanmoins Beatriz, ce sera leur apparence à elles ; puis, comment le désir percera leurs vêtements et se montrera à travers leur visage et leurs mouvements ; bien plus tard, qu’aucune des deux n’écartera les yeux de l’autre. À côté du téléviseur, Shanté fouille désormais entre les bouteilles.

Beatriz se lève. « Un instant, dit-elle et se dirige vers la cuisine.

— Vous allez bien ?

— J’ai besoin d’un peu d’eau.

— Vous ne voulez pas quelque chose de plus fort ? De l’anis, de la vodka ? Ou un café ?

— Beatriz entre dans la cuisine et ferme la porte.

— Je suis très douée avec la cafetière, lui dit Shanté, appuyée sur l’évier. Beatriz s’empêche de crier. Comme le café instantané ne finit pas par me convaincre… Vous êtes sûre de ne pas en vouloir ? »

Beatriz se rend compte qu’elle n’a plus de forces pour la repousser. Shanté est, en effet, très douée avec la cafetière. Lorsqu’elles reviennent au salon, elles restent silencieuses un long moment. Elles mangent des biscuits d’un paquet que Beatriz a trouvé dans le placard.

— Une autre différence entre nous c’est qu’elle n’aime pas les biscuits à la cuillère, et moi si, dit Shanté. Vous n’aimez pas qu’Elena utilise l’escoto, pourquoi ?

Beatriz regarde sa montre. Bientôt vingt et une heures. Il est bien plus tôt qu’elle ne le pensait.

— Et tu me demandes encore des motifs ? répond-elle sans décrocher la vue de la montre.

— Bon, parce qu’elle ne pense pas comme vous, parce que vous réprouvez les addictions, parce qu’elle ne veut plus travailler…

Comme tout à l’heure avec Elena, elle se sent irritée, mais ne sait pas quoi dire. Elle lève les yeux. Shanté est assise en position de lotus ; quelques jours plus tard, Beatriz lira qu’il s’agit d’une position adoptée en général par des personnes très créatives et intelligentes. L’expression de son visage est étrange : elle a l’air d’être tout le temps décontractée, au contraire d’Elena, qui semble être souvent tendue…

— Ça lui fait, ça lui fait du mal, dit Beatriz. Là, elle ne va pas manger avant je ne sais combien de temps. Elle est prête à ne plus travailler, à faire je ne sais quelle folie. En plus — elle signale avec la tête —, cela va de soi que tout ça fait mal, n’est-ce pas ? N’est-ce pas ? On ne finit pas sans neurones ?

— Pas plus qu’avec l’alcool, que je sache. A long terme, les effets sont autres, je ne le sais pas très bien, une sorte de détérioration générale…

— Quoi ?

Shanté arrête sa phrase, mais juste quelques secondes.

— Vous allez me pardonner, mais vous n’exagérez pas un peu trop ? Je veux dire, quant au travail ? J’ai dit ceci parce que sans doute j’ai toujours détesté les bureaux, en plus, vous ne vous souvenez pas du jour où l’ingénieur Mendiola s’est mis à parler de la tante riche ?

Une autre fois, en rentrant des courses, Beatriz verra au loin une femme à l’entrée du bâtiment d’Elena. La femme appuiera avec insistance sur la sonnerie de l’appartement. La porte s’ouvrira avec un bourdonnement. Beatriz n’osera pas s’approcher et entrer, de l’extérieur elle regardera le bâtiment. Depuis l’endroit où elle est, Beatriz a l’impression d’entendre les pas de la femme monter les marches et atteindre l’appartement. Après une pause, lui parviendra un cri.

— Non ! crie Beatriz. Je me ne souviens pas ! Pourquoi tout le monde m’interroge sur ça ?

Puis elles restent silencieuses. Beatriz veut poser sa tasse sur la table basse, mais sa main tremble et fait tomber tout le contenu.

Shanté va chercher une serpillière à la cuisine pour nettoyer.

— Elena vous a parlé aussi de ça ?

Après le cri, des pieds sur le trottoir et les mains emplies de sacs, Beatriz percevra d’abord la voix d’Elena et ensuite une voix inconnue. Passé quelque temps, elle verra la femme s’approcher de la fenêtre de la chambre, le salon, la chambre à nouveau, suivie par Shanté ; elle aura du mal à les distinguer, avant que l’une d’entre elles n’allume et qu’elles deviennent des ombres.

— Ça va aller, dit Beatriz, Shanté met un genou par terre et lui prend la chemise, tachée par quelques gouttes de café.

— Je ne savais pas, dit Shanté. Je veux dire, que le sujet vous gênait autant.

— Ça va aller, vraiment, insiste Beatriz, qui ébauche un geste pour s’écarter, mais c’est trop tard : Shanté a fini de nettoyer et se lève.

Passé quelques minutes, les sacs deviendront lourds et Beatriz les mettra alors par terre, les reprendra, les passera d’une main à l’autre ; elle désirera que la femme s’en aille, et puis elle finira par se sentir ridicule en attendant comme ça, et pourtant elle ne bougera pas. Soudain, elle entendra un coup fracassant venant des hauteurs, puis l’ombre de Shanté restera toute seule au milieu de la fenêtre.

— C’est prêt, l’entend-elle dire maintenant.

Comme Elena auparavant, Beatriz se couvre le visage avec les mains.

— Vous allez bien ?

— C’est moi qui suis folle. Non ? Tu n’es pas une, une sorte d’hallucination ? dit-elle sans se découvrir le visage. Sa propre voix lui semble bizarre.

— Non.

Quand la femme aura passé la porte de l’immeuble, Beatriz ira se cacher : la guettant du carrefour, elle la verra s’éloigner par la rue jusqu’à une voiture garée. Une fois qu’elle sera partie, Beatriz s’encouragera à entrer, à monter jusqu’à l’étage. Une fois dans l’appartement, pendant qu’elle range les provisions, elle apprendra qu’il s’agissait de la mère d’Elena. En préparant le sérum pour la nuit (ce seront les premiers jours vraiment mauvais), Shanté lui dira que l’intention de la femme était de « ramener sa fille à la maison ».

Beatriz montre son visage, se lève et va dans la chambre.

— Soi-disant, pour la soigner, dira Shanté.

Elena est toujours allongée les yeux fermés. Elle a la bouche entrouverte. Beatriz s’aperçoit qu’elle s’attendait à la voir avec une trace de salive sur les lèvres, pire, un fil de liquide descendant de sa joue à l’oreiller.

— Pour la soigner mieux que moi, dit sa mère, parce que moi j’étais une aberration, ajoutera Shanté.

De l’autre côté du lit, Beatriz croit percevoir un geste minimal, mais avant de lever les yeux elle se rendra compte de la couleur rouge du tee-shirt et des longs cheveux noirs. Impuissante, elle inspire bruyamment et serre les mâchoires.

« Elle a même claqué la porte, finira Shanté.

— Écoute, dit Beatriz, Shanté, ou quel que soit ton nom…

— Je vous ai fait peur à nouveau ? Excusez-moi. Ce n’était pas mon but, je retourne dans le salon.

— S’il te plaît, dit Beatriz, qui essaie de ne pas regarder. Elle entend quand même les pas de Shanté qui s’éloignent, posés.

— Si vous avez besoin de quelque chose, je suis là, l’entend-elle dire. »

Ce jour futur, Beatriz aura du mal à capter la rage cachée entre les phrases de Shanté. Maintenant, elle l’écoute, mais ne dit rien. Elle observe plutôt la main droite d’Elena, qui depuis tout à l’heure n’a pas cessé de happer l’escoto. La poignée tremble. Beatriz pense à soulever ses doigts pour lui enlever l’objet. Elle n’ose pas parce qu’elle a peur de lui faire mal. En plus, elle doit bientôt partir. Le service de bus continue toute la nuit mais le métro s’arrête à une heure du matin. Elle se dit qu’elle ne peut pas être en retard demain au travail. Elle prend la main gauche d’Elena et, après avoir hésité un instant, la serre. Ensuite elle caresse ses joues.

— Moi je ne l’avais jamais vue, dira Shanté. Et vous, vous la connaissiez ? Combien elle a bien pu penser à sa fille, cette espèce de… ?

Beatriz éteint la lumière et a presque fermé la porte quand elle s’arrête. Revient au lit et embrasse le front d’Elena.

Au salon, elle entend Shanté qui dit :

— Je crois qu’Elena ignore tout sur l’objet. D’après ce qu’on m’a dit, le mot « escoto » vient du nom d’un mystique du neuvième siècle, Jean Escotus Erigène. Il disait…attendez, c’était comment ? Ah oui, que tout était une révélation du divin. Il disait que nous étions tous des images.

— Je n’avais pas la moindre idée de tout ça, répond Beatriz en s’asseyant.

— En réalité, ajoute Shanté, le nom n’a pas grande chose à voir avec l’objet, en tout cas je ne pense pas que ce qu’il produit soit une expérience mystique. Je veux dire, je crois qu’il s’agit de visions, car, d’après ce que je comprends, Elena est en train de voir ce que je vois, d’écouter ce que j’écoute, comme si elle rêvait d’être moi — Beatriz rougit — Vous allez bien ?

Beatriz regarde le toit, dessine un sourire qu’elle efface aussitôt, se cale dans le fauteuil.

— Que je suis bête. Je croyais que le nom venait d’« escote », décolleté, comme il ne marchait qu’avec les femmes.

— Il y en a qui l’appelle « scrotum » — la rougeur ne disparaît pas du visage de Beatriz. Il y avait une théorie, je ne me souviens plus où je l’ai lue. Bien sûr, il ne s’agit que d’une légende urbaine, une bêtise parmi d’autres publiées dans les magazines. Bref, la diffusion de l’escoto ne serait rien d’autre que la preuve d’un complot qui viserait à exterminer les femmes, surtout les insatisfaites. Comme ça, elles mourront de faim et n’auront plus de descendance…

Beatriz se remet debout, va vers la porte et sort de l’appartement. — Une théorie paranoïaque — écoute encore, et quand la porte va se fermer : Beatriz ?

Elle ferme la porte à clef, traverse le couloir vers l’escalier et descend deux étages. Enfin elle sort du bâtiment et marche dans la rue. L’obscurité du soir est profonde.

En route, Beatriz se rend compte qu’elle n’a pas fait attention à son chemin. En tout cas, ce n’est pas la bonne direction pour prendre son bus, et elle finit par ne plus reconnaître l’endroit où elle se trouve à présent. Elle laisse derrière quelques piétons, mais des voitures la dépassent. Elle ne lève pas la tête, ni ne cherche le nom des rues. Elle regarde toutefois sa montre et pense qu’elle devrait se dépêcher, être le plus vite possible chez elle pour dîner et dormir assez pour ne pas se sentir fatiguée le lendemain. Elle pourrait aller aussi jusqu’aux HLM où ses parents habitent, très proche de là (bien qu’elle marche peut-être dans la direction opposée), mais elle ne saurait quoi leur inventer de crédible. Soudain elle crie en voyant Shanté, juste en face.

— Beatriz, entend-elle.

Cette fois-ci, elle lève le regard et voit son visage. Elle sent venir un nouveau cri. Shanté a levé la main, comme si elle allait la toucher, mais Beatriz recule. Elle pourrait bien lui demander comment elle a fait pour sortir de l’appartement, ou lui rappeler sa promesse de ne plus faire ce qu’elle fait. — Excusez-moi — l’entend-elle dire une nouvelle fois, les larmes aux yeux, et elle pense qu’elle devrait s’enfuir en courant, car il se fait de plus en plus tard.

Traduit par Iván Salinas

1

Una fantasía: está desnuda, tendida en la penumbra, con los ojos cerrados. Espera. La persona a quien espera ya está allí, aunque no pueda verla. No importa. La ha imaginado antes, muchas veces…

Una mano firme, tibia, tocará uno de sus pechos, de pronto: sin aviso, muy suavemente. Cuando ella lo advierta, la palma y los dedos, juguetones, ya se habrán retirado. Tras una pausa, vendrá un roce en su hombro, en una mejilla, y un beso en su vientre: el contacto de unos labios anchos y cálidos. Luego, otro beso, justo bajo el ombligo; luego, otro más, muy lento.

Pero hoy lunes, que está tan angustiada, que Elena no va a llegar, Beatriz tarda mucho en responder:

— ¿Ya la despidió?

El ingeniero Mendiola se demora también, pero sólo para acomodarse mejor en el sillón, tras su escritorio de caoba.

—Desde hoy como a las nueve—dice—. Son varias cosas. Más que nada está la cuestión de su desempeño, que usted lo ha visto, Bety. Ya sé que le tiene mucha estimación a la ingeniera, pero no sólo está dejando que desear en cuanto a calidad…

Ella trabaja más que tú, piensa Beatriz. No lo dice.

— … sino que además —sigue el ingeniero— también está la mala imagen que proyecta. Le voy a ser sincero. Usted no me va a dejar mentir. Todo el día están viniendo a la empresa muchos clientes y gente importante, y usted ve la cara que ponen cada vez que la ingeniera Ely, que ya está grandecita y que se supone tiene un puesto de responsabilidad, se levanta al baño, se queda diez minutos y luego regresa… Usted ha visto la cara que trae cuando regresa.

También se levanta Fernández, se dice Beatriz, y él regresa haciendo ruidos con la nariz.

—Y encima está la muchachita esa, que todo el tiempo está de arriba para abajo por la oficina…

—¿Cuál?

El ingeniero se queda mirándola. Menea la cabeza y dice:

—Bety, ni a usted le voy a creer que no la haya visto. Además, todo el día está aquí. Una morenaza, gorda, que siempre trae los mismos jeans.

—¿Quién es? —miente Beatriz.

Pero el ingeniero la mira otra vez como hace un momento y, después de hablar un rato de calidad total, la misión de la empresa y la misión de cada quién, el atreverse a ser mejores cada día, le explica: la llamó porque desea encargarle varios pendientes de los que, dadas las circunstancias, ha dejado Elena.

—Mientras encontramos algún sustituto voy a confiar en usted —le dice—. Es posible que vayamos a recortar la plaza de la ingeniera, así que a lo mejor tendrá que encargarse de todo eso ya de fijo, pero mientras es temporal. De todos modos es muy sencillo.

Al salir de la oficina del ingeniero, Beatriz llama al departamento de Elena. Nadie contesta. A la hora de comer, ya ha llamado otras tres o cuatro veces. Al salir de la fonda en la que come, busca un teléfono público. De regreso en la oficina, vuelve a llamar. Sigue sin haber nadie.

Después de una hora de abrir y cerrar archivos en su computadora, sentarse y levantarse, ir y volver a la ventana, tomar agua y café, se pone a preguntar a los demás. Nadie sabe nada de Elena. En Recursos Humanos le dicen tan sólo que Elena ya recibió su liquidación. Fernández, al llegar su turno, le pregunta:

—¿No la iban a correr?

—¿Y tú cómo sabes? —pregunta Beatriz.

—Lo dijo el ingeniero en la comida del otro día.

—¿A qué horas?

—Cuando nos pasamos del restaurante al bar. Ya se habían ido ustedes dos… Pero ella ya lo veía venir, ¿no? ¿Nunca te dijo nada? ¿Ni así en corto? ¿O su amiga la gorda esa?

—¿Cuál amiga? —vuelve a mentir Beatriz.

Y él sonríe al responder: —Bueno, para como anda la inge, esas cosas ya ni le han de interesar, ¿verdad? Puro viaje astral.

Cerca de las cinco, cuando todavía falta otra hora, Beatriz está mirando el reloj cada pocos minutos.

A las cinco y media, la señora Meche, la de los archivos, va hasta su lugar, le hace plática y, cuando Beatriz se niega a hablar de Elena, dice:

— Bety, a la hija de una amiga mía así le pasó. Estaba en la universidad y un día se paró y se fue.

— Me va a perdonar, doña Meche—dice Beatriz, y siente rabia, porque cuando preguntó tampoco la señora Meche sabía nada. Se pone de pie—, yo no conozco a su, su amiga, o la hija de su amiga, pero a mí me parece que Ely, que la ingeniera…

Toma su bolso y lo abre para guardar sus cosas. Cuando va a meter su lápiz de labios, vacila. —¿Sabe qué? Sí estoy un poco preocupada. Voy a ir a verla.

—Falta media hora.

—Dígale al ingeniero…

—¿Por qué no te esperas a las seis? Ya no falta nada.

—Doña Meche, ¿usted nunca se ha quedado sin trabajo?

—Sí, y más de una vez —dice la señora, muy seria—. ¿Qué te pasa? Ya sé que…, ya sé que la aprecias mucho, ¿no?, y todo…

Beatriz se queda mirándola.

—Nada más te digo una cosa —continúa la señora—: que no te busques problemas. Haz de tu vida un papalote, si quieres, pero no seas tonta. Ya ves cómo es el ingeniero. Mira, no siempre es verdad, pero a lo mejor con ella sí, a lo mejor hasta tiene modo…, una tía…

—¿Cómo?

—¿No te acuerdas de lo de la tía, lo que dijo el ingeniero en la comida?

A las seis y pocos minutos, cuando el elevador llega a la planta baja, Beatriz piensa que ella tampoco sabe bien qué le pasa, y que Elena debe estar en su departamento, muy tranquila y sin ganas de contestar el teléfono. O en un café, o viendo una película en un cine. Puede haber salido, también, a buscar otro trabajo, o a cualquier otra cosa.

Sale del edificio y levanta el brazo para detener un taxi. Tal vez no debería estar tan nerviosa, pero sabe bien por qué Elena se levanta al baño con tanta frecuencia.

El taxista pregunta: —Adónde.

Ella le dice. El taxista asiente y ella sube. —Vámonos, señito —dice el taxista, y el semáforo cambia a rojo.

Mientras esperan, Beatriz revisa su monedero, ve que sí podrá pagar el viaje, y luego, para distraerse, mira por la ventanilla. Atardece: desde hace mucho no sale tan temprano, y le llaman la atención los rostros cansados, ausentes, fastidiados de la gente en las banquetas. De repente, descubre a tres mujeres que van muy juntas: una joven, flaca y desgarbada, con un suéter enorme de color rosa, las piernas desnudas y sandalias; otra de unos treinta y tantos, con la cabeza rapada y sin cejas, vestida toda de negro, y otra mucho mayor, con la cara arrugada, una larga cabellera, una blusa blanca, y una falda de volantes de muchos colores. Ninguna de las tres parece con ganas de ir a ningún lado; conversan en voz alta, aunque Beatriz no puede distinguir las palabras, y ríen con frecuencia. La gente que pasa a su alrededor las evita.

— ¿De qué se ríen las locas esas? —pregunta el taxista.

A lo largo del viaje, Beatriz ve a muchas otras mujeres de aspecto estrafalario, de todas las edades, en actitudes igualmente extrañas: dos que parecen gemelas, vestidas con gruesos abrigos, observan a un par de golondrinas posadas en un cable; otra, delgada y con un vestido de gasa, hace cabriolas en un parque; cuatro más, muy jóvenes y vestidas de negro, van colgadas de la parte trasera de un camión y arrojan volantes, o al menos papel de colores, a la gente que pasa.

—Yo la mera verdad no entiendo —dice el taxista.

Beatriz va a responder cuando ve, en una esquina, a otra. Sentada en la banqueta, parece dormir, aunque puede verse que tiene los puños apretados (los brazos le tiemblan). La gente pasa sin detenerse; algunos deben dar una zancada para no pisarla. Las ropas de la mujer están sucias, con grandes manchas grises de polvo y mugre, como si llevara un largo rato allí.

— Y estas otras, también. ¿Se ha fijado que ahora están por todos lados? Yo digo, ¿no tendrán en dónde vivir siendo que tienen para pagar las cosas que se meten? Porque ya ve, según son de las que son adictas a…

— Aquí a la derecha.

Mientras el coche da la vuelta, Beatriz alcanza a ver a una muchacha que aparece junto a la mujer sentada, se inclina ante ella, la abraza. La muchacha viste un uniforme escolar completamente blanco, desde los moños en el cabello hasta la falda corta y los zapatos.




2

Beatriz paga, cierra la puerta del taxi y camina hasta la entrada del edificio. Toca un timbre, espera, y se siente aliviada cuando escucha el zumbador y puede abrir la puerta. Beatriz entra en el edificio y sube las escaleras.

Elena la espera en el rellano. Se ve muy pequeña: trae un camisón que cuelga de sus hombros y apenas permite adivinar el torso delgado, la cintura estrecha, las piernas. Una sonrisa se diluye en sus labios delgados. Trae la cara lavada, y suelto el pelo, lacio y pintado de castaño (las raíces se ven).

— Hola — dice Elena —. ¿Qué te pasa, estás bien?

Por primera vez, hasta donde Beatriz recuerda, aparenta su edad: dos líneas flanquean su boca y tiene arrugas alrededor de los ojos. Se ve cansada y encogida. Pero Beatriz descubre que la esperaba aún peor, más pálida, con grandes ojeras; tal vez (aunque su problema es otro) con los brazos llenos de picaduras, con sangre en la nariz.

— Ah — dice Elena —. Ya sé qué me vas a decir.

— Vine hasta ahorita — responde Beatriz — porque apenas me dijo Mendiola…

— ¿Cómo viste que el Mierdola me dio vacaciones?

— ¿Qué?

— Bueno, me corrió. Pero al menos, no le quedó otra que darme mi liquidación —la sonrisa de Elena se reanima—. Si fuera por ese cabrón, nos cobraría por ir a trabajar…

Entran en el departamento y Elena cierra la puerta.

— ¿Estás bien tú? —pregunta Beatriz— ¿Cómo estás? ¿Qué pasó, por qué no llamaste?

Elena camina hasta la sala y se sienta en un sillón. Beatriz se sienta junto a ella. —Yo estoy bien —dice Elena, que ha puesto cara de preocupación—. ¿Tú? Te ves nerviosa.

—Es que te hablé varias veces.

—¿Nadie te contestó?

— ¿Tienes, tienes visitas, esperas a alguien? —Beatriz mira a un lado y al otro— ¿O qué?

— No, bueno… Oye, pero de veras, ¿estás bien? ¿Por qué siempre estás tan angustiada?

— Tú estás muy tranquila, ¿verdad?

Beatriz se sorprende al escuchar su pregunta: sin querer, se da cuenta, le ha salido un reproche.

— Tú eras quien me lo decía, ¿no? Que era adicta a trabajo, que no estaba bien matarse…

Beatriz asiente.

—Ahora ya tengo como medio año libre. Y no sabes qué gusto me va a dar no volver a ver al pendejo ese del Fernández…

— Pero no te vas a pasar aquí encerrada el medio año, ni nada por el estilo, ¿verdad?

— ¿Qué?

Beatriz piensa en una película que vio hace poco; Jennifer Connelly salía de adicta, y el final era espantoso. Esa noche tuvo una pesadilla, de la consiguió olvidar casi todo, pero en la que alguien repetía que lo mejor es una muerte rápida. Al despertar siguió escuchando las palabras, aterrada, hasta que descubrió que eran el rechinido de uno de los batientes de su ventana, mal cerrado y movido por el viento. El sonido, al entrar en el sueño, se había transformado.

— Ely, no me digas que no sabes de qué te estoy hablando. Además ya todo el mundo lo sabe.

En la misma película, había una señora a la que su hijo le robaba para ir y comprar su…

— ¿Por eso estás tan preocupada? —pregunta Elena.

Beatriz mira de reojo los cuadros sin colgar, los sillones todavía envueltos en el plástico de la mueblería, la televisión con la etiqueta en la pantalla. Todo está como siempre. Parecería que Elena sólo ha regresado a cenar de prisa y acostarse, como es su costumbre. Siente un ligero alivio hasta que la oye decir:

— Ahora, antes de que digas otra cosa: no te llamé porque no pude. Estaba…, ya sabes lo que estaba haciendo. Y sí, tengo la idea de pasarme el medio año o el tiempo que pueda…, así, igual. ¿Sí?

Beatriz se queda callada por un momento.

Luego dice: —Haciendo eso.

— Sí.

— Te vas a quedar —sigue Beatriz— en la cama todo el tiempo, así como… ¿de la misma manera?

— No, Beatriz, no seas bruta. Alguna vez me tendré que parar al baño. ¿No? A comer.

— ¿Y luego?

Elena se queda mirándola en silencio.

— ¿Luego qué? —dice al fin— Ah, ¿luego qué voy a hacer? ¿Luego del medio año? No sé. No me veas así: ya estoy grandecita.

Comienza a frotarse las manos. Lo hace poco y (según ha visto Beatriz) sólo cuando no sabe qué decir.

— No lo he decidido. No te voy a decir que no me preocupa.

— Van a ser como vacaciones —dice Beatriz, y casi al mismo tiempo:

— Una siempre llega a pensar en aventarse y dejarlo todo, pero…

— ¿Aventarte a qué?

Elena aparta la mirada de los ojos de Beatriz.

— ¿Ely?

En otra película que vio, Jennifer Jason Leigh y otro actor eran una pareja de adictos; estaban en un callejón, o en algún sitio vacío y muy oscuro, y mientras se hablaban de amor se repartían unas pastillas.

— ¿Qué dijiste? ¿A qué te vas a aventar?

— ¿Te acuerdas de lo de la tía, lo que decía Mendiola de la tía rica? ¿La otra vez, en su discurso imbécil de costumbre? Ven.

Elena se para y va hacia a la recámara. Beatriz la sigue. Es la primera vez que entra en este cuarto; mientras observa que también aquí hay cuadros sin colgar recargados en las paredes, y que hay un librero vacío en la pared del fondo, junto al tocador, Elena se pone a alisar las sábanas de la cama; toma una almohada y la cambia de sitio; se inclina.

— ¿Te acuerdas —pregunta Elena— o no?

Beatriz se siente irritada al ver que Elena hace cuanto puede por darle la espalda.

— ¿Quieres que me vaya? — dice — ¿Segura que no esperas a nadie?

Pero, mientras Elena continúa inclinada sobre la cama, le parece estar viendo a una anciana, enferma, a la que cada movimiento le cuesta.

— No, Beatriz —la escucha decir—, no te vayas. No espero a nadie. Ven. Siéntate. Por favor.

Las dos se sientan, una al lado de la otra, en la cama.

— Mira, me vas a regañar, me vas a decir que soy una idiota, pero… —se interrumpe — Te va a sonar absurdo.

Levanta las manos, abre y cierra los dedos, vuelve a bajarlas.

— Tranquila —dice Beatriz, mientras Elena vuelve a levantar las manos para cubrirse el rostro. Levanta su mano y la pone, brevemente, en el hombro de su amiga. Piensa en el ingeniero Mendiola; en alguna ocasión, hablando con Fernández y otros de sus amigos, llegó a decir (Beatriz lo escuchó) que Elena era una resentida:

— Yo ni la conocía cuando me dieron mi puesto, pero ella, según esto, pensaba que le iba a tocar. Por eso tiene tanto rencor. ¿A poco no siempre es igual? A donde vaya uno, siempre la misma cochinada, la misma actitud negativa… Pero a la que peor le va es a ella misma. Ella sola se chinga. ¿Saben que siempre llega antes de las ocho? ¿Y que se espera a que yo salga de la oficina, y siempre se queda una o dos horas más, como para hacer que trabaja más que nadie?

— Es simplemente — dice Elena, descubriéndose, pero se interrumpe, sonríe, tartamudea; Beatriz quita su mano—, digo, además de que va a estar muy difícil que consiga otro trabajo pronto, como están las cosas… Una vez me contaron de una cantante, no me acuerdo quién era, de los sesenta. Era muy famosa, así como los Beatles o Jim Morrison, pero empezó a meterse cosas, heroína.

— Y se murió.

— No — dice Elena —. No se murió. Todavía vive, pero de limosnera, o abajo de un puente, no sé bien… Espérate. La cosa es que cuando le preguntaron si no lamentaba haberlo perdido todo, que ya nadie se acordara de ella, ella dijo que no: que al principio sí, pero luego se había dado cuenta de que así como se puede ser cantante, actriz, empleada, ama de casa, también…

Ahora Beatriz recuerda una de sus primeras conversaciones en la oficina, ante la cafetera, y entre dos contadores que se empeñaban en hablar como si ellas no estuviesen allí. Desde entonces, Beatriz tiene una idea clara del carácter de Elena: le bastó ver el trabajo que le costaba hacerse oír sobre la plática de los contadores, y su alivio cuando ambas terminaron de prepararse sus cafés y pudieron regresar a sus lugares.

— Así como se puede ser todo eso —está diciendo ella ahora— también se puede ser adicta. Una puede decidir que eso es lo que quiere. Se me hizo tan raro cuando lo oí…

Claro, piensa Beatriz, ese carácter debe haberle hecho más fácil ignorar todo excepto su trabajo y pocas amistades. Muy pocas: salvo ella misma, Beatriz no podría mencionar sino a doña Meche, quien por supuesto es ya una señora grande…

— Pero, ¿sabes qué?, sí se puede ser así. Yo primero decía que no, que cómo…, pero en realidad, pensándolo con calma, sin dramas… En verdad no me interesa ser ni exitosa, ni rica…

— ¿De veras será tan difícil que te consigas otro trabajo? No tienes que sentirte, vaya, frustrada.

— ¿Cómo?

Elena cruza los brazos y hace una mueca.

— Beatriz, ¿no has oído nada de lo que he dicho? Estoy tratando de explicarte que me he dado cuenta… Mira, yo tampoco lo quería creer, decía que no era posible, que la gente que decía eso estaba loca, que tenía daño en el cerebro, pero… ¿No me entiendes?

Beatriz levanta otra vez su mano, pero no toca a Elena, quien otra vez se le oculta. En un rincón, cerca de la mesa de noche, hay otro par de cuadros sin colgar y un rollo de tela asegurado con una liga: Beatriz ve que es un calendario del año pasado, cuando Elena se mudó a este departamento.

— No es nada más que sea muy agradable, que sí es muy agradable. Estoy cansada. No me interesa ser ni la subdirectora de planeación, ni la directora, ni quedarme trabajando hasta noche para no tener que hacer nada más en todo el día, ni que me paguen por aguantar al Mierdola ni a los otros imbéciles, ni a las arpías de Recursos Humanos… Ya me cansé de estar matándome toda la vida nada más porque sí, nada más porque se supone que es lo que uno tiene que hacer, o por miedo de que luego…

Se está haciendo tarde, y Beatriz vive lejos. Para volver, tendrá que tomar dos camiones y recorrer una docena de estaciones de metro. Pero, por supuesto, no se puede ir aún. ¿Cómo va a dejar sola a Elena?

— ¿De dónde —la interrumpe, torpemente, para decir algo— vas a sacar dinero?

Elena, sin responder, saca los pies de sus pantuflas, que son blandas y azules.

— A ver, otra vez. Me he pasado toda la vida creyendo eso de que tienes que superarte, y llegar hasta arriba, y así asegurarte tu futuro y todo lo demás, y ahora me doy cuenta de que todo es mentira. Nunca he hecho otra cosa que tratar de conseguir dinero, y ahora estoy viendo que no lo necesito.

Beatriz, fugazmente, trata de imaginar a Elena en una clínica de rehabilitación. — Ahorita tengo, claro, y bastante…

Vio una en la televisión, alguna vez: la gente con daño cerebral jugaba, en un jardín, a pasarse una pelota enorme. Nadie podía ni levantarla sin ayuda. Varios tenían las batas húmedas de su propia saliva.




3

— ¿Pero luego? —dice Beatriz—Al menos te va a hacer falta para comprar. ¿No? La cosa.

—¡La cosa!

—El relleno, no sé, lo que te, lo que te inyectes —Beatriz, sin proponérselo, sonríe—. Lo que te untes con…

Elena se golpea los muslos con las manos, se aparta de Beatriz, se pone de pie y camina hasta el baño. Se mete y cierra la puerta pero dice, desde el otro lado:

—¡La cosa! ¿No te he dicho como cincuenta mil veces que no es cocaína ni marihuana ni nada así? ¿Que no tengo que ver a ningún dealer? Tú estabas ahí cuando lo compré. Sólo se compra una vez.

Una tarde, Elena insistió en llevarla con una vendedora, que atendía junto a un puesto de tacos cerca de la oficina, en una calle pequeña, detrás de la avenida. En realidad, todo el tiempo quiso convencerla de que comprara su propio…

—¿No te acuerdas que es legal?

Pero Beatriz, por supuesto, no creyó que lo que decían todos — la vendedora, un par de clientas más que estaban allí, desde luego la propia Elena— acerca de las bondades de la cosa. No quiso ni verla…

—Se llama escoto. Vamos, tócalo —le dijo Elena, y se dedicó a fastidiarla todo el camino de regreso (habían empleado buena parte de la hora de la comida en ir a hacer la compra) con la caja de cartón que le habían dado, amenazándola con abrir la caja y mostrarle el interior.

—¿Sí te acuerdas, o no? ¿O sigues igual de espantada?

Beatriz, primero, se da cuenta de que Elena debe haber estado metida en aquello desde antes de ir con la vendedora. Luego se siente muy desconsolada.

— Ely, si es legal — dice —, ¿por qué nadie, por qué no, por qué no sale en la televisión que qué maravilloso es para la salud y que todo el mundo debe tener el suyo?

Se oye el ruido del desagüe y Elena sale del baño.

— ¿Sabes cuántas mujeres tienen su escoto? Millones. Lo dicen a cada rato. ¿No ves la televisión, no sales a la calle? Seguro me vas a salir con que tampoco has visto a ninguna…

— ¿A quién? — miente Beatriz.Y la oye decir:

— Ay, Beatriz, por favor. ¿A quién quieres engañar? Nada más que estuvieras en estado vegetativo…

— Elena — se asusta Beatriz, muy quedo.

Ella no alcanza a oírla:

—… o en una isla desierta… No es posible que no sepas. ¿Por qué haces como si nunca te hubieras dado cuenta de nada?

— Si quieres me voy — dice Beatriz.

Pero no se mueve. Elena vuelve a la cama.

— Perdón — dice, y vuelve a poner las manos sobre sus muslos pero ahora para alisar el camisón, con movimientos largos y lentos —. Te he de sonar como una degenerada, ¿verdad?

— Nada más no me digas —le pide Beatriz— que tengo que probarlo.

— ¿Te acuerdas de cuando te fumaste un churro con no sé qué amiga tuya…?

— No era mi amiga.

— Con quien haya sido.

— Fue en la prepa. Y me puse muy mal.

— Te sentiste culpable — dice Elena, y antes de que Beatriz pueda responderle agrega: — Pero mira, tampoco me tengo que disculpar contigo. Me gusta. Me gusta más que cualquier otra cosa.

Muchas veces, piensa Beatriz, Elena ha insistido en su baja estatura y en su peso. También, en que su cara es muy estrecha, y en cómo la afean algunas cicatrices de acné (que nadie más puede ver), de cuando era adolescente. Y además están las huellas de años de intentar depilarse las patillas.

— A los doce años — la ha oído decir, más de una vez— me las rasuré por jugar y desde entonces. Por más que hago siempre acabo con estos pelitos horribles…

Beatriz, cada vez, ha querido decirle que no debería pensar de ese modo. Elena levanta las sábanas y se acuesta. Se tapa hasta el pecho.

— ¿Me permites? — Beatriz siente los pies de Elena que, bajo las cobijas, presionan su muslo. Primero no sabe qué hacer; luego se aparta — Gracias. Mira, perdón por lo que dije hace un momento. No quiero obligarte a nada.

A lo mejor, piensa Beatriz, se siente sola. Tal vez nada más sea que se siente sola. Que cree no tener a nadie.

— Una vez me dijiste — comienza — que cómo era yo cerrada.

— Te ofendiste, ¿verdad?

— ¿Cómo? No, no, lo digo porque…

Elena la está mirando.

— A lo mejor a ti también te parece extraño, o anormal.

— ¿Qué cosa?

Beatriz suspira, se moja los labios, y descubre que no puede continuar.

— Dime — dice Elena.

Hace muchos años, cuando tenía nueve o diez, Beatriz estaba en el multifamiliar en el que vivía. Abrió una ventana y miró hacia fuera, a los edificios cercanos, el estacionamiento, los árboles plantados en jardineras ante la entrada de su edificio. Cerca de un árbol estaban dos personas, que se estrechaban con fuerza y se acariciaban las espaldas con movimientos largos, muy lentos. Beatriz nunca había visto nada semejante: hasta los muslos de ambas personas se tocaban, y de pronto las manos de una de las personas desaparecieron, bajo el suéter que cubría la espalda de la otra… Se quedó allí, fascinada, hasta que oyó tras de sí la voz de su madre:

— ¿Tu tarea, Beatriz?

Ella obedeció, se apartó de la ventana y fue a la mesa del comedor, donde estaban sus libros y cuadernos. Su madre pasó junto a ella y llegó hasta la ventana. Beatriz abría un cuaderno cuando la sobresaltó el primer grito, furioso y destemplado. Pasaron años antes de que volviera a oír muchos de los insultos que escuchó después, durante un tiempo que debe haber sido breve, apenas un minuto, pero que le pareció mucho más largo. Lo último que dijo su madre fue:

—¡Vayan a otra parte a hacer sus porquerías, aquí hay niños!

Luego cerró la ventana, con tanta fuerza que uno de los vidrios se partió en dos. Y ahora Beatriz no puede hablar.

Se quedó viendo a su madre, aquella vez, y ella le dijo: —¿Qué me ves? ¿Qué cosa quieres?

— ¿Qué te pasa? — dice Elena, y sigue esperando, metida en la cama, rodeada por sus cosas.

— ¿Qué te pasa? — dijo su madre, porque Beatriz no se atrevía a responder.

Y Beatriz sabe, ahora, que quisiera explicarle todo a Elena, todo desde la primera conversación en la oficina, todo lo que ha pensado, todo lo que piensa aún, todos los días, mientras trabaja, mientras va por la calle o está sola en su casa, mientras espera, en su lugar, entre las seis y las nueve de la noche, a que Elena termine su trabajo.

Pero sólo puede decir:

— A lo mejor, no sé, se puede hablar con alguien de más arriba que Mendiola… Podemos, no sé, decirles de todas las veces que él se ha, que has hecho su trabajo y que no te, no te ha dado crédito.

— ¿Esa es tu gran idea?

Beatriz baja la vista.

— ¿Y a quién le vamos a decir? Todos son iguales. Además te digo que no quiero. ¿Qué es muy difícil de entender?

Elena no es tonta: ya debe saber que como Beatriz vive lejos, acostumbra llegar a su propia casa después de medianoche.

Pero ninguna de las dos dice nada más mientras Elena se arrebuja en las sábanas y saca, del cajón de la mesa de noche, la caja de cartón. La abre.

El escoto es un cilindro de madera, largo y curvado. Ahora que lo ve por primera vez, Beatriz recuerda todas las comparaciones habituales; a ella, sin embargo, le parece el remate de un bastón, de los que se usaban antes. La superficie de la madera es muy porosa. Beatriz sabe que se usa poniéndolo en la palma de la mano.

— Nada más hay que apretarlo — le dijo Elena, el día que lo compró — y pedir un deseo.

— ¿Un deseo?

— No es cierto, Beatriz — se rió Elena.

Ahora Beatriz pregunta:

— ¿De dónde viene ese nombre de “escoto”?

— No sé.

— ¿No decían que los fabricaban en Irán, o en Cuba?

— ¿Qué?

— Salió en el noticiero.

— ¿También decía que eran obra del diablo?

— No, vaya, no — Elena se recuesta en el colchón —. Pero ¿no te, no te has puesto a pensar que, carajo, Ely, sí sabes que sólo funciona con mujeres?

— Como las toallas.

— No, Ely, en serio, ¿no se te hace raro? Sí has visto, ¿no? Que a los hombres no les hace efecto.

Elena recarga su cabeza en la almohada.

— Sí, Beatriz, sí he visto. ¿Qué importancia tiene? Al menos una cosa que no es versión femenina de otra hecha para hombres…

— ¿Qué vas a hacer? — pregunta Beatriz, mientras se aproxima hasta la cabecera de la cama y se inclina, cada vez más, hacia Elena.

Ella, después de un momento, alza una mano y toca la mejilla de Beatriz. Sus dedos son fríos y la empujan. Beatriz se aparta.

— Bety, te agradezco mucho que hayas venido, en serio. Sé que, bueno, que me aprecias, y que ahorita esto debe ser… Yo te estimo mucho. No puedo demostrarlo como tú quisieras, y lo siento. No puedo. Pero…

— Yo te quiero mucho — dice Beatriz.

— Yo también te tengo cariño — dice Elena, y tiende su mano para tocar el hombro de Beatriz. Lo aprieta. Beatriz siente el contacto, intuye que debería apartarse, pero no se mueve —. Voy a estar bien. No te preocupes. Ahorita quisiera…

— ¿Tienes, cómo se llaman, dolores de abstinencia, algo así?

— Ay, amiga, cómo eres pendeja.

Hace meses, en alguna ocasión en la que Elena estaba enferma (tal vez, piensa ahora, no estaba enferma: tal vez fue una de las primeras veces que usó el escoto), Beatriz, después de pensar y dudar mucho, fue sola, después del trabajo, a un antro. Hasta el nombre le era extraño: no había pisado un bar ni una discoteca desde su adolescencia, y se quedó ante una mesa en un rincón, durante muchas horas, observando a la gente bailar, tomar, besarse. Alguien llegó hasta ella y le habló, le propuso…

Ella se levantó y salió corriendo. Quiso salir: le reclamaron, en la puerta, el pago de una sola cerveza, que se había entibiado en su botella sin que Beatriz la probara. Pagó, pero sintió todas las miradas sobre ella y tuvo la impresión de haber hecho algo terrible.

Ahora, se yergue y dice:

— Sí, de veras soy pendeja. Estoy aquí perdiendo el tiempo, y todo el día me la pasé, todo el día sintiéndome culpable, toda atormentándome porque no me atrevía a salirme y venir…

— ¿Todo el día estuviste…?

— ¡Pensé que te había pasado algo!

— ¿Y te hubieras ido de la oficina así nada más? —Elena se yergue— Es decir, no, en serio. ¿Te hubieras metido en problemas por mí? ¿Con lo mamón que es el Mierdola?

— No sabía, ya te dije, no sabía si te había pasado, no sabía…

— Ay, amiga, perdón.

Elena vuelve a tomarla del brazo, pero ahora la atrae hacia así. La abraza, muy fuerte, y cuando Beatriz responde, también la aprieta. Beatriz no quisiera soltarla. Lo hace, sin embargo, cuando Elena afloja un poco la presión de sus brazos.

— Eres — dice Elena — la mejor…, de las mejores amigas que he tenido… No pensé que estuvieras tan preocupada. Mira: no voy a salir. No me va a pasar nada. Te prometo que voy a pararle para comer. En serio. ¿Sí?

Beatriz vuelve a sentarse en la cama. No sabe qué hacer.

— Es más, te propongo una cosa: llámame cuando quieras, y si no te contesto… ¿Viste dónde puse las llaves? Llévatelas. Tengo copia. Ven cuando quieras. No toques ni nada, nomás entra.

Beatriz no dice nada. Elena parece a punto de tomar el escoto, pero en vez de hacerlo dice:

—Ay, Beatriz, ¿no me entiendes? Es que… Ay, mira. Vamos a hacer otra cosa. Vamos a hablar, pero más tarde. Primero…, primero habla con otra persona.

—¿Quién?

—La voy a llamar. Se llama Shanté.

—¿Cómo?

—Ya sabes quién es, pero creo que no han hablado. Voy a estar bien, ¿eh? Te lo prometo. ¿Has visto que tenga aspecto de…, no sé, de pacheca, de coca?

—No. ¿Pero a qué viene…?

—Quiero que te tranquilices. No pasa nada. Espera un momento y la vas a oír tocar la puerta —dice Elena, toma el escoto y lo aprieta en su mano derecha.

Su cabeza cae en la almohada y sus ojos se cierran. Beatriz se inclina sobre ella. Los ojos permanecen cerrados, pero se mueven, bajo los párpados, cada vez más rápido.

— ¿Ely? — dice Beatriz, asustada — Elena. ¡Elena!

Toca su mejilla. Elena no reacciona. Levanta su mano izquierda y la deja caer. Está a punto de ensayar una bofetada, o de intentar levantar a su amiga, tomarla de los hombros, tal vez sacarla de la cama, cuando se oye el timbre. Beatriz respinga, sobresaltada. Se levanta. Nerviosa, camina hasta la sala y se queda a varios pasos de la puerta. No se anima a ver por la mirilla. Vuelven a tocar: es un solo timbrazo rápido, como si la persona que toca no tuviese prisa.

— ¿Quién, quién es? — dice Beatriz.

— Buenas noches — dice una voz de mujer —. Mi nombre es Shanté. Elena acaba de hablarle de mí.




4

Beatriz, a pesar de que ha visto escenas semejantes muchas veces (en el cine, en la televisión), no quiere abrir la puerta. Siente que no es ella misma: que se observa, desde lejos, mientras se acerca, toca la manija, la ase.

Abre la puerta y del otro lado está una muchacha muy morena, alta y robusta, vestida de mezclilla y con el pelo largo y ondulado. Sus senos son más bien pequeños, pero sus caderas abundantes. Tiene manos largas y fuertes, tan oscuras como su cara, la nariz ancha y los labios gruesos. Sonríe con unos dientes muy blancos salvo un incisivo, que es dorado. Lleva botas de minero, pantalón de mezclilla y una playera roja, un poco demasiado estrecha, que hace resaltar sus senos pero también los pliegues de su abdomen. Tiene la cara redonda y los ojos grandes.

— Hola — dice. Su voz es agradable. En realidad, se parece mucho a la de Elena—. Usted es Beatriz. De la empresa. Es secretaria y amiga de Elena. Ya nos hemos visto, aunque creo que nunca habíamos hablado, ¿no?

— Hola — repite Beatriz. Shanté entra en el departamento y se sienta en uno de los sillones.

— Yo estaba aquí cuando usted habló por teléfono —dice.

— Ya sé.

— No le contesté porque no sabía qué decirle.

Beatriz no responde. Piensa que aun si se pusiera un traje sastre, se maquillara, usara zapatos de tacón y un empaste, o postizo, que no se viera de metal; aun si se pusiera a dieta y se cortara el cabello; aun si usara alguna crema para aclararse la piel, aún así Mendiola seguiría diciendo que da “mala imagen”. Algo tiene, tal vez la forma de sentarse, o el modo en el que se mueve al caminar…

La oye decir: —Supongo que querrá que le explique cómo llegué aquí y cómo sé de usted y todo eso… Ojalá no piense que todo es una broma o algo así, que me puse de acuerdo con Elena y que estaba esperando afuera desde que llegó.

Dentro de poco, a Beatriz le dará por investigar más sobre este efecto del escoto. No hallará gran cosa en ningún lado (libros, revistas, Internet), pero visitará un albergue, grande y lleno, en medio de un bosque cercano a la ciudad, atendido por las tres mujeres —la del suéter rosa y las sandalias, la de la cabeza rapada, la de la falda de volantes— que vio hoy, al salir de la oficina, en el camino a la casa de Beatriz. Les preguntará si quienes optan de verdad por el escoto llegan a verse como en el programa que recuerda, el de la gente jugando a la pelota. Las tres se mirarán extrañadas, y estarán a punto de reírse, pero la del suéter (que en esa ocasión será verde) entenderá el sentido de la pregunta, se pondrá seria y le explicará lo que ocurre, eventualmente, con las mujeres que se deciden a usar el escoto.

Ahora, Beatriz sólo puede asentir en silencio.

— Supongo — continúa Shanté — que se va a oír terrible, pero…, aunque no lo sé de cierto, supongo que tengo este aspecto porque Elena no se gusta. Es la teoría más popular. Como usted sabe, ella tiene problemas de autoestima…

Beatriz, sin mirarla, dice:

— ¿Entonces, entonces sí es cierto? ¿Lo que dicen? ¿Tú eres como, una, una cosa, vaya, algo que ella hace?

— Una cosa — Shanté hace una mueca —. ¿Nunca se le ha ocurrido que cosa es una palabra muy fea, muy imprecisa? Por lo demás no, no soy del todo algo de ella. Por ejemplo, yo elegí mi propio nombre. Quiere decir “paz”. Más o menos. Tendría que ser Shantih, que es una palabra en sánscrito…

— ¿Qué?

— Pero en una canción de RuPaul dice así: “Shanté”.

— ¿Quién?

— ¿Nunca ha visto a RuPaul? ¿Un travesti negro, muy alto, que usa pelucas rubio platino? A veces canta con Elton John.

— No.

— Creo que Elena tampoco. En fin. Ah, y “Shanté” también suena como el verbo “cantar” en francés. Por eso me gusta: porque quiere decir mucho. También pensé en ponerme “Daena”, o “Sofía”…, pero no sé, ¿a usted le parecerían nombres apropiados? Siempre me han sonado muy rimbombantes, en especial Sofía.

— ¿Elena sabe francés? — dice Beatriz, y piensa que, después de todo, tal vez sería mejor volver con ella, tratar otra vez de despertarla, pedirle por favor una explicación. No lo hará. En los días por venir, incluso, le prometerá no quejarse, no hablarle de rehabilitación ni nada parecido.

— Creo que no — responde Shanté —. Sólo inglés y español. Y eso es de lo más raro, que en realidad yo no sé todo lo que sabe ella, ni viceversa. Y tampoco nos acordamos exactamente de lo mismo. Supongo que…

Dentro de algunos meses, una noche, Beatriz sentirá la necesidad de salir: tomarse (dirá, con muchas vacilaciones) un rato libre. Cada media hora llamará por teléfono, desde el antro que elija, para enterarse de cómo sigue Elena. Tres veces notará que la miran, con gran insistencia, desde alguna mesa cercana, y ella misma procurará mirar al suelo, o a la pared. Después de que le sirvan la primera cerveza, sin embargo, llamará su atención una pareja, vestida con pantalones bombachos, camisas a cuadros y zapatos tenis. Las dos tendrán el cabello muy corto pero patillas falsas: mechones largos justo sobre las orejas, pegados a las sienes con fijador. Bailarán, con muy pocas pausas, hasta la madrugada.

La pareja no será, realmente, la única con esa vestimenta. Pero a Beatriz le sorprenderá, primero, su aspecto; luego, que debajo de él, en las caras y los movimientos de las dos, se verá el deseo; más tarde aún, que ninguna, jamás, apartará los ojos de la otra. Shanté ya está buscando, en una caja junto al televisor, entre varias botellas.

Beatriz se levanta. — Un momento — dice, y va hacia la puerta de la cocina.

— ¿Está bien?

— Necesito un poco de agua.

— ¿No quiere algo más fuerte? ¿Un anís, un vodka? ¿O un café?

Beatriz entra en la cocina y cierra la puerta.

— Soy bastante buena con la cafetera — le dice Shanté, que está recargada en el mueble junto al fregadero. Beatriz contiene un grito —. Es que el instantáneo nomás no me gusta… ¿De verdad no quiere?

Beatriz se descubre sin fuerzas para rechazarla. Shanté resulta ser, en efecto muy buena con la cafetera. De vuelta en la sala, pasan un largo rato casi en silencio. Comen de una caja de galletas que Beatriz halló en la despensa.

— Otra diferencia es que a mí me encantan las soletas y a Elena no — dice Shanté —. ¿Por qué no le gusta que Elena use el escoto?

Beatriz mira su reloj. Van a ser las nueve. Ha pasado mucho menos tiempo del que creía.

— ¿Por qué ha de ser? — responde, sin apartar la vista del reloj.

— Bueno, porque piensa de un modo que a usted no le gusta, porque usted desaprueba las adicciones, porque ella ya no quiere ir a trabajar…

Como antes con Elena, Beatriz se siente disgustada, pero no sabe qué decir. Levanta la vista. Shanté está sentada con una pierna cruzada debajo de la otra; Beatriz, dentro de algunos días, leerá que esa posición es asumida, en general, por personas muy creativas e inteligentes. La expresión de su cara es extraña: todo el tiempo parece estar muy relajada, al contrario de Elena, quien acostumbra verse muy tensa…

— Le hace, le hace daño — dice Beatriz —. Ahorita no va a comer en quién sabe cuánto tiempo. Está dispuesta a quedarse sin trabajo, a hacer no sé qué más, y además, además —señala su cabeza—, todo eso de por sí hace daño, ¿no? ¿No? ¿No se acaban las neuronas?

— Que yo sepa, no más que con el alcohol. Los efectos a largo plazo son otros, no lo sé bien, creo que es como un deterioro general…

— ¿Qué?

Shanté se queda callada, pero sólo por unos segundos.

— Usted me tendrá que perdonar, pero ¿de veras es para tanto? Es decir, lo del trabajo. A lo mejor es que yo siempre he odiado las oficinas, pero ¿se acuerda cuando el ingeniero Mendiola platicó sobre la tía rica?

Alguna otra vez, Beatriz volverá de hacer compras y verá de lejos a una mujer, de pie ante la puerta del edificio de Elena. La mujer tocará el timbre con gran insistencia. La puerta del edificio se abrirá con un zumbido. Beatriz no se atreverá a avanzar y entrar también y se quedará afuera, mirando, desde abajo. Casi creerá escuchar los pasos de la mujer hacia arriba, por las escaleras, y hasta la entrada del departamento. Luego de una pausa escuchará un grito.

— ¡No! — grita Beatriz ¡No me acuerdo! ¿Por qué todo el mundo me pregunta eso?

Las dos se quedan calladas. Beatriz pone su taza en la mesa de centro, pero la mano le tiembla y derrama casi todo el café.

Shanté va a la cocina por una jerga y vuelve para limpiar.

— ¿También se lo recordó Elena?

Tras el grito, de pie en la banqueta, con varias bolsas de plástico en las manos, Beatriz escuchará, apenas, la voz de Shanté y otra, que nunca antes habrá oído. Después de cierto tiempo, verá a la mujer cuando se acerque a las ventanas de la recámara, la sala, otra vez la recámara, seguida por Shanté; primero le costará trabajo distinguirlas, y luego, cuando alguna de las dos encienda las luces, la verá como sombras.

— Está bien — dice Beatriz, mientras Shanté hinca una rodilla ante ella y la toma de la blusa, en la que cayeron varias gotas de café.

— No sabía — dice Shanté —. Es decir, que le chocara el tema.

— De veras está bien — repite Beatriz, pero antes de poder apartarse Shanté ya ha terminado, y se pone de pie.

Después de un rato, las bolsas comenzarán a pesarle, y Beatriz las pondrá en el suelo, las levantará, las pasará de una mano a otra; deseará que la mujer se vaya y se sentirá ridícula, aguardando, pero no se animará a moverse. De pronto oirá un golpe fuerte, arriba, y la sombra de Shanté quedará sola, dibujada tras la ventana.

— Listo — la oye decir ahora.

Como Elena hace muy poco, Beatriz se cubre el rostro con las manos.

— ¿Qué le pasa?

— La loca soy yo. ¿No? ¿No eres como una, una alucinación? —dice, sin descubrirse. Su voz le suena extraña.

— No.

Cuando la mujer aparezca por la puerta del edificio, Beatriz se ocultará: asomada desde la esquina, la verá alejarse por la calle hasta un coche estacionado. Cuando se haya ido, y Beatriz se anime a entrar en el edificio, y llegada al departamento se ponga a acomodar las provisiones, se enterará de que la mujer es la madre de Elena. Mientras prepara el suero de la noche (serán los primeros días realmente malos), Shanté le dirá que la intención de la mujer era “llevarse a casa” a su hija.

Beatriz se descubre, se levanta y regresa a la recámara.

— Según, para cuidarla — dirá Shanté.

Elena sigue acostada y con los ojos cerrados. Tiene la boca entreabierta. Beatriz descubre que esperaba ver un rastro de saliva en sus labios, o bajando por su mejilla hacia la almohada.

— Para cuidarla mejor que yo, dijo, que soy una rara —dirá Shanté.

Del otro lado de la cama, Beatriz entrevé un movimiento, y está por levantar la vista cuando alcanza a percibir el color rojo de la playera y los cabellos largos y negros. Sólo inhala, ruidosamente, y aprieta las mandíbulas.

— Y hasta azota la puerta — dirá Shanté — : Maldita vieja.

— Mira — dice Beatriz ahora —, Shanté o como, como te llames…

— ¿Otra vez la asusté…? Discúlpeme. No era mi intención, me regreso a la sala.

— Por favor — dice Beatriz, y procura no mirar. En cambio escucha los pasos de Shanté, largos, pausados, que se alejan.

— Aquí estoy, por si necesita algo — la oye decir.

Ese día que ha de llegar, Beatriz tardará en notar la rabia en las palabras de Shanté. Ahora la escucha pero no responde. En cambio, observa la mano derecha de Elena, que aprieta aún, como hace rato, el escoto. El puño tiembla. Beatriz piensa en separar los dedos y quitarle el objeto. No se atreve. Teme hacerle daño. Además, muy pronto tendrá que marcharse. El servicio de camiones sigue durante toda la noche, pero el metro deja de pasar hacia la una. Se le ocurre que no puede llegar tarde al trabajo, mañana. Toma la mano izquierda de Elena y, después de un momento de duda, la aprieta. Luego acaricia sus mejillas.

— Yo nunca la había visto — dirá Shanté —. ¿Usted la había visto alguna vez? ¿Cuántas veces habrá pensado en su hija en el último año, la muy…?

Beatriz apaga la luz, y va a cerrar la puerta, pero se detiene. Duda. Vuelve hasta la cama y besa la frente de Elena.

De regreso en la sala, oye decir a Shanté:

— Creo que esto Elena no lo sabe… Según me dijeron, la palabra “escoto” viene del nombre de un místico del siglo IX, Juan Escoto Erígena. Él decía… ¿cómo decía? Decía que todo en el mundo es una revelación de lo divino. Decía que todos somos imágenes.

— No tenía idea — responde Beatriz, mientras vuelve a sentarse.

— En realidad — dice Shanté —, el nombre no tiene mucho que ver con el objeto, o al menos yo no creo que esto sea una experiencia mística. Quiero decir, podrían llamarse visiones, porque, según entiendo, ahora Elena está viendo lo que yo veo, oyendo lo que oigo, como si soñara que soy yo
— Beatriz se ruboriza—. ¿Qué le pasa?

Beatriz mira hacia arriba, sonríe a medias, se remueve en el sillón.

— Soy muy tonta. Yo pensaba que venía de “escote”, por eso de que sólo funciona con mujeres.

— Hay quien le dice “escroto” — el rubor de Beatriz no desaparece —. Hay una teoría, no se dónde la leí, desde luego es una especie de leyenda urbana, una de esas tonterías de las revistas… Según eso, la difusión del escoto sería parte de un plan para exterminar a todas las mujeres, y sobre todo a las inconformes. Lo que se busca, según esto, es que mueran de hambre, que no se reproduzcan…

Beatriz se pone de pie otra vez, va a la puerta y sale del departamento. —Es una teoría paranoica —escucha a sus espaldas, y luego, cuando la puerta está a punto de cerrarse: —¿Beatriz?

Cierra la puerta con llave, camina por el pasillo hasta las escaleras y baja los dos pisos. Sale del edificio y avanza por la calle. Ya es noche cerrada.

Beatriz, después de un momento, advierte que ni siquiera presta atención a su camino. No sólo no se dirige a la parada de su camión, sino que ya no reconoce los lugares por los que avanza. Deja atrás a otros peatones, y algunos coches la rebasan. No levanta la cabeza, no busca los nombres de las calles. Mira su reloj y se dice que debería apresurarse, para poder llegar a tiempo a su casa, cenar y dormir las horas necesarias para no sentirse desvelada al día siguiente. También podría llegar al multifamiliar en el que aún viven sus padres, y que no está tan lejos (aunque tal vez está caminando precisamente en la dirección opuesta), pero no sabría qué decirle a ninguno de los dos. Grita de nuevo al toparse, justo frente a ella, con Shanté.

— Beatriz — la oye decir.

Ahora sí levanta la vista, ve su cara. Va a gritar una vez más. Shanté tiene levantada una mano, como para tocarla, y Beatriz vacila. También podría preguntarle cómo salió del departamento, o recordarle su promesa de no volver a hacer lo que sea que haya hecho. —Discúlpeme —la oye decir, y siente las lágrimas, y piensa que debería echarse a correr, que se hace tarde.

Par Alberto Chimal

Alberto Chimal (Toluca, Mexique, 1970), auteur d’une œuvre dont la thématique est aussi large que les genres qu’il travaille, a publié plus de dix livres de récits, essais et théâtre. Dans ses textes, Chimal va du fantastique au réaliste, explorant également le registre dramatique, ce qu’illustre assez bien la nouvelle traduite ici. "Shanté" (2004) apparaît dans le livre Éstos son los días, qui reçut le prix national San Luis Potosí en 2002, la distinction la plus importante décernée au Mexique pour le genre bref : le conte et la nouvelle.

Parmi ses ouvrages les plus importantes, on peut citer le plus récent Grey (2006), ainsi que le recueil d’essais et articles La cámara de maravillas (2003) ; le livre de fictions brèves Gente del mundo (1998, réédité en 2001) et El país de los hablistas (2001). Cette année il publiera son premier roman.
On peut avoir accès à son site personnel à l’adresse suivante : http://www.lashistorias.com.mx/ac

Ivan SALINAS est traducteur, photographe, éditeur, co-coordinateur de l’atelier d’écriture en espagnol du « Taller de París » et membre de la revue Trans—, il réalise actuellement un doctorat en littérature comparée à la Sorbonne nouvelle - Paris 3.
Les photographies qui accompagnent le texte sont de lui.

Texte traduit avec la collaboration de D.BEUNZA et P.HACHETTE