Partie IX

ISHWAR apparaît.

ISHWAR

Vira ?

MIJIZA

Hein ?

ISHWAR

Vira ! C’est moi – moi, Ishwar !

MIJIZA

Hé, bwana – laisse-moi tranquille, d’accord ?

ISHWAR

Tranquille ? Comment veux-tu que je te laisse tranquille alors que tu m’as quitté ? Je t’ai vue de l’autre côté de la rivière le même jour que Fateh, mais tu es entrée dans mon cœur avant même que Fateh ne t’emmène.

MIJIZA

Fateh ? Tu connais Fateh ?

ISHWAR

Tu prononces encore son nom ? Quel est ce dieu que tu vénères ? Il t’a quittée, il n’a pas une seule fois pensé à toi durant ces cinq longues années alors que moi, je t’ai vue dans chaque fourmilière, dans chaque buisson épineux, j’ai tué des lions en ton nom et je t’ai vue, chenille, te transformer en papillon…

MIJIZA

Fateh ! Fateh !

ISHWAR

Pourquoi l’appelles-tu de tes cris ? Il ne peut entendre ton chant ! Chante – chante avec moi – chante avec moi, Vira – saunld –dha mahina, pinga, teyri yaan tey meyrian – chante !

Tout en continuant de chanter, ISHWAR se rue sur MIJIZA et lui serre la gorge. Elle se débat mais l’homme est trop fort pour elle et elle finit par n’être plus qu’une poupée de chiffon, tandis qu’ISHWAR continue de chanter en la tenant délicatement dans ses bras.

PATTERSON

Coolie numéro 675, Ishwar Lal, du village de Phulean, dans l’état du Goudjerate, province du Pendjab. Vous êtes accusé du meurtre d’une certaine Mijiza, indigène, le dit meurtre ayant été reconnu par vous. En vertu des pouvoirs judiciaires dont moi, Colonel Patterson, Ingénieur en Chef du Chemin de fer de l’Afrique-Orientale britannique, je suis investi, vous êtes solennellement condamné à mort par pendaison. (Aux autres) Installez le gibet de façon à ce qu’il donne sur le Rift.

Les ouvriers dressent un gibet improvisé tandis que FATEH s’approche d’ISHWAR.

FATEH

Pourquoi Ishwar, pourquoi ?

ISHWAR

Fateh ! Tu n’aurais pas dû quitter son doli, Fateh – maintenant Vira est ballottée à travers ce Rift, buvant des yeux la terre rouge qui t’appartient… Elle est ici, à un pas seulement derrière l’équipe de la tête de ligne. Je l’ai vue à Nairobi et – elle n’était pas avec toi près du lac aux flamants roses ?

FATEH fait non de la tête, tristement.

ISHWAR

Challo. Koi gull ni [ne t’en fais pas]. Elle sera bientôt ici. (Chantant) Saunld-dha mahina, pingha…

Tandis qu’il continue de chanter, on amène la potence. Silence.

LE CHOEUR

Les rails dévalent les pentes du Mau Summit, /

Notre équipe de tête de ligne glissant et dérapant sous la pluie /

En direction du lac Victoria des sahibs, / où ce voyage

Sera le début d’une nouvelle vie. / les rails de 500 livres fendent

La boue, / les traverses sur lesquelles ils reposent nous glissent

Des doigts, / les hommes courent après leurs outils, / s’effondrant comme

Des pots cassés / - et le coolie tout comme le sahib ou la locomotive /

Sont la cible des lances des tribus Nandi / dont les charges incessantes

Défient le rail de poursuivre son chemin.

FATEH

Ce train, ces lances, la boue qui s’agglutine – la terre nous fait expier le méfait d’Ishwar ! – (s’adressant aux cieux) N’a-t-il pas de sa vie payé le juste prix ? Les accidents nous ont mutilés, les maladies nous ont décimés – que devrons-nous encore payer pour cet aramb ["genèse" en pendjabi] ? -

ALLAUDIN

Shuruvat ["genèse" en goudjarati]? -

AMAR

Janam ["genèse" en ourdou] ?!

LE CHŒUR

Que devrons-nous encore payer pour cette genèse ?

Nos ombres creusent les contours de ce paysage /Elles restent entre les traverses, /

Dans les courbes des hameçons, /

Se faufilent dans les creux où rails et ballast se touchent. /

Nous versons nos ombres dans les puits que nous portons /

Et la pierre que nous cassons /

Et nous les laissons dans les tombes de nos amis.

Nuit. Les hommes se reposent, préparent un feu. MEHTA est arrivé au camp.

ALLAUDDIN

Mehta-ji – j’ai entendu dire que tu étais devenu un grand seyth-ji maintenant – qu’est-ce qui t’amène dans la crasse de notre camp ?!

MEHTA

Arey, Allauddin – les hommes construisent de grandes maisons – des boucheries même – mais leur arrive-t-il de les laisser complètement entre les mains d’autres personnes ?

ALLAUDDIN

Tu ne fais pas confiance à ton nouveau boita – c’est quoi son nom ?

MEHTA

Moolla. Il ne s’agit pas de confiance. Le tout est de savoir si on a les yeux ouverts ou fermés.

ALLAUDDIN

Fais confiance !

MEHTA

Ce que tu veux voir, tes yeux te le montreront. Que puis-je faire ?

ALLAUDDIN

Tout comme Patterson. Voilà qu’il dit que Kibos est pour nous ! Ce marécage près du lac Victoria ! Les hautes terres n’appartiennent qu’aux Mzungu – mais qui leur a ouvert les yeux sur les hautes terres, hein ? Si nous n’avions pas construit cette voie ferrée, qu’aurait vu Patterson ?

MEHTA

Marécage dis-tu – ça signifie suffisamment d’eau. Si le sol est bon et le climat adéquat, on peut cultiver du coton, du sucre…

ALLAUDDIN

L’argent fait des petits dans tes yeux, Mehta-ji ?!

MEHTA

Je pense au futur. Nous aurons besoin de travailler – le pays aura besoin de travailler. Ou dans deux saisons notre chemin de fer sera rouillé.

ALLAUDDIN

Mehta-ji, ça ne t’arrive jamais de regarder en arrière ? De regarder le soir avant le matin ?! Tu es comme Fateh ici – pendant tout le temps où il a marché avec moi, pas une fois il n’a parlé du pays qu’il avait laissé derrière.

AMAR

Bien !

ALLAUDDIN

Mehta-ji – tu dois cesser d’apporter autant de piments rouges – notre Amar dikra est tout le temps en feu !

AMAR

Tu as oublié ce qui te tient chaud, Allauddin-baba ? – Pas question que ça m’arrive à moi !

ALLAUDDIN

Suun che, dikra ? Tu parles peu et toujours trop.

FATEH

Mon épouse vermillon, flamme chatoyante mûre et sucrée dans la pénombre comme les mangues dans mon jardin, n’a pu me retenir.

Mon épouse flamboyante, scintillant de l’or du safran comme le maïs dans mes champs, n’a pu me retenir.

Ma belle épouse aux yeux noirs, tendre et timide comme le veau dans mon étable, n’a pu me retenir.

Même quand le henné se fut effacé de ses pieds délicats et de ses douces mains, elle n’a pu me retenir… La vérité, c’est que le Pendjab m’a arraché le cœur.

La TZIGANE apparaît. Elle lève à bout de bras un bébé qu’elle tenait enveloppé dans son chunni. Elle le porte à l’extrémité des rails et le pose en travers de la voie ferrée. Elle chante.

On voit VIRA au clair de lune.

VIRA

Dans la pénombre la lune envoie des éclats de langueur

Qui me déchirent le cœur comme des tessons

Le jour le soleil nargue mon ingéniosité

Poussant les ombres hors du chemin où je te cherche

Mais seuls ton absence et le silence de l’acier

peuplent cette terre rouge

tandis que là-bas, dans un autre monde

D’autres que toi labourent tes champs,

D’autres que toi traient ta vache

Et les enfants volent les mangues sur ton arbre.

Retour sur MEHTA, FATEH & ALLAUDDIN.

FATEH

Elle aimait chanter, avec Ishwar. Ils chantaient pendant des heures. Saunld-dha mahina… Je les entends chanter, chaque nuit je les ai entendus. Ishwar n’est plus là maintenant. Et Vira ? Elle a dû oublier. Mais chaque nuit, la chanson continue dans ma tête. Je suis devenu le cipaye qu’était Ishwar, gardien de leur voix, bien qu’elle soit à mes yeux perdue à jamais…

ALLAUDDIN

Tu devrais retourner…

AMAR

Non !

ALLAUDDIN (ignorant Amar)

Nous partirons tous les deux quand les travaux seront finis ! Haan – et Mehta-ji que voici pourra nous prêter l’argent ! J’irai chez ma mère dans le Goudjerate et toi tu iras chercher ta Vira !

AMAR

Non !

FATEH

Nous avons encore des rails à poser.

ALLAUDDIN

La nuit ?

FATEH

La lune donne suffisamment de lumière.

FATEH s’en va.

ALLAUDDIN (à Mehta)

Depuis que cet Ishwar – tu sais – il fait de plus en plus de choses tout seul…

MEHTA

C’est pourquoi je suis content que mon Moolla boita se marie bientôt – bourlinguer tout seul, ça suffit. Je n’ai nulle envie qu’il devienne un Karna.

ALLAUDDIN

Vous, les banias , vous avez toujours une histoire à raconter !...

AMAR

Ce ne sont pas des histoires !

MEHTA

Ce ne sont pas des histoires, Allauddin. Karna était le fils de Surya, le Dieu Soleil. Né pour être aimé, Karna fut déposé par sa mère dans un panier d’osier et abandonné sur les eaux du Gange. Après avoir longtemps dérivé, le panier se trouva bloqué dans un puits de sel où des tziganes crasseuses de la caste inférieure, vinrent laver leurs vêtements. L’une d’elles entendit pleurer le bébé. Elle l’emmena chez elle et l’éleva comme son fils bien-aimé, tandis que sa vraie mère – sa vraie mère régnait sur Jamnagar dans le Goudjerate.

AMAR

Je suis ce Karna – mon abha et ma ammi m’ont vendu à cette compagnie des chemins de fer pour avoir de quoi manger ! Jamais je ne rentrerai chez moi ! Chaque animal que je dépècerai sera leur chair que je couperai !

ALLAUDDIN

Amar, Amar… les paroles du Sahid n’ont-elles pas touché ton cœur ?

AMAR

Oui ! Oui ! Il a dit que la chaleur du désert purifiait notre corps – elle m’a ouvert les yeux sur mon propre devoir !

ALLAUDDIN

Trop de colère, Amar –

MEHTA

Trop de colère… Amar, tu restes ici avec nous. Nous sommes ta famille à présent – Fateh, Allauddin, moi…

FATEH se met au travail sur la voie inachevée.

FATEH

Au lieu des hautes régions montagneuses de mes rêves, maintenant je n’aurai pour toute terre que les marécages de Kibos – une fois de plus, je resterai immobile à essayer de voir ce qui se trouve au delà de la rive… Un enfant !... Le lion de Mijiza !

FATEH prend l’enfant et le berce.

FATEH

Les Massaï t’ont-ils transpercé d’un coup de lance, petit bout, quand tu étais un lion dont l’odeur ébouriffait mes cheveux ?

La TZIGANE chante. FATEH se retourne, le bébé dans les bras. Il se met à avancer en direction du son, comptant les pas qu’il fait.

FATEH

Il y a mille huit cent vingt-cinq jours, j’ai laissé ta voix à Phulean… Es-tu Vira, ou le lion venu pour arracher notre enfant-lune de mes bras ?

VIRA

La lune fut mon amie quand, durant le jour, je me cachais de toi en la personne de Moolla. Elle m’apportait ton odeur qui m’emplissait les narines, me picotait les paupières, se collait à mes cheveux, nourrissait mon espoir de te revoir… ! Pourquoi ne m’avais-tu pas parlé des pas que tu avais envie de faire ? Ne croyais-tu pas que ton rêve était le mien…

FATEH

Tu es la ligne dans ma main, je le sais maintenant…

VIRA

Nous avons traversé ensemble les vastes cieux avant notre naissance, joué dans les profondeurs de la mer, porté nos pénates sur la plus rouge des terres…

FATEH tend l’enfant comme une offrande. VIRA le prend dans ses bras.

VIRA

Tu es venu à nous porté par les eaux entre l’Inde et l’Afrique. Toi notre premier né, dans ce pays où le doli de ton père m’a amenée.

FATEH

Et je vous protègerai tous deux, à l’abri de ces rails d’acier qui s’étendent entre deux mers sur 581 miles.

Le chœur-lion apparaît.

LE CHŒUR

Quand une pluie dense assombrit le jour – pense à moi

Quand le vent souffle en rafales à la nuit tombante et que les couleurs du jour s’estompent – pense à moi

Quand tes jambes ne peuvent plus porter ton poids

Quand tes mains sont à vif et déchirées par le travail

Quand tu crois que tu ne peux pas aller plus loin – pense à moi

FIN

Traduit par Elishéva Zonabend Marciano

ISHWAR appears

ISHWAR

Vira?

MIJIZA

Eh?

ISHWAR

Vira! It’s me – me, Ishwar!

MIJIZA

Eh, bwana – leave me alone, eh?

ISHWAR

Alone? How can you say leave you alone when you left me? I saw you across the river the same day Fateh did, but you sat in my heart before Fateh took you away!

MIJIZA

Fateh? You know Fateh?

ISHWAR

Still you take his name? What is this god you worship? He left you, did not once think of you these five long years when I have seen you in every ant-hill, every thorn tree, killed lions in your name and seen you rise a butterfly out of a caterpillar…

MIJIZA

Fateh! Fateh!

ISHWAR

Why are you shouting for him? He can’t hear your song! Sing – sing with me – sing with me, Vira – saunld-dha mahina, pingha, teyri yaan tey meyrian – sing!

As ISHWAR continues to sing, he bears down on MIJIZA, clutching her throat. She struggles, but the hold is too strong, at last, she goes limp, while ISHWAR continues to sing, cradling her.

PATTERSON

Coolie number 675, Ishwar Lal, of village Phulean, district Gujarat, in Punjab Province. You are summarily charged with the murder of one Mijiza, a native woman; said murder having been admitted by you. By the judicial powers vested in me, Colonel Peterson, Chief Engineering Officer of the British East Africa Railway, you are hereby sentenced to death by hanging. [To others] Set the gibbet overlooking the Rift.

The gang erects a makeshift gibbet, as FATEH approaches ISHWAR.

FATEH

Why, Ishwar, why?

ISHWAR

Fateh! You should not leave her doli, Fateh – now Vira is blowing across this Rift, drinking with her eyes the red earth which belongs to you… She’s here, just a step behind our rail-head gang. Saw her in Nairobi and – she was not with you by the flamingo lake?

FATEH nods dissent, sadly.

ISHWAR

Challo. Koi gull ni [never mind]. She’ll be here soon. [Singing] Saunld-dha mahina, pingha…

As he continues to sin, the drop is pulled. Silence.

CHORUS

The tracks hurtle down the Mau Summit,/

our rail-head gang slipping and sliding in the rain /

towards the sahbs’ Lake Victoria, / where this journey

will begin a new life. / 500-pound rails slice through

the mud, / the sleepers on which they rest slip through

our fingers , / men chase their tools, / tumbling like

broken pots / - and the Nandi tribes rain their spears /

on coolie, sahb and engine alike, /

their stinging daring the rail to go on.

FATEH

This rain, this spears, the clinging mud – the land is making us pay for Ishwar’s wrong-doing! – [To the heavens] Isn’t his life payment enough? Accidents have maimed us, diseases have killed us – what more must we pay for this aramb [Punjabi for “genesis”]?

ALLAUDDIN

Shuruvaat [Gujarati for “genesis”]?

AMAR

Janam [Urdu for “genesis”]?!

CHORUS

Our shadows gouge out the contours of this landscape /

They lie between the sleepers, /

In the curves of fish hooks, /

Sidling in the hollows where the rails and ballast meet. /

We empty our shadows into the wells that we bore /

And the stone that we break /

And we leave them in the graves of our friends.

Night. The man rest, build a fire. MEHTA has come to the camp.

ALLAUDDIN

Mehta-ji – I heard you’ve become big seyTh-ji now – what brings you to the dirt of our camp?

MEHTA

Arey, Allauddin – men build big houses – even butchers shops – but do they ever leave them completely in the hands of others?

ALLAUDDIN

You don’t trust your new boiTa – what’s his name?

MEHTA

Moolla. Trust is not the question. It is whether you have your eyes open or closed.

ALLAUDDIN

Trust!

MEHTA

Whatever you want see, your eyes will show you. What can I do?

ALLAUDDIN

Just like Patterson. Now he says Kibos is for us! That swamp near Lake Victoria! The highlands belong only to the mazungu – but who opened their eyes to the Highlands, eh? If we had built this railway, what would Patterson have seen?

MEHTA

Swamp you say – that means enough water. If the soil is good and climate right, cotton, sugar, these can be grown…

ALLAUDDIN

More money growing in your eyes, Mehta-ji?!

MEHTA

Industry. We will need work – the country will need work. Or your rail rust in two seasons.

ALLAUDDIN

Mehta-ji, can you never look back? Never see the dark before morning?! You are like Fateh here – in all the time he has walked with me, never once has he talked of the home he left behind.

AMAR

Good!

ALLAUDDIN

Mehta-ji – you have to stop bringing so many chillies – our Amar dikra here is always on fire!

AMAR

You have forgotten what keeps you warm, Allauddin-baba? – I will not let that happen to me!

ALLAUDDIN

Suun che, dikra? You talk little and always too much.

FATEH

My vermilion bride a shimmering flame ripe and sweet in the darkness like the mangoes in my garden, couldn’t hold me.

My golden bride glimmering with haldi like maize in my fields, couldn’t hold me.

My beautiful dark-eyed bride soft and shy like calf in my byre, couldn’t hold me.

Even when the mehndi had faded from her delicate feet and gentle hands, she couldn’t hold me… Trust it, Punjab squeezed my heart.

GYPSY appears. She lifts a baby aloft from her Chunni. She bears it to the end of the tracks, and places it across them. She sings.

Vira is seen in the moonlight.

VIRA

In the darkness the moon sends slivers of longing

In shards to cut my heart

By day the sun mocks my industry

Pushing the shadows out of my path in my search for you

But this red land is filled only with your absence,

The silence of steel,

while there, in another world

Your fields are being tilled by others,

your cows milked by others

And children steal mangoes from your tree.

Scene returns to MEHTA, FATEH & ALLAUDDIN.

FATEH

She loved to sing, with Ishwar. They would sing for hours. Saunld-dha mahina… I hear them singing, every night I’ve heard them. Now Ishwar is gone. And Vira? She must have forgotten. But the song continues in my head every night. I have become the sepai Ishwar was, guarding their voice, though it is lost forever to my eyes…

ALLAUDDIN

You should go back…

AMAR

No!

ALLAUDDIN ignoring Amar

We’ll go together when the work is finished! Haan –and Mehta-ji here can loan us the money! I’ll go to my mother in Gujarat and you go and bring back your Vira!

AMAR

No!

FATEH

We have more track to lay.

ALLAUDDIN

At night?

FATEH

The moon gives light enough.

FATEH leaves.

ALLAUDDIN to Mehta

Ever since that Ishwar – you know – he is more and more doing things by himself…

MEHTA

That’s why I’m happy my Moolla boiTa is going to get married – enough moving round by yourself. I don’t want him to become a Karna.

ALLAUDDIN

You banias are full of stories!...

AMAR

They are not stories!

MEHTA

These are not stories, Allauddin. Karna was the Son of Surya, the Sun God. A child that was born to be loved, Karna was put in a basket of reeds end left to float alone in a river by his mother. A baby at the mercy of the salt waters. After a long time drifting alone, the basket got stuck in a salt pan, where low-caste, filthy gypsies came to wash their clothes. One gypsy heard the baby cry and took him into her home and raised him as his own beloved son. While his real mother – his real mother queened over Jamnagar in Gujarat.

AMAR

I am that Karna – my abha and ammi sold me to this railway so they could have food to eat! I will never go home! Every animal I skin will be their meat I cut!

ALLAUDDIN

Amar, Amar… have the Sayyid’s words not touched your heart?

AMAR

Yes! Yes! He said the desert heat cleans your body – it cleared my mind about my own duty!

ALLAUDDIN

Too much anger, Amar –

MEHTA

To much anger… Amar, you stay here with us. We are your family now – Fateh, Allauddin, me…

FATEH begins work on the un-finished track.

FATEH

Not the soaring highlands of my dreams, now, only the swamps at Kibos the land for me – once again, I will stand, trying to see what lies beyond the bank… A child! … Mijiza’s lion!

FATEH picks up the child, cradling it.

FATEH

Did the Masai spear you, little one, when you were a lion ruffling my hair with your smell?

The GYPSY sings. As her voice is heard, FATEH turns, with the baby in his arms. He begins to move towards the sound, counting the steps he is taking.

FATEH

One thousand eight hundred and twenty-five days ago, I left your voice in Phulean… Are you Vira, or the lion come to take our moon-child from my arms?

VIRA

The moon was my friend, when by day I hid from you in my shape as Moolla. It brought the smell of you rising through my nostrils, stinging my eyelids, clinging to my hair, daring me to hope to see you again…! Why didn’t you tell me of the steps you wanted to take? Didn’t you believe your dream is my dream …

FATEH

You are the line in my hand, I know it now…

VIRA

We have walked together across the vast heavens before our birth, played in the deeps of the sea, built homes on the reddest of earths…

FATEH offers up the child. VIRA takes it into her arms.

VIRA

You have come to us borne on the waters between India and Africa. Our first-born, in this land where your father’s doli has brought me.

FATEH

And I will guard you both, cradled in these tracks of steel, stretching from sea to sea, 581 miles.

The lion-chorus appears.

CHORUS

When the day becomes dark and thick with rain – think of me

When the wind gusts at dusk and the colours of the day soften – think of me

When your legs can no longer carry your weight

When your hands are raw and torn with work

When you think you can go no further – think of me

THE END

Par Jatinder VERMA

CONTEXTE HISTORIQUE

En 1886, les puissances européennes se réunissent à Berlin pour se partager l’Afrique. La Grande Bretagne s’octroie le Kenya et l’Ouganda, l’Allemagne la Tanzanie.
En 1895 aux Indes, famine et peste dévastent le Pendjab et le Goudjerate.
En 1896 débute la construction du chemin de fer d’Afrique-Orientale britannique, utilisant une main d’œuvre indienne, les « coolies ». Attirés par la perspective d’un salaire mensuel et la promesse de 5 hectares de terre à la fin des travaux, ils sont des milliers à s’engager. La ligne fera finalement 1 000 kilomètres de long et, sur les
30 000 ouvriers indiens, un dixième mourra durant les travaux.
Genèse retrace, à partir de quelques personnages, l’histoire de l’immigration de ces
30 000 indiens qui, fuyant la famine et la pauvreté, ont quitté leur pays pour l’Afrique à la fin du dix-neuvième siècle après avoir été recrutés par les colons britanniques en vue de la construction du chemin de fer devant relier la côte est de l’Afrique au Lac Victoria.

RESUME

Quand Fateh, jeune indien du Pendjab, quitte l’Inde pour aller travailler en Afrique, il laisse derrière lui sa femme Vira et son ami Ishwar qui part à l’armée pour pouvoir nourrir les siens. Comme ses compagnons de voyage, Allaudin le boucher musulman, Mehta, marchand opportuniste du Goudjerate, Amar, enfant du Pendjab vendu par ses parents à un agent recruteur, et le Sahid, un « saint homme » originaire du Pendjab, Fateh part avec l’espoir d’une vie nouvelle, une vie meilleure. Le bateau les emporte avec leurs rêves mais aussi leurs interrogations : « Y a-t-il des villes en Afrique ? » ; « Mange-t-on halal en Afrique ? ».
Arrivés sur le continent africain, ils se voient attribuer un numéro. Commence alors pour eux l’enfer de la construction du chemin de fer avec la peste, la mouche tsé-tsé, la chaleur, les moustiques, la malaria, les vers qui creusent des trous dans les pieds, mais la promesse des 15 roupies mensuelles et des 5 hectares de terre une fois le travail terminé leur donne la force et le courage de continuer.
Cependant, en Inde, Ishwar, pris en flagrant délit en train de passer ses rations à sa famille, est renvoyé de l’armée après avoir été condamné à dix coups de fouets. Il décide alors de partir en Afrique à la recherche de Fateh.
Peu après Vira, à son tour, part à la recherche de son mari, déguisée en homme.
Tandis que les coolies progressent en direction du lac Victoria, en butte à de nouveaux obstacles - ils sont attaqués par des lions puis par des tribus Massaï dans la région de Nairobi - Ishwar et Vira poursuivent leur destin : Ishwar rencontrera la mort sur son chemin et Vira finira par retrouver son mari.
Fateh et Vira réunis élèveront ensemble l’enfant nouveau-né d’une femme Massaï qui s’était attachée à Fateh après la disparition de son mari tué par les Britanniques, morte étranglée par Ishwar devenu fou.

PHOTOGRAPHIES : Agnès Varraine Leca.
Née en 1984. Voyage et photographie. Photographie et voyage.
Reportage "L’Inde, Humanité intouchable" en 2005, récompensé au Grand Prix Paris Match du Photoreportage Etudiant.
Expositions d’Octobre à Décembre 2005 aux "Quatre Jeudis" & "Le Petit Chicago", Canada.
Reportage "September 11th, five years later" pour Nazca Pictures, agence internationale de photojournalisme, Mars 2006, New York.
Reportage "100th anniversary of New York City’s taxis", Mai 2007, New York.
Commandes photographiques pour la SAGEP (Eaux de Paris), de Mars à Octobre 2007.

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http://www.nazcapictures.com/featur...